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Pourrait-on vivre sans les guêpes ?

Leur présence sur le campus est généralement mal accueillie, mais leur disparition aurait des conséquences dramatiques.

Alexandre Gontier | Le Délit

Les étudiant·e·s et les employé·e·s de l’Université McGill ne sont pas les seul·e·s à retourner au campus cet automne. Chaque année, les guêpes se font également plus nombreuses au début du mois de septembre, a confirmé le Détecteur de rumeurs de l’Agence science-presse dans un article paru le 16 septembre dernier. Malgré les désagréments qu’elles causent, les guêpes jouent un rôle écologique important dans nos écosystèmes. Le Délit s’est entretenu avec la Dre Jessica Gillung, professeure adjointe à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement à McGill et directrice du Musée d’entomologie Lyman.

Qu’est-ce qui caractérise les guêpes ?

Une quinzaine d’espèces de guêpes vivent en communauté au Québec, toutes présentes dans l’écosystème mcgillois. Leur taille varie entre sept et vingt-cinq millimètres, selon l’espèce – à l’exception de la reine du frelon européen, une espèce introduite, qui peut mesurer jusqu’à quatre centimètres. Certaines guêpes vivent seules, mais ce phénomène est plus fréquent chez les abeilles. Généralement, les guêpes se rassemblent dans des nids de papier, construits avec de la pâte de bois mélangée à de la salive. Ces nids sont construits dans le sol, en hauteur ou dans des cavités déjà présentes. Les guêpes se distinguent des abeilles par leur faible pilosité et par leur alimentation plus variée. Alors que les abeilles du Québec se nourrissent exclusivement de nectar et de pollen floraux, les guêpes peuvent aussi être carnivores ou charognardes. Puisque les abeilles dépendent complètement des fleurs pour se nourrir, elles sont généralement de meilleures pollinisatrices que les guêpes. Ces dernières demeurent néanmoins essentielles au maintien des écosystèmes, car elles participent aussi à la pollinisation. Elles chassent également d’autres insectes, contrôlant ainsi leur population, et elles sont elles-mêmes les proies de plusieurs espèces d’oiseaux, de reptiles, de mammifères et d’insectes.

Les guêpes ne survivent pas au gel, à l’exception des reines. Lorsque celles-ci se mettent à la recherche d’un endroit isolé du froid où attendre la fin de l’hiver, les ouvrières n’ont plus de tâches à accomplir et errent aux alentours. Leur population chute alors jusqu’au premier gel, moment où elle disparaît complètement. Ce n’est qu’avec le retour du printemps que les reines sortent de leur cachette et commencent à construire un nouveau nid.

« Afin d’éviter la visite importune de ces insectes, il faut donc couvrir les sources d’odeurs ou éviter de les exposer à l’air libre à l’extérieur »

Pour éviter la piqûre

Les guêpes chassent avec leur odorat. L’odeur sucrée des aliments les attire. Afin d’éviter la visite importune de ces insectes, il faut donc couvrir les sources d’odeurs ou éviter de les exposer à l’air libre à l’extérieur. Leur intérêt est toutefois de courte durée, et une guêpe fascinée par un aliment ira rapidement voir ailleurs si celui-ci est brièvement couvert d’une serviette de papier ou d’un couvercle, par exemple. En revanche, gesticuler afin de l’éloigner risque de la provoquer, puisqu’elle se sentira menacée. Les sources d’agitation à proximité des nids provoquent également une réaction défensive de la part de la colonie. La meilleure approche consiste donc à rester calme, à couvrir les aliments odorants et à attendre le départ de l’insecte. Il faut également porter attention aux animaux de compagnie qui ne peuvent pas comprendre ce qu’il faut faire et qui risquent ainsi de provoquer les guêpes. Il n’est pas nécessaire de rester immobile : une personne déjà en train de marcher n’a qu’à continuer calmement. 

Les guêpes du Québec sont peu agressives comparativement à d’autres espèces autour du monde. Leur venin est toutefois plus efficace contre les êtres humains que celui des abeilles.

Dans la plupart des cas, la piqûre de guêpe n’est pas dangereuse, mais elle peut provoquer des enflures, des douleurs, des démangeaisons et des rougeurs. Les effets désagréables disparaissent normalement en quelques heures ou quelques jours, et l’application d’une compresse froide peut calmer l’inflammation. Toutefois, si des symptômes plus graves apparaissent après quelques minutes, il faut agir immédiatement. Ils peuvent signifier une réaction allergique potentiellement dangereuse. Si la plaie s’infecte, si les symptômes semblent se propager sur le corps ou si une fièvre se développe dans les jours suivant la piqûre, il est également conseillé de consulter un·e professionnel·le de la santé. Les personnes ayant fait une réaction allergique à une piqûre de guêpe ou d’abeille par le passé risquent de subir des symptômes plus graves si elles sont à nouveau piquées par le même insecte. 

« Non seulement leur disparition serait-elle problématique en soi pour la pollinisation et pour la chaîne alimentaire, mais il y a également un risque de nuire accidentellement à d’autres espèces d’insectes à cause de l’imprécision des méthodes d’extermination »

Des espèces à risque de disparaître

On observe depuis quelques années un déclin de la population des guêpes et autres insectes pollinisateurs. S’attaquer aux guêpes en détruisant leurs nids aurait donc l’effet d’empirer leur situation. Non seulement leur disparition serait-elle problématique en soi pour la pollinisation et pour la chaîne alimentaire, mais il y a également un risque de nuire accidentellement à d’autres espèces d’insectes à cause de l’imprécision des méthodes d’extermination.

Des spécimens de nombreuses espèces d’insectes dont les habitats ont été détruits au cours du dernier siècle sont entreposés dans la collection mcgilloise du Musée d’entomologie Lyman. L’établissement, fondé en 1914, était initialement situé au Musée Redpath du campus du centre-ville avant d’être déplacé, en 1965, au campus Macdonald. Aujourd’hui, il contient près de trois millions de spécimens et constitue la deuxième plus grande collection du Canada. 


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