il faut te trouer encore
tu es une passoire
tes cernes coulent sur le plancher
le vent te traverse en sifflant
Camille Paré-Poirier
Dis merci, Camille Paré-Poirier (Ta Mère)
Dis merci raconte en s’affranchissant de la prose ; il va droit à l’essentiel. Honnête, réel, le recueil suit Camille et s’adresse à elle à travers un tu douloureusement vrai, de ses douze à ses vingt-trois ans. Camille est diagnostiquée, à l’aube de l’adolescence, d’une tumeur à la moelle épinière ; à douze ans, son corps ne lui appartient subitement plus. Tout en soulevant des questions sur l’écriture de soi, Dis merci livre un narratif de manière franche et décomplexée.
courir dehors et tout prendre
tout perdre à gorge déployée
les portes grandes ouvertes
les mains pleines d’espace
la bouche remplie de joie et de tiges sauvages
Anick Arsenault
Habitantes, Anick Arsenault (L’Écrou)
Avant-dernière parution des Éditions de l’Écrou, Habitantes creuse les souffrances d’une femme, celles qu’apportent toutes les facettes de l’identité. La voix du recueil creuse l’individuel tout autant que le collectif ; elle est vulnérable et solidaire. L’imaginaire déployé est large mais garde le cap, convoque habilement l’urbain et le naturel, les fait se côtoyer, cohabiter l’un dans l’autre. Les images sont plurielles, comme les expériences du je qui y prend parole.
Comme il
doit être doux
ce luxe
de se voir partout
pour ne pas avoir à écrire
sur soi
Elkahna Talbi
Pomme Grenade, Elkahna Talbi (Mémoire d’encrier)
Le deuxième recueil d’Elkahna Talbi porte un regard doux, mais critique sur l’identité, les relations amoureuses et le politique. Les vers sont courts et intimes, dans un souffle à la fois direct et délicat, tout en musicalité. Le lien entre intime et politique est paradoxal ; le recueil le convoque avec justesse, questionnant notamment la représentation des femmes racisées dans la culture populaire romantique. Les enjeux sociaux y côtoient néanmoins les expériences amoureuses en toute subtilité.
ce n’est pas un appartement
mais une futaie d’échardes
s’éternisant à croire
en nos mythes ensemencés
nous inexploitables
déférés à la logique par le vocabulaire total
je veux t’avoir sur le bout de la langue
passer la nuit à te chercher
Thomas Windisch
Mécanique élémentaire, Thomas Windisch (Poètes de brousse)
Mécanique élémentaire est dense de l’imaginaire foisonnant du je qui s’exprime. Une relation prend vie dans le recueil et convoque le quotidien de manière étonnante, demandant toute l’attention de la personne qui lit. Ce sont les choses voilées, la sensibilité des éléments concrets au jour le jour qui sont creusés, puis confrontés à la part de grandeur que peuvent contenir les premières heures du matin, dans un habile jeu de balancier.