Poème écrit par Eliot Forget et interprété par Marianne Mercier-Dulac. Vidéo par Éloi Angers-Roy. Musique par Mikhael Daoudi.
Journal de poésie
à partir de demain
plus de repas silencieux
où les visages décollés
tombent avec un grand splash
dans la sauce à spag
les tâches sur la nappe
deviendront des continents
à la dérive
qui feront naufrage
au lave-vaisselle
à partir de demain
d’un instant à l’autre
il y a moi
qui s’entend commencé
à exister
qui déboule
dans la trame narrative
d’un été raconté
par la pluie sur les feuilles de peuplier
placé tout juste avant
l’élément déclencheur
à partir de demain
la forêt qui se construit à l’aube
en amoncellements de bruits
de feuilles sèches qui froisse
de brindilles qui craque
de tracés agiles d’écureuils
qui se répondent en échos
viendra baignée de naissance
la lisière du monde connue
viendra noué en baluchon
les quatre coins d’horizon fripé
pour le grand voyage
d’une vallée de résilience et d’eau
veinée de ruisseau
pour la marche organique
d’un instant à l’orée du temps
où brame la puissance d’un matin
à partir de demain
tu seras resté quelque part
au pied des amélanchiers
à bout de regard de prairie et de baies
je te regarderais au coin de moi
naitre au fond du froid
sous un hiver exténué
je te regarderais naitre par les yeux
comme une partie complète
de tout ce qui te reste
à partir de demain
au réveil boréal
nos ferrailles d’oublie et de sous-bois
cent ans d’hiver à froid
sur nos sommeils raqués
on se lève
en étincelle
debout
dos à dos
neuf pas
on tire
à partir de demain
le bord de route
sera mon lieu de naissance
et je recoudrai
mon existence empaillée
avec de longs points de suture
point tillée
d’asphalte
point final
à partir de demain
je me perdrai sur la terre
je ne saurais plus quoi faire
ici
à la fine pointe de la technologie
je feuillète des lieux
plis l’horizon
pour ne pas perdre la page
à partir de demain
à l’ambre tombée
il y aura l’heure des fenêtres ouvertes
des ombres qui s’enroulent
à l’air assoupi
du miel doré de l’après-midi