Le secret est vivant mais n’a pas de patrimoine, on l’enterre avec nos mort·e·s. On le cherche parce qu’on sait qu’ il existe, qu’il peut être connu. On peut choisir de le garder, de le trahir ou de le dévoiler. Le secret est humain et sa complexité laisse apparaître, en filigrane, ceux et celles qui le partagent. On le distingue du mystère qui n’a rien de secret car il échappe à toute personne, sans exception. Le mystère est donc un problème en soi. En revanche, le secret ne solutionne pas, il pose problème dès lors qu’il existe.
En public, les individus ne se présentent pas, ils se représentent. Ils ne se montrent pas tels quels, ils se présentent derrière un filtre qui rompt la dualité de cet échange. Ainsi, le jeu est inhérent à la société ; vivre, interagir, c’est aussi jouer un rôle, c’est choisir de quelle façon l’on se présente à l’Autre. On se met en scène constamment et le travestissement s’opère, entre autres, par les secrets et les mensonges. Il faut tenir compte de chaque personne lorsque l’on choisit ce que l’on divulgue – ce que je révèle à quelqu’un n’est pas identique à ce que je révèle à un·e autre. En revenant à soi-même, il faut alors composer avec toutes ces déclinaisons de soi. Il faut aussi vivre avec ce que l’on garde pour soi, par honte, par obligation ou par bienveillance. Comment, alors, ne pas se perdre dans le mensonge ? Ces choses que l’on ne dit pas ne finissent-elles pas par disparaître, enfouies au plus profond de soi ?
On invite parfois l’autre à s’immiscer dans son intimité et, bien que plus rarement, dans ses tabous et sa perversité. Dans ce rapport envers soi-même, il arrive qu’un sujet refoule ses plus lourdes expériences et qu’il y ait des secrets que le corps cache. Un exemple probant du secret à l’échelle du soi est l’amnésie post-traumatique. Ce terme désigne le mécanisme qui met un traumatisme en dormance dans la mémoire, pendant un certain temps, avant qu’il ne lui revienne. Ce constat peut-être si lourd que juste après l’avoir affronté, on l’enterrera plus profondément qu’il ne l’était déjà.
Au terme de cette réflexion, il est légitime de se demander quelle valeur la vérité possède-t-elle, quand le secret peut aussi bien être moral que corrompu ? Dans quelle mesure est-il nécessaire de rechercher le vrai ? Beaucoup font de la recherche d’authenticité le projet de leur vie. Est-ce là une entreprise vouée à l’échec ?