On ne peut pas plier une feuille plus de sept fois.
Mais je les ai vus
Eux
avec elle
pliée en huit
Ils ont dans la bouche
le goût du sang
de ce qui coule dans les gorges raclées
Ils me tueront aujourd’hui et demain avec la violence d’un crachat.
En attendant, ils parasitent les vertèbres, les tapis, le plâtre de toutes mes maisons.
Ils savent se retirer à temps et posséder passionnément.
Eux savent manger la poussière, éternuer sans fermer les yeux. Ils sont du piment quand il y en a assez, du sel quand il y en a trop.
Ils sentent les lézardes des murs. Ils visitent, s’installent, avec l’insistance d’un dimanche. Ils rongent comme la lave refroidie. Ils se nourrissent de lumière jusqu’à devenir des tuyaux, mes boyaux.
Je ne sais pas ce qu’ils sont mais ils sont là.
J’aimerais être comme eux,
Respirer dans l’eau qui flotte sur l’huile
Casser les cartons et froisser les assiettes
Rire avec la feuille pliée en huit
Me casser les doigts sans coupure ni sang, rire de mes doigts, me moquer des cicatrices et saigner sur le sang.
Ils ont cassé une feuille et l’écrasent une neuvième fois.
En boucle, la feuille
Je l’avale, en boucle, elle reste coincée.
Ils écrivent sur la feuille
des dates sans années
qu’ils vont broyer les crânes sans faire de bruit
ils écrivent qu’ils reviennent pour moi.
En bruit de fond, des ongles grattent une ardoise. Je suis debout, les yeux baveux, les paupières cousues. Je mâche l’aiguille, mes dents, des fils électriques. J’ai dans la bouche le goût du sang.
Ils voulaient me tuer mais sont repartis avant. À demain