Après des élections fédérales qui n’ont fait que prolonger le statu quo parlementaire, les résultats des élections du 7 novembre dernier ont apporté un vent de fraîcheur à la politique municipale. De nouveaux visages, des luttes serrées, des plateformes ambitieuses : ces élections auront été historiques pour plus d’une raison.
Comme l’ont souligné plusieurs médias, les élections municipales ont porté au pouvoir une proportion sans précédent de femmes, notamment élues à la mairie. En effet, la moitié des dix villes les plus importantes du Québec sont maintenant dirigées par des mairesses – pendant quelques heures, on annonçait même que ce serait une majorité, avant la défaite surprise de Marie-Josée Savard à la mairie de la Ville de Québec. Selon Le Devoir, 31% de la population québécoise réside dans une municipalité gouvernée par l’une de ces cinq villes.
Cette féminisation du poste de maire·sse vient main dans la main avec un rajeunissement des élu·e·s municipaux·les. Encore selon Le Devoir, l’âge moyen des maire·sse·s des six principales villes de la province est de 39 ans – la cadette, Catherine Fournier, n’a pas encore atteint la trentaine et siège désormais à la mairie de Longueuil. Les jeunes élu·e·s sont en majorité des femmes : dans la tranche d’âge des 18–34 ans, elles composent tout juste 51% des candidat·e·s élu·e·s comme maire·sse·s ou conseiller·ère·s. Plus l’on avance dans les tranches d’âge, plus cette proportion tombe, jusqu’à atteindre moins d’un quart de femmes chez les 65 ans et plus.
« Le futur de la politique, du moins au palier municipal, semble donc être jeune, féminin et écologiste »
On peut également observer le nouveau succès de candidat·e·s mettant l’environnement au cœur de leur plateforme. Bien que la campagne municipale montréalaise n’ait pas accordé beaucoup d’importance à cet enjeu, il a été en général bien plus présent cette année que durant les élections de 2017. Plus de 80 des candidat·e·s ayant été élu·e·s faisaient partie du mouvement La vague écologiste au municipal, organisme conçu pour aider les candidat·e·s avec des plateformes environnementales fortes à se faire connaître. Parmi ces élu·e·s, dont huit ont remporté le poste de maire·sse, on compte une majorité de femmes, et une bonne proportion de jeunes.
Le futur de la politique, du moins au palier municipal, semble donc être jeune, féminin et écologiste.
Néanmoins, tout n’est pas rose. Il reste beaucoup de chemin à faire avant d’atteindre la parité : 76% des maire·sse·s ainsi que plus de 60% des conseiller·ère·s du Québec sont toujours des hommes. De plus, bien que les conseils municipaux des grandes villes se rajeunissent et se féminisent, le reste de la province n’emboîte pas le pas : à la grandeur du Québec, la proportion d’élu·e·s de moins de 44 ans n’a pas changé depuis les élections de 2013, tout comme la proportion des 18–34 ans.
Mais surtout, ces élections se démarquent tristement par leur taux de participation, qui n’a atteint que 38% pour la province et pour Montréal. C’est presque la moitié du taux de participation québécois aux élections fédérales de septembre dernier – malgré le mécontentement généralisé contre ces élections perçues comme « inutiles » ou « précipitées ». Plus de la moitié des maire·sse·s de la province ont d’ailleurs été élu·e·s automatiquement, sans opposition – dans des municipalités situées en région, oui, mais aussi dans certaines des plus grandes villes, dont Boucherville qui compte plus de 40 000 habitant·e·s. Certes, cette tendance n’est pas nouvelle : les élections municipales génèrent toujours moins d’intérêt que celles des autres paliers. Néanmoins, les taux de participation de cette année sont les plus bas depuis au moins 20 ans. Et c’est particulièrement vrai chez les tranches d’âge plus jeunes, qui votent moins que les jeunes des générations précédentes.
On ne peut que se réjouir de voir un renouvellement des candidat·e·s se présentant aux élections municipales québécoises. Presque une décennie après la commission Charbonneau et les grands scandales de corruption de Gérald Tremblay à Montréal ou ceux de Gilles Vaillancourt à Laval, la politique municipale semble susciter un enthousiasme nouveau. Pour que notre démocratie reste solide, cependant, il faut que ce renouvellement s’effectue aussi sur le plan des électeur·rice·s. Au niveau municipal, les marges de victoire peuvent être extrêmement petites, et dire que chaque voix compte n’est souvent pas qu’une façon de parler : dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, un des arrondissements les plus peuplés de Montréal avec plus de 160 000 habitant·e·s, la candidate Gracia Kasoki Katahwa de Projet Montréal l’a emporté sur son adversaire par 83 voix d’avance seulement. Au final, la nouvelle génération paritaire de candidat·e·s ayant l’environnement à cœur ne pourra accéder aux conseils municipaux à travers le Québec que si nous, la nouvelle génération d’électeur·rice·s, les y portons.