Le 4 janvier dernier, alors que la vague Omicron déferlait sur le Québec, les étudiant·e·s de l’École de travail social de l’Université McGill ont appris que les directeur·rice·s de l’École avaient décidé de maintenir les cours en ligne jusqu’au 25 février, soit un mois après la rentrée en présentiel planifiée par l’Université. Deux jours plus tard, un autre courriel indiquait que l’administration n’avait pas autorisé la décision de l’École, obligeant donc les étudiant·e·s à revenir en personne le 24 janvier. Presque deux semaines après le refus de l’Université, le 17 janvier dernier, l’Association des étudiant·e·s en travail social de l’Université McGill (AÉTSUM) a convoqué une assemblée générale et a voté en faveur d’une grève des cours d’une durée de plus d’un mois. Une deuxième assemblée générale sera tenue le 25 février pour voir si les étudiant·e·s veulent la prolonger.
Un retour précipité
Les étudiant·e·s en travail social de deuxième et troisième années doivent compléter des stages pratiques obligatoires dans des milieux communautaires deux fois par semaine, ce qui augmenterait leurs risques d’exposition à la COVID-19. Jo Roy, étudiant·e en troisième année, complète son stage à la réserve de Kahnawà:ke en tant que conseiller·ère en toxicomanie, alors que certain·e·s de ses camarades travaillent avec des patient·e·s exposé·e·s à la COVID-19. Pour iel, le retour en présentiel constitue non seulement un risque de propager le virus au sein des communautés marginalisées et vulnérables, mais pourrait aussi entraîner un danger pour la santé des étudiant·e·s qui travaillent dans les milieux communautaires ainsi que pour celle de leurs bulles familiales. Roy explique également qu’iel « n’est pas d’humeur à perpétuer 100 ans de colonialisme en contaminant des personnes vulnérables », faisant un parallèle entre la contagion des communautés autochtones par la COVID-19 et leur décimation par des épidémies européennes aux débuts de la colonisation.
« Le retour en présentiel, précipité et mal planifié, nous met tous·tes en danger alors qu’il existe une alternative – l’enseignement à distance – qui pourrait être extrêmement efficace pour atténuer la propagation inutile et évitable de la COVID-19 »
L’Association des étudiant·e·s de l’École de travail social
Les étudiant·e·s de travail social ont également profité de l’assemblée générale du 17 janvier pour faire valoir que le risque qu’il·elle·s contaminent les communautés vulnérables dans lesquelles il·elle·s œuvrent serait accru par les mesures sanitaires déficientes de l’Université, invoquant ses « immeubles mal aérés ».
#McGillonStrike : Luttes et réactions
Lorsque Jo Roy a reçu le courriel annonçant que l’École de travail social n’avait pas l’autorité de maintenir ses cours en ligne, « c’était comme un coup poing sur la gueule ; on était mis·e·s de côté, […], comme si on nous disait que nos vies n’avaient aucune importance », a affirmé Roy au Délit.
À la suite du refus de l’Université, l’AÉTSUM a convoqué une assemblée générale le 17 janvier dernier pour proposer une motion de grève (disponible uniquement en anglais) et ensuite procéder au vote. La grève implique un refus des étudiant·e·s d’assister aux cours en présentiel. En outre, l’AÉTSUM encourage les étudiant·e·s de travail social à continuer de se présenter à leurs stages, mais aussi d’assister aux cours qui se tiennent à distance. Si l’administration « renverse sa décision » et finit par autoriser l’École à établir ses propres politiques pédagogiques, comme l’explique la motion, la grève prendra fin. Dans le communiqué de presse publié le 18 janvier dernier, l’AÉTSUM a fait part des résultats du vote. Au total, 75 étudiant·e·s ont voté pendant l’assemblée générale, ce qui représente environ 54% des étudiant·e·s de premier cycle : 70 personnes ont voté en faveur, trois se sont prononcé·e·s contre et deux personnes se sont abstenu·e·s.
« Un argument employé par les personnes qui veulent retourner en présentiel est l’effet sur la santé mentale qu’engendre l’enseignement à distance. Mais si l’idée même de retourner en présentiel cause des crises de panique à tout le monde, ce n’est pas mieux pour notre santé mentale »
Jo Roy, étudiant·e en travail social
Lors d’un échange électronique avec Le Délit, l’Association des étudiant·e·s en travail social a exprimé que la grève vise à « défendre les intérêts de ceux qui sont les plus vulnérables ». Elle a souligné que la grève est la mise en pratique de ce que l’École leur a appris : « La défense des droits est fondamentale dans la profession du travail social et sera un élément crucial de toutes nos futures carrières professionnelles. » Quant à Jo Roy, iel est fièr·e que ses collègues se soient prononcé·e·s pour dire que « nous abordons cette pandémie avec un état d’esprit communautaire et non individuel ».
Dans un courriel envoyé aux étudiant·e·s le 19 janvier dernier, deux jours après l’assemblée générale, l’École de travail social a réagi à la grève. D’une part, l’École incite les étudiant·e·s et professeur·e·s à retourner en présentiel et, d’autre part, l’École « félicite [les étudiant·e·s et leurs] actions de plaidoyer ». Toutefois, Jo Roy a souligné que bien que certain·e·s professeur·e·s soutiennent le mouvement de grève, ces dernier·ère·s « ne peuvent pas faire grand-chose avec le poids du “régime autoritaire” mcgillois sur leur dos ».
« Les grèves ne sont pas censées être faciles, mais rien de ce qui a mené au changement ne l’a été. Lundi à minuit, notre grève commence et nous n’assisterons pas aux cours en personne pendant le mois qui suivra. Nous devons tenir la ligne »
Extrait d’un communiqué de l’AÉTSUM
La grève des étudiant·e·s de travail social « a inspiré d’autres facultés », comme l’indique le communiqué de l’AÉTSUM publié le 22 janvier dernier : celle de droit, celle des arts et celle des étudiant·e·s de deuxième cycle en éducation, qui ont par ailleurs annoncé le 21 janvier dernier être en faveur d’une grève.