Le 19 février dernier au soir avait lieu une rencontre du conseil législatif de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) avec le retour du controversé président de l’AÉUM, Darshan Daryanani. On y a appris que celui-ci avait été préalablement suspendu de ses fonctions pendant cinq mois pour des raisons à ce jour inconnues. La prise de parole de Daryanani a mené à un débat houleux entre les différents directeurs, représentants et conseillers sur l’environnement de travail supposément toxique de l’AÉUM. Elle a ainsi généré une longue discussion sur les comportements sexistes allégués de certains membres de l’exécutif.
Retour remué et remuant
La rencontre du conseil législatif, plus longue que d’habitude, a exceptionnellement duré plus de quatre heures. Cela s’explique notamment par le retour du président de l’AÉUM, Darshan Daryanani. Depuis le 23 septembre, soit pour une durée de cinq mois correspondant à la moitié de son mandat, le président était absent de ses fonctions et du conseil législatif. Dans son discours, il a révélé avoir été suspendu par le conseil d’administration pour des raisons qui lui seraient à ce jour inconnues. Au bout d’à peine trois minutes, son discours de retour a été coupé par la vice-présidente aux Affaires internes Sarah Paulin qui a invoqué un bris de confidentialité. S’en est suivi 20 minutes d’attente, dans un silence complet, durant lesquelles une discussion privée a eu lieu en salle de conférence entre Paulin et Daryanani. Le président a ensuite pu reprendre son discours dans lequel il a mis l’accent sur sa « suspension unilatérale ». Il en a profité pour souligner sa « coopération avec le conseil d’administration, malgré le fait que les raisons de sa suspension n’ont pas été dévoilées ». S’estimant « victime d’une injustice », il a réitéré son « souhait de poursuivre son mandat de président jusqu’au bout ».
Les questions n’ont pas tardé à fuser, à la fois de membres curieux, mais aussi et surtout de conseillers et directeurs. Lorsque questionné sur son salaire (qui lui avait été versé malgré son incapacité à remplir ses fonctions) et s’il serait prêt à le rendre, le président s’est contenté d’un « non ». La discussion sur son retour a ensuite tourné, au fil des heures, à de multiples critiques venant notamment de directrices quant aux conditions de travail présumément toxiques au sein de l’AÉUM et à des commentaires racistes et sexistes. La vice-présidente Claire Downie a ainsi mentionné qu’il était « très difficile de travailler à l’AÉUM en tant que femme ». Elle a continué en parlant de la « culture d’impunité pour les hommes travaillant à l’AÉUM », lorsque questionnée sur l’environnement de travail de l’AÉUM. En conséquence, le président Daryanani a reconnu que « l’AÉUM n’était pas parfaite » et qu’il restait du travail à accomplir. À la suite d’une question sur de possibles solutions à adopter, les vice-présidents Sacha Delouvrier aux Affaires externes et Éric Sader aux Finances se sont quant eux dits ouverts à la possibilité de démissionner dans l’éventualité où certaines de leurs collègues ne se sentiraient pas en sécurité en leur présence.
Contacté par Le Délit, le président Daryanani a allégué « avoir passé une grande partie de ces derniers mois à s’assurer que ses droits étaient respectés » avant de souligner que « le conseil d’administration ne s’était pas conformé à ses propres obligations ou ses conditions de suspension », d’où son sentiment d’injustice. En effet, le conseil d’administration ne lui aurait supposément pas indiqué les raisons de sa suspension, la renouvelant à plusieurs reprises sans lui indiquer une date de fin précise, ce qui serait à l’encontre de l’article 10.10 de la Constitution de l’AÉUM. Par ailleurs, il reproche au conseil d’administration un manque de transparence dans ses prises de décisions ainsi que plusieurs abus de pouvoir, en violation de l’article 16.1 de la Constitution.
La période de questions, initialement consacrée au retour du président, a ainsi été prolongée à de multiples reprises, faisant en sorte que les motions n’ont été abordées que tard dans la nuit, soit peu après 22h.
Motions adoptées, rejetées et repoussées
Parmi les faits notables, plusieurs motions ont été adoptées. Celle sur la création de frais d’accessibilité du français a par exemple été approuvée à l’unanimité. Elle entraînera l’abolition du plan de francisation actuel et la mise en place d’une question référendaire sur la création de frais sans droit de retrait de 0,25$. Une autre motion concernant l’augmentation des frais associés à l’adhésion à l’AÉUM a aussi été adoptée, avec 17 voix en faveur, 2 contre et 6 abstentions. L’augmentation sera de 1,20$ et entrera en vigueur à la session d’automne 2022. Son objectif est d’offrir un meilleur salaire aux conseillers et sénateurs étudiants travaillant pour l’AÉUM. Ces frais seront soumis au référendum de la période d’hiver 2022.
Deux motions ont été repoussées. Le conseil a d’abord repoussé une motion visant à ratifier la nomination de quatre nouveaux directeurs au conseil d’administration afin d’arriver au total de 12 membres requis par la Constitution. Le conseil a également reporté une deuxième motion qui aurait donné lieu à un référendum sur la réintroduction des frais de 10$ pour l’amélioration des infrastructures athlétiques. En effet, certaines d’entre elles, telle que la piscine du Mémorial, seraient en train de se dégrader et nécessiteraient d’importants travaux selon le conseiller du département sportif, Sedami-Habib Djossou. Cette motion a été repoussée pour une durée indéterminée.
Une autre motion rejetée traitait d’un amendement aux frais accessoires et demandait au conseil législatif que le moratoire adopté en 2019 afin de soutenir le mouvement Désinvestissement McGill (Divest McGill) ne limite plus le département sportif de McGill. En effet, la motion empêche le département de demander une augmentation des frais accessoires de la part de l’AÉUM. La motion a longuement été débattue, notamment par Bryan Buraga, ancien président de l’AÉUM, qui s’y est formellement opposé, soulignant l’importance de la pression financière afin d’amener McGill à arrêter d’investir dans les énergies fossiles. Certains arguments mis de l’avant par le conseiller Djossou soulignaient le manque de collaboration de Désinvestissement McGill pour arriver à un terrain d’entente ainsi qu’un manque de moyens accordés par McGill. La majorité des différents directrices et directeurs ainsi que les conseillères et conseillers présents se sont prononcés en faveur du mouvement Désinvestissement McGill en refusant d’adopter la motion à 15 voix contre huit, avec une abstention.
Le conseil s’est clos sans avoir pu aborder toutes les motions présentées. Elles seront repoussées au prochain conseil du 24 mars.