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S’alimenter de manière responsable

Le dumpster diving, pourquoi ne pas l’essayer ?

Alexandre Gontier | Le Délit

L’humain, avant d’être un animal politique, est un animal. Nous sommes des organismes hétérotrophes dont la vie est rendue possible par l’ingestion de matières organiques. Il nous est donc impossible de vivre sans consommer, et manger est la forme la plus élémentaire de consommation. Lorsque l’on parle de consumérisme, on imagine souvent ces montagnes de cellulaires obsolètes après deux ans d’utilisation ou encore aux garde-robes occidentales renouvelées chaque année afin de suivre les dernières tendances éphémères de la mode. Mais à l’instar de tous nos gadgets, les éléments organiques que nous n’ingérons pas deviennent également déchets. Que se passe-t-il lorsque les aliments destinés à la consommation humaine dépérissent avant même d’avoir été consommés, et ce, à très grande échelle ? Et, surtout, comment remédier à cette destruction préconsommation ?

Selon le rapport de 2019 sur l’indice du gaspillage alimentaire du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), après sa commercialisation, pas moins de 17% de la production alimentaire mondiale finirait aux poubelles avant même d’avoir été consommée. L’ensemble de cette nourriture gaspillée pourrait nourrir sept fois les individus souffrant de malnutrition. Par ailleurs, les ménages canadiens sont ceux qui gaspillent le plus en Amérique du Nord, loin devant les États-Unis. En effet, 63% de la nourriture jetée au Canada aurait pu être consommée. 

Combattre le gaspillage alimentaire a plusieurs vertus. Assurément, vous sauverez de l’argent – particulièrement en période d’inflation – mais surtout, vous réduirez votre empreinte écologique. Considérant qu’environ 30% des émissions de CO2 dans le monde sont liées au secteur de l’alimentation, réduire le gaspillage alimentaire a le potentiel de diminuer ces émissions.

Il existe de nombreuses solutions au problème du gaspillage alimentaire, dont une meilleure gestion de son réfrigérateur. Mais il n’y a pas que les ménages qui jettent de la nourriture, il y a aussi les restaurants et les épiceries. Le dumpster diving, parfois nommé déchétarisme, glanage alimentaire ou trésordure en français, s’avère une excellente façon de combattre le gaspillage alimentaire des fournisseurs de nourriture. On trouve effectivement dans les bennes à ordures des épiceries montréalaises des quantités impressionnantes d’aliments. Beaucoup des produits que l’on peut y dénicher viennent tout juste de périmer et, parfois, leur date de péremption n’est même pas encore dépassée. Souvent, ils n’ont pas trouvé preneur·se car leur emballage était légèrement endommagé : une boîte de carton était froissée, une boîte de conserve était cabossée, etc. Néanmoins, la plupart des aliments sont bons bien plus longtemps que ce que leur étiquette laisse présager, croyez-moi.

« 63% de la nourriture jetée au Canada aurait pu être consommée »

Si vous souhaitez intégrer le dumpster diving dans votre quotidien, repérez les épiceries de votre quartier et prenez l’habitude d’aller jeter un coup d’œil dans leurs bennes à ordures lorsque vous sortez faire une marche ou lorsque vous rentrez de l’université. Il y a de fortes chances que vous tombiez sur des légumes frais, des conserves ou des céréales. Pour ceux·lles qui ne souhaitent pas s’y risquer, vous pouvez télécharger l’application Too good to go, qui offre un service vous permettant d’acheter des paniers de produits invendus à très bas prix chez les commerçants participants.

Bien que plusieurs pratiquent le dumpster diving par conscience environnementale, beaucoup le font aussi par nécessité. Certain·e·s avancent donc qu’il vaut mieux ne pas toucher au contenu des poubelles pour le laisser à ceux·lles qui en ont le plus besoin. Certains endroits sont en effet davantage fréquentés par des sans-abris qui peuvent dépendre du dumpster diving pour se nourrir. Si c’est le cas, il est préférable d’éviter de se servir et de trouver un autre endroit. Restez sensibles à votre environnement et à la population de votre quartier et adaptez-vous en conséquence. Toutefois, dire qu’il ne faudrait jamais pratiquer le déchétarisme si l’on en a pas absolument besoin, c’est mal connaître la quantité de nourriture jetée quotidiennement. Certes, il vaut mieux ne pas tout prendre et en laisser, mais dans le monde actuel où la production alimentaire surpasse la demande afin d’assurer le fonctionnement de sa logique consumériste, je suis d’avis qu’il nous faut être un plus grand nombre de glaneur·se·s alimentaires pour mettre de la pression sur les épiceries. Un nombre grandissant d’entre elles ont désormais des partenariats avec des banques alimentaires, et il faut en inciter davantage à se joindre au mouvement.


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