Le 16 août dernier, La Presse publiait un article exposant la crise du logement étudiant qui sévit actuellement partout au Québec. On y rapportait notamment l’insuffisance de l’offre des résidences étudiantes, dont les listes d’attente qui s’éternisent, les faibles taux d’inoccupation à travers le Québec, ainsi que la hausse des loyers qui forcent les étudiant·e·s à s’excentrer ou bien à dépasser significativement leur budget.
Les chiffres mentionnés dans l’article de La Presse proviennent de l’enquête pancanadienne PHARE 2021 menée par l’organisme UTILE (Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant). Cette dernière a révélé que 77% des étudiant·e·s universitaires sont locataires, dont 69% sur le marché privé, comparé à 8% en résidences universitaires.
À Montréal en particulier, 86% des étudiant·e·s sont locataires. Selon le rapport de l’enquête, les étudiant·e·s sont une population vulnérable sur le marché locatif, en raison des réalités qui sont particulières à leur statut, notamment le manque d’expérience de location et les déménagements fréquents. En outre, 62% des étudiant·e·s universitaires locataires ont un revenu de moins de 20 000$ par année, les plaçant sous le seuil de pauvreté ; et plus de 60% des étudiant·e·s consacrent plus de 30% de leurs revenus à leur loyer, vivant ainsi de la précarité financière.
Une situation stable aux résidences de McGill ?
Selon le Pr Fabrice Labeau, premier vice-principal exécutif adjoint, la situation actuelle semble stable aux résidences de McGill. « On a à peu près le même niveau de demandes qu’avant la COVID, mais c’est aussi lié au fait que notre clientèle cible pour les résidences est composée des étudiants de première année qui viennent principalement de l’international ou du reste du Canada. Les étudiants du Québec ne sont typiquement pas intéressés par notre offre et vont généralement se trouver un appartement par eux-mêmes », affirme-il. En réponse aux questions du Délit, l’agente des relations avec les médias Frédérique Mazerolle nous informe que l’Université garantit une place en résidence à tous·tes les étudiant·e·s de premier cycle, âgé·e·s de 22 ans ou moins en date du 1er septembre et qui débuteront leur première année d’études. De plus, tous·tes les boursier·ère·s qui commencent également leurs études en septembre pourront obtenir l’un de leurs deux premiers choix de résidence si leur demande a été faite avant la date limite.
Par contre, pour Val Masny, vice-président·e aux affaires externes de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM), ce n’est pas parce que la demande aux résidences étudiantes demeure stable que les étudiant·e·s de McGill ne souffrent pas de la crise actuelle. En effet, selon iel, le faible nombre de demandes de résidences de la part des étudiant·e·s québécois·es peut être dû au fait que les résidences demeurent dispendieuses. « Les résidences demeurent un actif qui permet de dégager du profit. Leur [l’administration mcgilloise, ndlr] objectif n’est pas d’arriver à coûts nuls », ajoute-t-iel. Ce constat s’inscrit dans les positions officielles que l’AÉUM a voté en 2019 qui affirment que le logement est un droit (article 2 du cahier de positions), et que l’AÉUM s’engage à travailler pour la décommodification du marché. « Le marché locatif ne doit pas suivre les lois du marché, mais doit répondre aux besoins de logement » renchérit-iel.
Des initiatives pour venir en aide aux étudiant·e·s
Cette réalité est connue depuis plusieurs années par des organisations étudiantes mcgilloises. En 2020, l’AÉUM s’est penchée sur le besoin grandissant d’accès à des infrastructures de logement afin de répondre à la réalité précaire des étudiant·e·s. Ainsi, le Plan de logement abordable (Affordable Student Housing Plan), adopté par le conseil législatif en février 2020, comprend un projet de logements locatifs étudiants abordables. Avec plusieurs partenaires, incluant l’UTILE, ce projet répond à cette demande en ayant pour objectif de construire 200 unités de logement abordables spécifiquement destinés à la communauté étudiante de McGill.
Val Masny explique la nécessité de la mise en place de ce projet : « Les recommandations [sur la conciliation travail-études, ndlr] disent de ne pas travailler plus qu’un certain nombre d’heures par semaine pour faire ses études. Mais la tâche de payer son loyer est rendue difficile en travaillant seulement quelques heures par semaine. » Malgré leur situation documentée de précarité, les étudiant·e·s ne sont pas admissibles au logement social, ce qui les oblige à se tourner principalement vers le marché locatif privé. À Montréal, c’est le cas de 80% des étudiant·e·s locataires. Ces données indiquent que les étudiant·e·s sont particulièrement à risque des impacts que la crise du logement peut avoir sur les locataires.
« 77% des étudiant·e·s universitaires sont locataires »
L’enquête PHARE
À l’heure actuelle, un terrain a été acheté au coin des rues St-Laurent et Ontario, et des démarches avec les partenaires locaux sont en cours pour mettre en place des moyens d’atténuer les effets qu’auront la construction de ces logements sur la population locale. En particulier, ces échanges ont lieu avec le Centre d’Amitié Autochtone de Montréal Inc. (CAAM) dans le but de ne pas nuire à la population autochtone sans logement du quartier.
Du côté de l’administration de l’Université McGill, Mme Mazerolle informe que McGill a établi un partenariat avec Places4Students, le principal service d’annonces d’appartements pour étudiant·e·s pour ceux et celles qui cherchent un logement hors campus.
La crise du logement adressée par les partis politiques
À l’aube des élections générales provinciales du 3 octobre 2022, les partis se positionnent face à cette crise. À l’heure actuelle, aucune mesure spécifique concernant le logement étudiant n’a été annoncée.
Les partis de Québec Solidaire (QS) et de la Coalition Avenir Québec (CAQ) ont énoncé des promesses électorales pour pallier la situation. Le premier ministre François Legault, soulignant la « pénurie de logements » sans toutefois référer à la crise du logement, comme l’ont critiqué les partis d’opposition, a annoncé que son parti souhaitait faire construire un peu moins de 12 000 logements abordables s’il était réélu pour un prochain mandat.
Commentant cette annonce, Val Masny met en garde en ce qui concerne l’emploi du terme « logements abordables » qui, rappelle-t-iel, n’est pas synonyme de « logements sociaux ». « Le logement abordable, malgré que ce soit bien, suit la logique du marché, tandis que le logement social permet de prendre en compte les véritables besoins des gens en termes de ce qu’iels peuvent payer. »
La CAQ a justifié ce chiffre en disant que les promesses faites par d’autres partis étaient irréalistes, notamment à cause de la pénurie de main‑d’œuvre et de la hausse des coûts de la construction. En réponse à cette annonce, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), un regroupement national pour le droit du logement, a réagi en déplorant le fait que le gouvernement caquiste n’ait pas tenu ses promesses relatives au logement lors des quatre dernières années, puisqu’il n’a pas livré les 15 000 logements sociaux prévus dans le programme AccèsLogis. Entre son élection en 2018 et le 28 février 2022, seulement 4 328 logements sociaux sont sortis de terre. Et malgré des besoins croissants, en quatre ans, l’équipe de François Legault n’aura lancé qu’une maigre programmation de 500 nouveaux logements sociaux pour tout le Québec, peut-on lire dans le document pré-électoral de l’organisme. Le FRAPRU demande alors aux partis de s’engager à compléter la construction de toutes les unités de logements sociaux programmées dans AccèsLogis et d’en construire au nombre de 50 000.
Les partis d’opposition ont également proposé des promesses électorales qui concernent la crise du logement. De son côté, Québec Solidaire a indiqué viser la construction de 50 000 logements sociaux au Québec et contrôler l’augmentation des loyers en instaurant un registre national des baux si le parti était élu. Le Parti libéral du Québec a promis 50 000 nouveaux logements sociaux sur 10 ans. Le Parti québécois, quant à lui, entend construire les 10 000 logements sociaux, programmés par AccèsLogis.