Le 7 septembre dernier, quatre des cinq partis politiques conviés étaient représentés par un·e candidat·e à la Maison du développement durable pour débattre de santé mentale. L’événement était organisé par la Coalition communautaire en santé mentale, un groupe composé de 15 organismes communautaires dont le but est de faire de la santé mentale l’un des enjeux principaux de la campagne électorale provinciale. Le débat rassemblait Andrée-Anne Bouvette-Turcot, candidate dans Taillon pour le Parti québécois (PQ), le Dr Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux services sociaux et candidat dans Taillon pour la Coalition avenir Québec (CAQ), la Dre Mélissa Généreux, candidate dans Saint-François pour Québec solidaire (QS), et Byanca Jeune, candidate dans Pointe-Aux-Trembles pour le Parti libéral du Québec (PLQ).
Soutenir le réseau public
Les élections provinciales ont lieu alors que la demande de services en santé mentale au Québec a bondi depuis le début de la pandémie de COVID-19 et que le système de santé publique peine à répondre aux besoins. Le nombre de demandes de consultation en santé mentale à travers la province a subi une augmentation estimée entre 30% et 40% depuis 2020, et la liste d’attente pour obtenir un rendez-vous en psychothérapie dans le réseau public compte environ 20 000 noms à l’heure actuelle. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) consacre actuellement 6,4% de ses dépenses à la santé mentale, ce qui représente une baisse par rapport à son budget précédent.
Face aux autres candidat·e·s, le Dr Carmant s’est défendu de n’avoir rien fait pour la santé mentale au Québec au cours de son mandat des quatre dernières années. Il a mis de l’avant les réalisations de la CAQ, notamment la mise en place du Guichet d’accès en santé mentale, ainsi que l’abolition de l’exigence d’être référé·e par un·e médecin de famille pour avoir accès à la psychothérapie dans le secteur public, une mesure qu’avait instaurée le Parti libéral lors de son mandat précédent.
Néanmoins, pour Andrée-Anne Bouvette-Turcot, candidate du Parti québécois, la priorité doit être de ramener les psychologues vers le réseau public. La candidate a insisté sur l’importance de freiner l’exode des psychologues du réseau public vers le réseau privé, ce que le Parti québécois souhaite faire en améliorant les conditions de travail des psychologues dans le réseau public, et en réduisant l’écart salarial entre psychologues des réseaux public et privé. « On veut que le gouvernement […] devienne le meilleur employeur au Québec », a‑t-elle souligné. Sur ce dernier point, Lionel Carmant s’est montré d’accord, exprimant l’intention de la CAQ d’augmenter les salaires des psychologues du réseau public dans un prochain mandat.
La prévention au coeur des solutions
L’importance d’adopter une approche préventive s’est rapidement établie comme consensus parmi les candidat·e·s présent·e·s. Byanca Jeune a exprimé l’intention du Parti libéral de lancer une vaste campagne de sensibilisation aux enjeux de santé mentale sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels. De son côté, Lionel Carmant a mis de l’avant les programmes de sensibilisation et de prévention mis en place par la CAQ dans les quatre dernières années, citant en exemple le réseau d’éclaireurs mis en place par le gouvernement Legault en 2021 pour améliorer la santé mentale des Québécois·es en contexte de pandémie et post-pandémie.
« Le nombre de demandes de consultation en santé mentale à travers la province a subi une augmentation estimée entre 30% et 40% depuis 2020 »
La Dre Mélissa Généreux, candidate de Québec solidaire, a fait valoir que la question de la prévention est au cœur de l’approche adoptée par Québec solidaire en ce qui concerne la santé mentale. Le parti met l’accent sur les déterminants sociaux de la santé mentale, tels que l’accès au logement, l’instabilité alimentaire, l’environnement physique et le racisme systémique. En ce sens, la plateforme entière de Québec solidaire peut être interprétée comme un plan de prévention en santé mentale, puisqu’elle vise à améliorer les conditions de vie des citoyen·ne·s, plaide la Dre Généreux. À l’appui, cette dernière a cité la construction envisagée par Québec solidaire de 50 000 logements sociaux et l’octroi prévu de 1% du budget d’infrastructures au verdissement des espaces urbains.
Questionné·e·s à leur tour quant à leurs approches respectives des déterminants sociaux de la santé mentale, les candidat·e·s ont présenté les mesures sociales proposées par leurs partis respectifs. Le Parti québécois a mis de l’avant son projet de construire 5 000 logements sociaux par année, son intention de hausser le salaire minimum à 18$/h, ainsi que son objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour réduire l’éco-anxiété chez les jeunes. Le Parti libéral prévoit en revanche une baisse d’impôts pour la classe moyenne, des allocations mensuelles aux aîné·e·s et la gratuité des transports en commun pour les aîné·e·s et les étudiant·e·s. Le Dr Carmant, quant à lui, a mis l’accent sur les mesures établies dans le Plan d’action interministériel. Le Plan, lancé en janvier dernier, propose plus d’un milliard de dollars sur cinq ans pour améliorer l’accès aux soins et aux services en santé mentale. Le candidat caquiste a également rappelé la promesse de son parti de construire 11 700 logements sociaux en quatre ans. Il s’est encore une fois défendu d’en faire trop peu, faisant valoir que la CAQ « met sur la table une promesse qui est raisonnable et qu’on [la CAQ] va livrer, parce que pour nous, c’est important de tenir nos promesses ».
Mettre à profit l’expertise communautaire
La place des organismes communautaires dans le domaine de l’intervention en santé mentale s’est également démarquée comme un des points centraux du débat. Tous·tes s’accordent pour dire qu’il est nécessaire d’augmenter le financement du secteur communautaire et que son expertise devrait être mise à profit d’une meilleure manière dans la lutte pour la santé mentale. « Il est temps que les organismes communautaires soient vraiment reconnus comme des services essentiels de première ligne, pleinement autonomes, compétents, et qu’on reconnaisse leur expertise », a résumé la candidate du Parti québécois. « Je ne trouve pas ça normal qu’un employé chez McDo gagne plus qu’un intervenant du milieu communautaire », a déploré à son tour la Dre Généreux. Québec solidaire propose de rehausser le budget des organismes communautaires de 280 millions de dollars en deux ans, puis de 290 millions de dollars pour les deux années suivantes. Le Parti québécois, quant à lui, propose d’allouer 460 millions par année au milieu communautaire, dont 370 millions seraient réservés aux organismes oeuvrant dans le domaine de la santé, un chiffre qui a semblé surprendre le Dr Carmant. Le candidat caquiste a souligné les 127 millions de dollars qui ont été investis par son parti dans le milieu communautaire sous la forme de financement à la mission globale des organismes, contre 27 millions investis sous quatre ans de régime libéral. Il a souligné que le retard des quatre années du gouvernement libéral ne pouvait être rattrapé que de manière progressive. « Il faut être pragmatique », a‑t-il plaidé.
Un débat « positif »
Les réactions de la Coalition communautaire en santé mentale à la suite de l’événement ont été des plus positives. Dans une entrevue avec Le Délit, Anne-Marie Boucher, co-porte-parole de la Coalition, s’est montrée très satisfaite de la tournure du débat : « On n’est pas juste dans une discussion sur la longueur des listes d’attentes, mais on a entendu parler aujourd’hui des conditions de vie des citoyens et de l’impact qu’elles ont sur la santé mentale. » Elle a également exprimé sa satisfaction à l’égard des promesses des candidat·e·s de rehausser le financement du milieu communautaire. « C’est du positif, ce qu’on a entendu aujourd’hui, de la part des quatre partis », a‑t-elle conclu.
Dans un communiqué publié par l’organisation, la Coalition a annoncé qu’elle « talonnera les partis sur les engagements pris au cours du prochain mandat pour s’assurer de la réalisation des promesses sur le terrain ».