À cause du soleil, pièce de théâtre d’Evelyne de la Chenelière, met en parallèle deux histoires : celle de Meursault (interprété par Maxim Gaudette), à Alger dans les années 1940, qui tue sans raison apparente le personnage de « l’Arabe » sur la plage, en plein soleil ; et l’histoire de Medi (interprété par Mustapha Aramis), en 2020, un immigrant algérien au Québec torturé pour avoir ignoré l’appel à l’aide d’une personne âgée sous une tempête de neige. Les spectateur·rice·s suivent Medi qui nous transporte avec lui au fil de l’histoire de Meursault en tant que narrateur, et au fil de sa propre histoire en tant que personnage principal. On en vient presque à s’imaginer marcher avec lui dans la neige, pendant la tempête, tant son interprétation est impressionnante, que ce soit par son jeu (il semble réellement avoir du mal à avancer) ou par son récit (la description de la tempête est très réaliste).
Un texte au goût du jour
En adaptant le texte de Camus, Evelyne de la Chenelière réussit le pari de conserver l’histoire et certaines phrases directement tirées du texte original tout en le modernisant et en y ajoutant sa touche personnelle. L’histoire n’est plus centrée autour de Meursault, un homme plat, qui ne semble pas posséder d’empathie et dont l’histoire est mise en lumière uniquement parce qu’il a tué un homme. À cause du soleil donne la parole à « l’Arabe » (interprété par Sabri Attalah), ce personnage qui, dans le roman de Camus, n’est rien de plus qu’un étranger qui ne ressent rien, ne parle pas, et dont le seul rôle est de mourir. Dans À cause du soleil, le personnage de l’Arabe a une voix et il nous la fait entendre autour d’une réflexion sur les étranger·ère·s, cette unité et multiplicité à la fois, qui sont souvent représenté·e·s comme n’ayant pas de personnalité propre – c’est le cas dans L’étranger.
« Les spectateur·trice·s suivent Medi qui nous transporte avec lui au fil de l’histoire de Meursault en tant que narrateur, et au fil de sa propre histoire en tant que personnage principal »
Scénographie mystérieuse
Un seul décor occupe toute la pièce : une montagne argentée qui se soulève dans les premières minutes de la pièce pour dévoiler un rideau de fils qui cache le centre de la scène. Ce rideau sert à la fois de toile de projection et de coulisses, par lequel les différents personnages vont et viennent, permettant un passage très fluide entre l’époque de Meursault dans L’étranger et l’époque de Medi, à Montréal. La fluidité est également accentuée par deux plaques tournantes situées sous la pièce centrale. Cette configuration scénique confère une part de mystère à la pièce qui souligne l’incongruité de la situation de Meursault qui a commis ce meurtre « à cause du soleil ». De plus, l’utilisation des côtés de la salle donne une proximité des comédien·ne·s avec le public.
À cause du soleil d’Evelyne de la Chenelière est une pièce qui fait réfléchir sur la vie, la mort et l’identité réelle de ces « étranger·ère·s » dont on parle autant mais qui sont souvent représenté·e·s sans visage. Le texte et l’interprétation de cette pièce méritent amplement l’ovation qu’ils ont reçue.
À cause du soleil au théâtre Denise-Pelletier, à voir jusqu’au 15 octobre 2022.
Un texte d’Evelyne de la Chenelière d’après l’œuvre d’Albert Camus.