Catherine Pelletier est étudiante à l’université McGill, où elle complète actuellement la dernière session de son baccalauréat qui regroupe une majeure en science politique et une double mineure en études québécoises et en langue russe. En parallèle, elle est vice-présidente de la Commission Relève de la Coalition avenir Québec (CRCAQ), soit l’aile jeunesse de la CAQ et candidate pour le parti dans la circonscription de Gouin. Le Délit l’a rejointe pour discuter de la conciliation entre l’engagement politique et les études universitaires, du harcèlement, et de l’implication politique chez les jeunes.
Le Délit (LD): Pourquoi as-tu décidé de te présenter comme candidate pour la CAQ en parallèle à tes études ?
Catherine Pelletier (CP): Je pense que mon engagement politique remonte à mon enfance. Je suis fille d’immigrants, et j’ai grandi dans un climat sexiste et misogyne. Mon premier souvenir politique, c’était lors de l’élection de Pauline Marois avec le Parti québécois. Mon père était à côté de moi et il m’avait dit : « Une femme comme première ministre, ouache ! » C’est la première fois où je me suis dit : « Mais voyons, il me semble que ça n’a pas de bon sens ». À travers ces expériences, non seulement mon ambition féministe a grandi, mais aussi mon ambition de militante. En 2018, je ne savais pas pour qui j’allais voter. Je venais tout juste de finir mes études à Brébeuf dans un programme de théâtre, où la culture politique est très, très à gauche et en même temps, je ne me retrouvais pas tellement dans tout ça. J’oscillais un peu : gauche, droite, centre… Mais, ce que je cherchais surtout, c’était un parti qui était à l’écoute, alors j’ai fait plein d’événements dans pleins de partis politiques. Puis, j’ai commencé à m’engager avec la CAQ : plus j’allais à des événements, plus je sentais l’ouverture. Je pense que ça, c’est une des grandes qualités de la CAQ, l’ouverture et la capacité à revenir sur ses idées. Je pense aussi que c’est important en politique d’être réaliste. Moi aussi, si on avait tout l’argent du monde j’en donnerais à tout le monde ! Mais la politique c’est pas juste de donner, donner… La politique, c’est surtout des sacrifices. Au final, je pense que c’est quand même important de noter que je n’ai pas été la première à lever la main puis à dire : « Moi je vais y aller ! ». Mais, si mon parti a besoin de moi, je vais y aller. Je n’ai aucun problème à me lancer dans le vide.
LD : On sait que Gouin, ce n’est pas une circonscription facile à gagner pour la CAQ. C’est la circonscription de Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte parole de Québec Solidaire. Est ce que ça t’arrive quand même de te dire : « Qu’est ce que je fais si je gagne » ?
CP : Je me pose cette question tous les jours. Ce n’est pas impossible que je gagne, mais il faut du travail ! Honnêtement, je n’y ai pas beaucoup pensé. Est-ce que j’arrête mes études ? Qu’est-ce que je fais ? Ce qui me passionne en ce moment, ce sont mes études. Je rentre à la maîtrise en janvier, puis j’aimerais faire mon doctorat pour éventuellement enseigner la science politique à l’université. Est-ce que je serais capable de sacrifier mon rêve de carrière, qui est d’être professeure, pour être députée ? Oui… Mais, en même temps, est-ce un sacrifice qui est envisageable en ce moment ? J’ai beaucoup réfléchi avant de me présenter, mais si ça avait été une circonscription plus facilement « gagnable », j’y aurais davantage réfléchi et ça aurait été une décision beaucoup plus mûrie. Au final, je le fais surtout pour les citoyens de Gouin qui vont avoir la possibilité de voter pour la CAQ.
LD : Tu dis que te présenter aux élections, c’était te lancer dans le vide. Qu’est ce qui te faisait peur ?
CP : Je pense que mes appréhensions sont devenues réalité très rapidement. C’est vraiment la violence. J’ai reçu des dizaines et des dizaines de messages qui me disaient notamment « J’espère vraiment te trouver sur Pornhub pour que tu te fasses enculer » ou « Vide-toi de ton sang », ou bien « J’espère que tu vas te faire violer ». C’est de la misogynie et je pense que c’est ça, un des plus gros problèmes des campagnes électorales en ce moment, la sexualisation des femmes, et particulièrement des jeunes femmes. Sur la pancarte de Vincent Delorme, qui est au Parti Québécois, on va écrire « Fuck you », mais sur mes pancartes, on écrit « Fuck you salope ».
« Je pense que les jeunes ont leur place en politique et qu’ils ont leur place à l’Assemblée nationale »
Catherine Pelletier
LD : Est-ce que ces expériences que tu vis en ce moment t’ont fait questionner ton désir de te lancer en politique ?
CP : J’ai toujours voulu faire de la politique, mais je pense que ça m’a obligée à me demander si j’avais une carapace assez solide pour ça. Je pense que la réponse, c’est oui et non, dans le sens où ça ne m’affecte pas personnellement, mais je ne veux pas que ça affecte ma famille, mon copain et éventuellement mes enfants. Je pense que j’ai peur. La campagne ne m’a pas découragée, mais ça a renforcé mon désir de me tourner vers une carrière en enseignement à l’université. Je pense que j’ai besoin de prendre un step back [pas de recul, ndlr] » pour construire ma carapace et être plus confiante dans mes décisions politiques et dans mon avenir politique.
LD : Est-ce que ton implication politique a eu un impact sur ta vie étudiante ?
CP : Oui, j’essaie de ne pas trop en parler dans mon entourage à l’université, notamment aux étudiants. C’est sûr que je montre ma campagne sur les réseaux sociaux, donc si les étudiants me cherchent, ils vont le voir. Je n’en ai pas parlé à mes enseignants parce que je n’ai pas envie que mon engagement politique affecte mes études. Pour moi, mes études, c’est la plus grande priorité dans ma vie. J’ai envie de séparer ces deux aspects, même si les deux m’apportent beaucoup. Ma campagne me motive dans mes études, mais je n’ai pas envie que ça devienne un frein.
LD : Pourquoi c’est important pour toi de voir des jeunes s’impliquer en politique ?
CP : Ce que je dis tout le temps, c’est que les jeunes doivent s’impliquer, et je m’en fous du parti pour lequel ils s’impliquent. Si tu votes, même si tu votes blanc, ce n’est pas grave. Pour moi, l’essentiel c’est de participer à l’exercice démocratique, qu’il s’agisse d’être bénévole, d’aller voter ou même juste d’aller s’informer. Je pense que les jeunes ont leur place en politique et qu’ils ont leur place à l’Assemblée nationale. L’implication commence par l’information, puis cette information passe par les journaux, comme Le Délit ! Tu as le droit d’être révolté contre certaines choses, et c’est même ça, la base de la démocratie. C’est l’information. C’est d’être pour certaines choses et d’être contre d’autres, puis d’essayer de se positionner. Une fois que tu as l’information, c’est difficile de ne pas avoir la passion.