L’organisme d’écoute Interligne, destiné aux personnes de la diversité sexuelle et des genres, devra fermer sa ligne de nuit le 15 novembre prochain en raison d’un manque de financement. Pourtant, selon un communiqué de l’organisme datant du 13 septembre dernier, 35 000 personnes LGBTQ+ utilisent chaque année les services d’Interligne, et le tiers d’entre elles ont recours à la ligne de nuit. Entamons une brève aventure numérique : 35 000 ÷ 3 = 11 667 appelant·e·s de nuit ; et 11 667 ÷ 365 = 32 appelant·e·s chaque nuit. Mais que signifient vraiment ces valeurs numériques, et quelles conclusions peut-on en tirer ? Peut-on mesurer l’efficacité d’une ligne de nuit, le nombre de vies sauvées, en se basant sur le nombre d’appelant·e·s ? Lorsque l’on appelle Interligne, à n’importe quelle heure, on tombe sur un message pré-enregistré demandant de rappeler plus tard parce que les lignes sont saturées. Ne s’agit-il pas déjà d’un indicateur que le service est essentiel parce que très en demande ?
Outre ce mystère statistique et numérique entourant la valeur d’une ligne de nuit, un flou cache ce qui se dit à voix basse lors de ces appels téléphoniques. C’est ce que j’ai pu constater lors de mon entretien avec Chloe Chan Lam, vice-présidente aux Affaires externes de la McGill Students’ Nightline, la ligne d’appel de nuit de l’Université McGill. Il s’agit d’un service destiné à tous·tes, exclusivement en anglais. Les sujets qui y sont abordés seraient très variés (du besoin de pallier la solitude aux recommandations de pizzerias locales). Bien que des données chiffrées, Chloe Chan Lam ne pouvait pas m’en offrir, elle m’a tout de même ouvert les yeux à la clé de voûte de ma réflexion : la confidentialité. Les lignes de nuit sont un de ces sujets qui doivent rester dans le noir. Sans mystère, elles ne sauraient exister. Les appelant·e·s doivent avoir une confiance naturelle en ces lignes, en leurs secrets, pour s’ouvrir à elles. Ainsi, toute question à leur sujet est accueillie avec méfiance. Parler au « vous » inquisiteur plutôt qu’au « moi » vulnérable, c’est franchir une ligne.
La McGill Nightline est un service anglophone ouvert tous les jours de 18h à 3h durant l’année universitaire. Il s’agit d’une ligne d’entraide confidentielle, anonyme et sans jugement gérée par des Mcgillois·es offrant du soutien à la communauté universitaire et à n’importe quel appelant.
J’ai pu demander à Chloe si des services en santé mentale étaient offerts aux étudiant·e·s volontaires. Elle m’a révélé que le réseau de volontaires était solide et étendu. En effet, les standardistes se rencontrent lors de leurs quarts de nuit pour travailler ensemble. La communauté qu’il·elle·s forment est une source importante de soutien moral, car elle assure autant le bien-être des bénévoles que la qualité du service d’écoute. De plus, la vice-présidente aux Affaires externes de la ligne de nuit a précisé que des services avec des professionnel·le·s en santé mentale leur étaient offerts. Elle a terminé l’échange en vous invitant à appeler leur numéro : « n’hésitez pas, essayez bien, ça vaut le coup » au 514–398-6246.