Le 30 septembre dernier, trois organisations étudiantes de l’Université Concordia représentant près de 46 000 étudiant·e·s ont annoncé leur retrait du Comité permanent sur l’inconduite sexuelle et la violence à caractère sexuel (Standing Committee on Sexual Misconduct and Sexual Violence, SMSV) de l’Université. Lors d’une conférence de presse le 5 octobre dernier, des représentant·e·s du Syndicat étudiant de Concordia (Concordia Student Union, CSU), de l’Association des étudiant·e·s des cycles supérieurs (Graduate Students’ Association, GSA) et du Syndicat des auxiliaires d’enseignement et de recherche de Concordia (Teaching and Research Assistants at Concordia Union, Syndicat TRAC) ont expliqué leur décision, citant « l’hostilité (tdlr) » du Comité à l’égard des propositions offertes par les étudiant·e·s, sa mauvaise prise en charge des plaintes et son manque de transparence.
« Le message qu’on essaie de faire passer, c’est qu’il y a un ras-le-bol généralisé »
Mathilde Laroche, représentant·e du Syndicat TRAC
Créé en 2018, le SMSV est composé de 15 membres issu·e·s des corps professoral, professionnel et étudiant de l’Université. Le Comité a pour mandat de « réviser et de mettre en œuvre la Politique sur la violence à caractère sexuel de l’Université, ainsi que de coordonner la lutte contre l’inconduite sexuelle et la violence à caractère sexuel au sein de l’établissement », peut-on lire sur son site internet.
Une solution « de dernier recours »
Pour les représentant·e·s des trois organisations étudiantes, le retrait du Comité représente une solution « de dernier recours » après que plusieurs tentatives d’intervention auprès de l’Université se soient montrées infructueuses. « Le message qu’on essaie de faire passer, c’est qu’il y a un ras-le-bol généralisé », nous a affirmé Mathilde Laroche, un·e représentant·e du Syndicat TRAC.
« Nous ne légitimerons plus ces procédés par notre présence et, par extension, notre consentement implicite »
Communiqué partagé lors de la conférence de presse du CSU, du GSA et du Syndicat TRAC
Le CSU, le GSA et le Syndicat TRAC déplorent que la Politique ne soit axée que sur la violence entre étudiant·e·s, négligeant la violence sexuelle entre membres des corps professoral, professionnel et étudiant. Il·elle·s dénoncent également un processus « re-traumatisant » pour les plaignant·e·s, alléguant que certain·e·s d’entre eux·lles se seraient même vu·e·s contraint·e·s de signer un accord de confidentialité et de non-divulgation les empêchant de parler de leur expérience. Les trois organisations demandent à l’Université d’établir une politique autonome, c’est-à-dire indépendante des autres politiques de l’établissement, et de mettre en place un nouveau processus de traitement des plaintes centré autour du vécu des survivant·e·s. « On a besoin d’une transformation complète de la Politique sur la violence à caractère sexuel », résume Mathilde Laroche.
Les syndicats et organisations étudiantes demandent également de mettre fin à l’obligation pour les représentant·e·s étudiant·e·s de signer un accord de confidentialité et de non-divulgation pour siéger sur le Comité. Selon Mathilde Laroche, cette exigence est incompatible avec le mandat de transparence que les syndicats et associations étudiantes doivent à leurs membres.
Des demandes qui ne datent pas d’hier
En 2018, des étudiant·e·s des universités Concordia et McGill avaient pris la rue pour protester contre la manière dont les deux institutions prenaient en charge les plaintes pour violence sexuelle après qu’un diplômé de Concordia ait publié une entrée de blog dénonçant le climat « toxique » du Département de création littéraire, poussant l’Université à lancer une investigation. En mai 2020, les représentant·e·s étudiant·e·s siégeant sur le Comité avaient fait parvenir à l’Université une lettre de contestation. Il·elle·s y exprimaient notamment leur mécontentement par rapport au manque de transparence du Comité et au fait que la Politique sur la violence à caractère sexuel proposée ne soit pas autonome ni axée sur les expériences des survivant·e·s de violences sexuelles. La lettre formulait également une série de six recommandations pour le Comité. Parmi celles-ci, on retrouvait celle de mettre fin à l’obligation pour les étudiant·e·s siégeant sur le Comité de signer un accord de confidentialité et de non-divulgation, ainsi que celle d’augmenter leur nombre sur le Comité. Ces deux recommandations n’ont pas été adoptées par l’administration de Concordia. À ces tentatives s’est ajoutée une autre vague de manifestations en mars 2022, organisées par les membres du Syndicat TRAC. Selon le regroupement, l’Université aurait continué d’assigner des auxiliaires d’enseignement à un professeur au Département de philosophie accusé à plusieurs reprises d’harcèlement sexuel. Plutôt que d’entreprendre des mesures disciplinaires à son égard, l’Université aurait décidé de ne lui assigner que des auxiliaires appartenant au genre masculin, une réponse que Mathilde Laroche juge inappropriée. « On [les étudiant·e·s] se sent vraiment très peu entendu·e·s par l’Université », déplore-t-iel.
« On a besoin d’une transformation complète de la Politique sur la violence à caractère sexuel »
Mathilde Laroche, représentant·e du Syndicat TRAC
Quel futur pour le Comité ?
Les représentant·e·s des regroupements étudiants ont conclu la conférence de presse en affirmant que leur présence au sein du Comité ne servait à l’heure actuelle qu’à « légitimer » les actions de l’Université sans avoir le pouvoir d’amener des changements concrets. « Nous ne légitimerons plus ces procédés par notre présence et, par extension, notre consentement implicite », peut-on lire sur le communiqué partagé lors de la conférence de presse.
Contactée par Le Délit, la porte-parole de l’Université Concordia, Vannina Maestraci, nous a informé que « la présidente du Comité a contacté les représentant·e·s étudiant·e·s pour en savoir plus » et que l’Université espère « pouvoir discuter plus amplement de leurs préoccupations afin de trouver une manière d’aller de l’avant ». Mathilde Laroche, quant à iel, nous a informé.e que les associations étaient en consultation avec leurs membres pour déterminer la suite des événements, tout en « réfléchissant très activement » à la possibilité d’entamer les discussions avec l’Université Concordia.