Il y a quelques semaines, dans une mosquée, j’ai assisté à un discours d’un imam qui portait sur l’importance de la foi et de sa relation avec Dieu. L’imam insistait sur l’idée d’avoir une foi si puissante qu’elle serait immunisée contre le doute, la remise en question et le sentiment de détachement vis-à-vis de Dieu, puisque l’islam, comme le christianisme, proclame que Dieu est toujours avec soi. Il insistait sur l’importance de la religion comme ligne directrice pour la vie, un guide à suivre qui structure nos valeurs, nos pratiques et nos croyances. La religion est un manuel qui comporte les réponses à toutes nos questions et qui nous encadre lors de chaque péripétie qu’on rencontre dans notre vie. Ainsi, des restrictions existent au sein de la religion institutionnalisée pour nous protéger des conséquences que la liberté absolue peut engendrer. Par exemple, dans l’islam, l’alcool est interdit, puisque l’ivresse nous fait perdre le contrôle, ce qui peut nous mener à des situations défavorables, voire dangereuses. Une contrainte religieuse particulière est donc mise en place pour éviter de se retrouver dans cet état mentalement et spirituellement ténébreux.
« Puisque Dieu n’est pas disponible par rendez-vous sur Zoom, tandis que le Cipralex est accessible par prescription, le choix semble assez simple »
L’imam a ensuite souligné l’importance de la religion pour la santé mentale. Il a observé une corrélation entre le manque de foi, ou d’affiliation à une religion, et une plus grande chance de souffrir d’anxiété ou de dépression. Selon l’imam, une majorité d’athées qui souffrent de dépression majeure attribuent la cause de leur abattement perpétuel au manque de sens de la vie et à l’absence d’espoir qu’il existe une solution permanente à leur état mental. Les athées considèrent la religion comme un faux prétexte du sens de la vie. Pour l’imam, les athées pensent que les croyant·e·s sont faibles, puisqu’il·elle·s ne peuvent pas accepter qu’on est maître de notre propre destin et qu’il n’y a pas de vie après la mort. Puisque Dieu n’est pas disponible par rendez-vous sur Zoom, tandis que le Cipralex est accessible par prescription, le choix semble assez simple.
« La foi d’un individu n’est pas en péril si il·elle cherche de l’aide en dehors de sa religion »
Ceci étant dit, l’imam critiquait ces individus athées, puisque d’après lui, la foi est un remède aux pensées obscures. L’imam proclame que si la foi d’un individu est assez forte, il devrait reconnaître l’insignifiance du monde matériel, puisqu’il est entre les mains de Dieu. Si l’on se sent perdu·e ou confus·e, il est conseillé de prier Dieu pour se réorienter. Or, la croyance en Dieu, un être infini orchestrant ce monde limité, protège-t-elle réellement les croyant·e·s contre la dépression et l’anxiété ? Pas nécessairement, puisque l’état de notre santé mentale n’est pas le résultat d’un choix conscient. Souffrir de dépression ou d’anxiété est hors de notre contrôle. Tout comme avoir le cancer ou souffrir d’une maladie cardiaque, la dépression est soudée à notre biologie et ne peut pas forcément être soignée par une prière. Il est certain qu’avoir un système de valeurs et de croyances peut nous orienter vers un chemin qui nous aide mentalement et moralement ; cependant, on ne peut pas négliger les limites de la foi. Je ne condamne pas le soutien religieux pour remédier à des problèmes de santé mentale, au contraire ! Si cela aide certain·e·s, c’est optimal. Mais il est aussi important de reconnaître la possibilité d’être un·e croyant·e dévoué·e tout en étant atteint de troubles de santé mentale. La foi d’un individu n’est pas en péril si il·elle cherche de l’aide en dehors de sa religion. Qui sait, peut-être même que la décision d’aller en thérapie est une intervention cachée de Dieu…