Cyclorama, pièce écrite et mise en scène par Laurence Dauphinais, se structure comme un véritable projet de recherche qui réconcilie, à travers une approche artistique permise par la perspective panoramique d’un cyclorama, les mondes du théâtre anglophone et francophone à Montréal. En empruntant la structure d’un projet basé sur la « méthode scientifique », Cyclorama se présente comme un examen des enjeux sociaux liés à la coexistence des deux langues ancrées dans la métropole à travers un survol de l’histoire du théâtre. Les interprètes, Laurence Dauphinais et Antoine Yared, accompagné·e·s des professeur·e·s Alexandre Cadieux de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et d’Erin Hurley de l’Université McGill, jouent leurs propres rôles sur scène.
Un bilinguisme fluide
Le texte de Cyclorama mêle des répliques en anglais et en français et permet à l’auditoire unilingue francophone et anglophone de bien suivre l’action, à l’aide de surtitres projetés sur un écran situé au-dessus des interprètes. Les changements de langue s’opèrent d’une réplique à l’autre, mais aussi parfois au sein d’une même réplique, un choix d’écriture qui demande une grande rigueur d’interprétation, adroitement assurée par les quatre comédien·ne·s.
En effet, le jeu fluide et les enchaînements rapides des interprètes renforcent l’argument principal de la pièce, qui cherche à davantage réunir les milieux de théâtre francophone et anglophone en démontrant que le bilinguisme peut être efficacement intégré au sein d’une pièce, sans pour autant entraver la cohésion générale de l’œuvre.
De plus, le ton de la pièce présente des commentaires historiques teintés d’humour en alternance avec une mise en scène du récit de la vie personnelle de Laurence Dauphinais. Les trois heures de la pièce ne surchargent ainsi pas trop l’auditoire, et l’œuvre transmet tout de même une importante quantité de renseignements historiques pertinents sur l’histoire du théâtre à Montréal.
« Cyclorama se présente comme un examen des enjeux sociaux liés à la coexistence des deux langues ancrées dans la métropole à travers un survol de l’histoire du théâtre »
Survol historique en trois lieux
L’une des caractéristiques les plus intéressantes de la pièce est son déroulement en trois lieux ; la pièce débute au Théâtre Centaur, puis se poursuit avec un trajet en autobus commenté et se termine au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Le trajet en autobus, qui longe notamment une partie du boulevard Saint-Laurent, historiquement associé à la délimitation entre l’ouest plus anglophone et l’est plus francophone de Montréal, permet d’impliquer le public, qui se retrouve ainsi à consulter les lieux du projet de recherche en entrant en contact de façon plus directe avec divers endroits et monuments liés à l’histoire du théâtre anglophone et francophone à Montréal. Bien que le contraste entre le décor plus coloré du Théâtre Centaur et celui plus sombre du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui offre un intéressant changement d’atmosphère, le décor au Théâtre Centaur aurait pu être un peu moins chargé ; le très grand nombre de livres recrée bien une ambiance universitaire mais forme un décor trop élaboré alors que l’interprétation très réussie de Cadieux et Hurley aurait été suffisante en elle-même.