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COP27 : atténuation et réparations

Négociations concernant l’objectif climatique et les mécanismes de financement pour pertes et préjudices.

Laura Tobon | Le Délit

La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27) s’est tenue du 6 au 18 novembre 2022 à Charm el-Cheikh en Égypte. Cette conférence rassemble les pays signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui a été établie lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. Elle est un lieu de discussions où les pays tentent de s’entendre sur les grands principes de la lutte contre les changements climatiques, ainsi que de créer des mécanismes et prendre des engagements concrets à cet effet, explique le Dr Sébastien Jodoin, professeur agrégé à la Faculté de droit de l’Université McGill et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits humains, la santé et l’environnement.

Principaux enjeux

Selon le Dr Jodoin, deux thèmes principaux sont ressortis de cette COP : « Le premier thème consiste à déterminer comment être plus ambitieux dans la lutte contre les changements climatiques, et le deuxième thème est le débat sur les dommages et pertes causés par les changements climatiques », résume-t-il.

Le premier thème s’inscrit dans l’objectif d’atténuation des changements climatiques, c’est-à-dire dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cet objectif avait déjà été établi lors de l’Accord de Paris en 2015. Il avait été déterminé durant ce dernier que les pays devraient prendre des mesures plus ambitieuses pour atteindre leurs cibles de réduction de production de GES, afin de limiter le réchauffement climatique planétaire à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Cependant, il n’y pas eu de nouvelle cible établie depuis la dernière COP à Glasgow en 2021.

Il a toutefois été question d’abandonner certaines sources d’énergie comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel et même d’établir une date pour arrêter leur exploitation et leur production. À cet effet, Tuvalu, nation insulaire du Pacifique Sud, a appelé à adopter le Traité de non-prolifération des combustibles fossiles qui est soutenu par plus de 70 villes, 100 lauréat·e·s du prix Nobel, 3 000 scientifiques et 1 800 organisations de la société civile, le Vatican, l’Organisation mondiale de la santé, la Nouvelle-Zélande et le Timor-Oriental. Le Parlement européen avait aussi voté une résolution appelant à la mise en place de ce traité en octobre dernier. Ce mécanisme international vise à mettre fin à toute nouvelle exploration et production de combustibles fossiles et à éliminer progressivement la production existante pour atteindre la cible climatique mondiale de 1,5 °C. Cependant, la COP27 s’est conclue sans engagments pour éliminer progressivement les combustibles fossiles.

Le deuxième thème est celui des réparations, qui consiste à déterminer la mise en place d’un mécanisme de financement des pays industrialisés pour les pays en voie de développement, afin de réparer les pertes et dommages causés par les changements climatiques. La question d’adopter ou non une telle mesure est un débat qui perdure depuis des décennies, explique Dr Jodoin. Par exemple, la proposition selon laquelle les mécanismes de financement pour compenser les pertes des changements climatiques devraient être liés à des mesures de réduction de GES plus strictes est controversée. La COP27 s’est conclue avec l’adoption d’une résolution sur la compensation des dégâts causés par les changements climatiques subis par les pays les plus pauvres. L’entente consiste entre autres à débloquer un fond « pertes et préjudices » pour les pays les plus touchés par les changements climatiques.

Le Canada

En ce qui concerne les engagements du Canada par rapport à l’atténuation des changements climatiques, le gouvernement n’a pas révisé sa cible de réduction des émissions de GES en vue de la COP27. En effet, le cabinet du ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Steven Guilbeault, a fait savoir que la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, qui se situe entre 40 % et 45 %, rehaussée en avril 2021, restera la même. Pour le Dr Jodoin, ces cibles sont insuffisantes : « C’est décevant qu’il n’y ait pas plus ambition ». En revanche, « ce qu’on voit aussi surtout au niveau du Canada, c’est que plusieurs fois, on s’est donné des cibles qui n’étaient pas réalistes et qu’on n’avait pas les plans pour les atteindre », ajoute-t-il. Donc, selon le Dr Jodoin, le Canada a opté pour des cibles plus modestes, mais qui sont soutenues par des plans plus réalisables que par le passé. « Évidemment, le mieux, ce serait des cibles ambitieuses et des plans pour les atteindre, et c’est possible », conclut-il. Greenpeace McGill partage également ce constat dans un commentaire transmis au Délit : « Pour une action réellement bénéfique pour le monde, il est indispensable de débarasser le monde de sa dépendance aux combustibles fossiles ».

« Le premier thème consiste à déterminer comment être plus ambitieux dans la lutte contre les changements climatiques, et le deuxième thème est le débat sur les dommages et pertes causés par les changements climatiques »

Dr Sébastien Jodoin

Dans le cadre de la COP27, le Canada, avec les États-Unis, s’est cependant engagé à éliminer 75% des émissions nationales de méthane produites par les secteurs des combustibles fossiles comparé aux niveaux
de 2005 d’ici 2030. Toutefois, le Canada a refusé de soutenir l’appel à la non-prolifération des combustibles fossiles. « Que le Canada ne veuille pas s’engager à ça, ça n’a aucun sens. Peut-être que ça reflète l’influence des lobbys du pétrole », affirme Dr Jodoin. Par ailleurs, la COP27 a vu une augmentation du nombre de lobbyistes pétroliers présents, selon des chiffres compilés par l’ONG Global Witness. Le pavillon du Canada, une première pour le pays dans le cadre de la COP, a organisé à cet effet trois événements impliquant des représentants de l’industrie des énergies fossiles. Plusieurs intervenant·e·s et organisations, dont Environmental Defence, Climate Action Network Canada et Indigenous Climate Action, ont demandé que le Canada annule les événements et ceux subséquents. Greenpeace McGill se dit par ailleurs insatisfait des engagements du Canada : « Le Canada s’est incliné devant les entreprises de combustibles fossiles malgré les tentatives de se présenter comme l’un des leaders de la transition verte.»

Une pièce du casse-tête

« Les COP rappellent chaque année que le changement climatique est un fardeau pour nous tous·tes et que les responsabilités doivent être assumées par tous les pays dans une dynamique de coopération », rappelle Greenpeace McGill. Dr Jodoin rappelle également que la COP27 n’est qu’une partie des pistes de solutions. Étant donné que les décisions et les engagements pris par les pays lors de ces négociations ne sont pas contraignant, il faut relativiser son importance dans la lutte contre les changements climatiques. « La plus grande différence apportée par la COP, c’est que les pays comme la Chine et les États-Unis ont des plans climatiques beaucoup plus ambitieux qu’il y a 10 ans », explique Dr Jodoin. Il note que la plupart des décisions importantes se font au niveau des provinces, des capitales nationales, ainsi que des villes, qui peuvent mettre en place les transformations nécessaires.

Capacitisme environnemental

Dr Jodoin a d’ailleurs publié un rapport qui analyse les politiques climatiques canadiennes, (on en compte environ 85 aux niveaux fédéral, provincial et municipal). Son équipe de recherche a démontré que la très grande majorité de ces politiques n’incluent pas de mesures concrètes pour consulter les personnes en situation de handicap, ni ne proposent de solutions en terme de réduction de GES ou de mesures pour assurer la résilience climatique, c’est-à-dire la capacité des populations à s’adapter aux changements climatiques. Dr Jodoin explique qu’aujourd’hui, au Canada, les trois quart des personnes qui meurent d’événements climatiques extrêmes (comme les canicules), sont en situation de handicap. Cela démontre que ces personnes sont plus vulnérables aux changements climatiques. Ainsi, Dr Jodoin explique que le développement de solutions pour réduire les GES qui ne prennent pas en compte les besoins différenciés des personnes handicapées renforcent les barrières qu’elles vivent.

Pour Dr Jodoin, c’est la seconde édition de la COP ou les organisations de personnes handicapées sont présentes en grand nombre, mais beaucoup de travail reste à faire pour que les négociations soient inclusives pour les personnes en situation de handicap et que les décisions intègrent réellement leurs besoins : « les mêmes défis qu’on retrouve au Canada, on les retrouvent aussi au niveau de la COP ».


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