Après une tempête hivernale ayant compliqué les déplacements interrégionaux en fin d’année, 2023 s’est amorcée par une hausse remarquable des températures au Québec. Ce genre de dérèglements climatiques pourraient être de plus en plus fréquents dans les prochaines années, tout comme les tempêtes de neige pourraient s’intensifier, estime John Clague, professeur de géosciences à l’Université Simon-Fraser en Colombie-Britannique. Mais le fait d’observer autour de nous les phases de gel et de dégel suffit-il à rendre compte de la complexité du problème des changements climatiques ? Les fluctuations imprévisibles des températures au Québec ne sont que la pointe de l’iceberg, et les défis auxquels devront faire face l’ensemble des pays du globe pour s’adapter à la réalité climatique sont de plus en plus préoccupants.
La Convention des Nations Unies, ayant pour but de s’entendre sur un plan de protection pour la biodiversité (COP15), s’est clôturée le 19 décembre 2022 dernier avec l’adoption de l’ambitieux accord Kunming-Montréal. Plusieurs se sont montrés optimistes, y compris le président chinois de la COP15 Huang Rungiu, qui a qualifié l’entente d’« historique ». Plus près de nous, le ministre de l’Environnement du Canada Steven Guilbeault s’est réjoui que nous avions enfin notre « moment Paris ». Bien que l’Accord de Paris, signé en 2015 par près de 200 États membres, est en principe un pas dans la bonne direction en termes de coopération internationale pour la lutte contre les changements climatiques, il ne semble pas exercer une pression suffisante sur un pays comme le Canada. Celui-ci peine toujours à atteindre ses cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES), même si son site gouvernemental indique qu’il aurait « respecté ses engagements de Paris au cours des sept dernières années ».
Inutile de tourner autour du pot : le fameux « tournant vert » sera probablement très peu viable d’un point de vue économique. Le secteur canadien des énergies fossiles devra faire l’objet d’un désinvestissement massif lors des prochaines années, tout comme le secteur de l’exploitation minière devra être profondément reconfiguré, si l’on prétend pouvoir protéger la nature à la hauteur de nos ambitions.
Au même titre que la ratification de l’Accord de Paris par le Canada, l’adhésion à l’accord Kunming-Montréal n’est en réalité qu’une étape préliminaire vers la mise en œuvre de mesures durables pour la préservation de la biodiversité, et plus largement pour la minimisation de l’impact des changements climatiques sur la planète. Si l’engouement autour d’une telle entente a le potentiel de raviver l’espoir collectif en matière de protection de la nature, il pourrait éclipser le besoin d’apporter des solutions concrètes au problème des changements climatiques. Ceux-ci touchent particulièrement les pays qui composent avec des risques accrus de sécheresses, d’insécurité alimentaire et de catastrophes météorologiques, et qui ne bénéficient pas suffisamment de soutien de la part des pays développés pour leur permettre de lutter efficacement contre les impacts immédiats des changements climatiques. Le Canada, quant à lui, ne peut prétendre contribuer à la cause environnementale planétaire sans apporter un soutien durable aux pays qui sont le plus dans le besoin.
Le Canada ne peut non plus devenir le bouc émissaire pour ses échecs environnementaux. Si les intérêts québécois ne sont pas directement représentés à un événement comme la COP15, cela ne devrait pas l’empêcher de participer à la limitation de la production des GES dans le pays, notamment à travers des obligations légales régissant ses compétences provinciales. Seul l’avenir nous dira si un accord comme celui de la COP15 répètera les failles de l’Accord de Paris, et si le Canada se servira de son adhésion à l’accord pour se targuer de ses avancées sur le plan environnemental. Mais l’avenir ne peut pas seulement nous être instructif : il doit nous inciter à prendre action dès maintenant pour empêcher que nos scénarios les plus pessimistes se produisent.