À l’affiche depuis le 13 janvier dernier, comédie noire et un thriller qui s’organise autour d’une dispute d’héritage. Au début du film, Stéphane, interprété par Laure Calamy, reprend contact avec son père et découvre le train de vie opulent mené par une famille dont elle ne se doutait même pas de l’existence. Après avoir passé cinquante ans de sa vie dans un milieu ouvrier, elle découvre de nouveaux membres qui viennent renverser son avenir : sa demi-sœur Doria Tillier, sa belle-mère Dominique Blanc, sa nièce Céleste Brunnquell et la bonne, Véronique Ruggia. Toutes souhaitent faire ouvrir le coffre-fort et fermer le cercueil de Serge, l’homme qui dirige leur vie, interprété par Jacques Weber.
Le troisième long-métrage du réalisateur franco-canadien Sébastien Marnier est rythmé par de fréquents retournements de situation. Mensonge après mensonge, aucun des points de vue des personnages ne semble suffisamment fiable pour nous permettre de saisir l’intrigue dans toute sa complexité. Marnier a recours aux mêmes procédés cinématographiques que dans Irréprochable (2016) et L’Heure de la sortie (2018) : il laisse une place considérable aux effets musicaux qui transportent le spectateur dans une atmosphère de thriller comique. Composée par le chef d’orchestre québécois Philippe Brault et l’auteur-compositeur interprète québécois Pierre Lapointe, la bande originale est constamment en suspension, en attente d’aboutissement pour empêcher le spectateur de penser qu’il a enfin résolu l’énigme.
Le spectateur est face à une intrigue classique d’héritage : les hommes âgés dépourvus de pouvoir se voient entourés de femmes plus jeunes assoiffées d’argent. Dans le choix de rôles féminins, Sébastien Marnier se montre peu moderne en utilisant les archétypes de femmes tyranniques, parfois trop superficielles pour engendrer une quelconque sympathie de la part de l’audience. La belle-mère dépensière, la demi-sœur ambitieuse, et la bonne cachotière : toutes sont braquées contre un vieil homme qui semble pourtant innocent. Le jeu de Laure Calamy, récompensée aux Césars 2021 pour son rôle dans Antoinette dans les Cévennes, n’est pas à la hauteur de la complexité de son personnage qui passe de la manipulation à la mythomanie. L’actrice montréalaise, Suzanne Clément, vole la vedette en incarnant un personnage lucide, bouleversé par le monde chimérique dans lequel s’agitent les autres protagonistes.
Lors des repas de famille, Sébastien Marnier utilise la méthode de screen-split en filmant chaque personnage individuellement et en créant ainsi cinq petits mondes isolés dans leur fenêtre mitoyenne. Ce montage fait écho à l’ironie de la belle-mère, qui dit : « Si on veut que tout se passe bien, il faut se dire les choses. » Débordantes de mensonges et de rebondissements quelque peu prévisibles, les répliques suivent le rythme palpitant de la musique tout en accueillant un certain essor humoristique propre à la comédie noire.
Cet ensemble crée pourtant des lacunes : dans le jeu des acteurs, dans l’intrigue très convenue, et dans un montage prudent du troisième film de Sébastien Marnier. Ainsi une certaine déception qui ne satisfait ni les fanatiques de thriller ni les amateurs de comédie noire envahit le spectateur. De plus, L’Origine du Mal semble ombragée par le succès de films du le même genre, notamment Sans filtre (titre original : Triangle of Sadness, 2022) de Ruben Östlund.