Simone Veil. Nous avons tous déjà entendu son nom, mais il ne se limite pas à la égalisation de l’avortement. Peu de personnes connaissent son passé et le reste de ses combats pour la dignité humaine. Certes, ce fut une femme politique, mais ce fut surtout une femme courageuse qui a su démuseler la parole au sujet des atrocités de la Shoah. La dignité, une qualité qui se manifeste dès ses 16 ans lors de sa déportation à Auschwitz, lui servira de ligne de conduite pour le restant de sa vie. Comme mentionné au cours de plusieurs entrevues, la déshumanisation de la déportation, le travail forcé et la violence qu’elle a subis dans les camps déclenche une sensibilité et un besoin vital de garantir à tous le même droit à la dignité, y compris les orphelins, les prisonniers et les malades.
Réalisé par Olivier Dahan, Simone, le voyage du Siècle retrace la vie de Simone Veil en s’inspirant de quatre livres autobiographiques ; Mes combats, Les hommes aussi s’en souviennent, Une jeunesse au temps de la Shoah et Une vie. Le réalisateur français s’attaque à sa troisième figure féminine célèbre, après avoir abordé les vies d’Edith Piaf et de Grace Kelly. Au commencement de son engagement politique, Simone Veil est incarnée par Elsa Zylberstein, également coproductrice. L’actrice dit vouloir rendre hommage à son père et sa grand-mère juive qui ont tous deux subi l’horreur de la Shoah. Le réalisateur a choisi de mettre en avant des facettes de Simone Veil encore trop méconnues du public comme sa défense du droit à l’éducation avec la mise en place de bibliothèques en prison et du respect des enfants en pouponnières, le tout montrant le caractère actuel de ces combats aujourd’hui. La scène qui m’a particulièrement touchée, mais qui m’a surtout montrée la sincérité de Simone Veil, est sa visite à un malade du SIDA au centre hospitalier. Au lieu de faire semblant de parler aux malades – comme cela lui était demandé par la chaîne télévisée – elle s’indigne et demande à passer du temps avec le malade. On la voit parler en toute simplicité, émue et outrée par le non-respect accordé aux personnes séropositives. La maigreur, la mise à l’écart par la société semble lui rappeler son passé en tant que juive dans les camps et elle prononcera plus tard une réponse au SIDA qui sera « humaniste ou ne sera pas ». Elle s’est rendue proche de ceux qui souffraient, les discriminés.
« Ce film est un voyage de combats qui dépassent les frontières »
Simone, le voyage du siècle est un film plus accessible qu’une série de livres biographiques, qui permet d’en savoir plus sur une femme dont nous avons encore beaucoup à apprendre.
C’est avant tout un film inspirant, qui partage une force, qui prend aux tripes pour dire aux spectateurs « réveillez-vous ! ». En parlant de son passé, de la Shoah, des horreurs humaines, elle laisse une empreinte profonde sur la société française. Ce film est un voyage de combats qui dépassent les frontières : c’est un voyage à travers les générations, toutes marquées par l’éloquence, le courage, la persévérance et l’empathie de Simone Veil. Elle a été un exemple pour nos grands-mères et nos mères et c’est cette transmission intergénérationnelle qui mérite d’être notée. J’ai trouvé le jeu de Rebecca Marder particulièrement touchant lorsque, juste après son accouchement, elle annonce à son mari son désir de poursuivre ses études et de devenir avocate malgré l’arrivée au monde de leurs enfants. Sa ténacité dans sa vie professionelle et son dévouement à sa famille ne manquent pas, elle montre un modèle de femme, de mère capable de mener une grande carrière à une époque où l’on n’y croyait pas encore. Ayant regardé ce film aux côtés de ma mère, cet exemple de féminisme et d’humanisme a provoqué chez moi de puissantes émotions, une sorte de courage mélangé d’espoir. Pendant 20 ans après le retour de Simone Veil en France, il était impossible de parler de l’Holocauste. C’est ce silence, ce déni de la douleur qui est représenté à l’écran afin de faire passer un message : ne pas négliger le récit des rescapés. Mais qu’avons-nous réellement retenu ? En observant de loin le génocide des Ouïgours en Chine, la montée de l’antisémitisme de Kanye West, les débats sur l’avortement au États-Unis ou encore en subissant le pouvoir totalitaire de Vladimir Poutine, pouvons-nous affirmer avoir tiré les leçons du 20e siècle ?
Ce film apporte une réflexion nécessaire, il aborde des sujets lourds, durs, mais cette transmission en image est indispensable. C’est une manière accessible de rentrer dans l’histoire, peu importe la génération face à l’écran.