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Mieux protéger l’« or bleu » du Québec

La CAQ va déposer un projet de loi pour la protection de l’eau.

Alexandre Gontier | Le Délit

Le 23 août dernier, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait annoncé son intention de lancer un fonds de 650 millions de dollars pour la protection de l’eau si elle était élue pour un nouveau mandat de quatre ans. François Legault, premier ministre du Québec, avait renouvelé sa promesse de créer le « Fonds Bleu » le 15 décembre dernier lors de la COP15. Le projet de loi devrait être déposé début février 2023.

« Au cours des ans, on a peut-être un peu trop tenu cette richesse-là pour acquise » 

Alors en campagne pour un nouveau mandat, François Legault, chef de la CAQ, avait promis de créer un fonds de 650 millions de dollars sur quatre ans s’il était réélu. Ce « Fonds Bleu » devrait servir à accroître le financement de mesures existantes et à lancer de nouvelles initiatives pour la protection de l’« or bleu » du Québec, selon les mots du premier ministre. Ce projet serait financé en partie par une augmentation des redevances des industries utilisant l’eau du Québec. Ces dernières, inchangées depuis 2011, sont fixées à 0,0025$ par mètre cube d’eau, sauf pour certaines activités comme l’embouteillage, chargée 0,07$ par mètre cube d’eau. Lors de sa déclaration, le 23 août dernier, François Legault avait avancé : « Au cours des ans, on a peut-être un peu trop tenu cette richesse-là pour acquise (l’eau douce, ndlr) », identifiant sa protection comme une « priorité ». 

Réélu en octobre dernier pour un nouveau mandat de quatre ans, François Legault avait renouvelé sa promesse de campagne lors de la COP15 qui s’est tenue à Montréal du 8 au 19 décembre dernier. Au cours de la COP15, le 15 décembre dernier, le premier ministre québécois s’était engagé à protéger l’« or bleu » du Québec en déposant son projet de loi sur la protection de l’eau début février, afin de « faire payer […] la vraie valeur de l’eau ». Suivant les déclarations de François Legault, le cabinet du premier ministre avait qualifié le statu quo des redevances pour les prélèvements d’eau d’inacceptable, rappelant qu’en 2021, le Québec avait reçu moins de 3 millions d’euros pour 811 milliards de litres d’eau douce prélevés. 

L’an dernier, Benoit Charette, ministre québécois de l’Environnement et de la Lutte contre le réchauffement climatique, avait présenté le projet de loi 42 « visant principalement à s’assurer de la révision des redevances exigibles pour l’utilisation de l’eau », qui n’a pas été adopté par manque de temps. Dans un entretien avec Le Devoir, ce dernier avait déclaré au sujet du nouveau projet de loi : « À rebours, je dirais que c’est une bonne chose qu’on n’ait pas adopté le premier projet de loi, parce qu’on arrive avec quelque chose de passablement plus costaud et étoffé. »

Face à l’abondance, le manque de protection 

En 2008, un rapport d’Environnement Canada révélait qu’« un plan de prévision nationale sur la disponibilité en eau au pays n’a jamais été élaboré parce que, traditionnellement, nous considérions que notre utilisation de la ressources était illimitée ». Face à l’abondance de leurs réserves d’eau douce, le Canada et ses provinces n’ont été que récemment confrontés au problème de leur épuisement. 

Ce retard accusé par le Canada dans la protection de l’eau se retrouve aussi au niveau provincial, comme le note Benoit Charette dans un entretien donné au journal Métro sur le « Fonds Bleu » le 15 décembre dernier : « C’est d’abord et avant tout un objectif de rattraper un retard qui s’est malheureusement creusé depuis des années. Au Québec, dans bien des cas, elles (les régulations sur la protection de l’eau, ndlr) sont nettement plus basses que ce qu’on peut retrouver du côté de nos États voisins. » En effet, les redevances pour les prélèvements d’eau au Québec sont bien en deçà des niveaux de pays européens ou même de provinces voisines comme l’Ontario, où ces dernières sont fixées à 0,503$ par mètre cube. 

« À rebours, je dirais que c’est une bonne chose qu’on n’ait pas adopté le premier projet de loi, parce qu’on arrive avec quelque chose de passablement plus costaud et étoffé »

Benoit Charette

Un premier pas majeur vers la protection de l’eau avait été réalisé en 2009 avec l’adoption de la loi 92 reconnaissant l’eau comme une « ressource collective », faisant partie du « patrimoine commun de la nation québécoise ». Cette loi reconnaissait l’État comme « gardien » de cette ressource commune, responsable d’« investir des pouvoirs nécessaires pour en assurer la protection et la gestion ».

Avec la loi 92, la nation québécoise est ainsi propriétaire et gardienne de 3% des réserves d’eau douce mondiale, une ressource précieuse et menacée. En effet, alors qu’à l’instar de l’Europe, le Québec est à son tour frappé par des sécheresses estivales récurrentes, un rapport du groupe Oranos publié en 2022 prévient que l’inaction face à la question de l’eau met à risque la santé des Québécois et les ressources naturelles du Québec en général.

« On a le devoir de préserver ce que nos prédécesseurs nous ont laissé »

François Legault

« Le Québec répond présent »

Devant les délégations du monde entier réunies à Montréal à l’occasion de la COP15, François Legault avait déclaré que « le Québec répond présent » aux appels à agir pour la biodiversité. Le premier ministre québécois s’était alors engagé pour la protection de l’« or bleu », affirmant : « On a le devoir de préserver ce que nos prédécesseurs nous ont laissé. Moralement, on ne peut pas laisser aux prochaines générations la responsabilité de corriger nos erreurs. »

Cette responsabilité endossée par le gouvernement se traduit aussi par un engagement en faveur de la transparence, élément clé de la loi sur la protection de l’eau qui devrait bientôt être déposée. Le projet de loi reviendrait sur une décision de la Cour du Québec rendue en mai dernier allant dans le sens du secret commercial face à une requête du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et d’Eau Secours, engagés dans une bataille juridique depuis 2018 pour rendre publique les données sur les prélèvements d’eau des embouteilleurs. Dans un entretien à Radio-Canada, Marc Bishai, avocat du CQDE, s’est montré optimiste vis-à-vis du « Fonds Bleu » : « Je doute que cette fois le lobby des eaux en bouteille puisse faire reculer le gouvernement. » Le projet de loi du gouvernement viendrait mettre un terme à un statu quo de 10 ans sur les redevances d’eau des entreprises. 


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