Une sexualité secrète, cachée
Pendant des siècles, la sexualité féminine, liée seulement au plaisir, sans préoccupation de la fonction reproductrice, est un sujet tabou. Pour autant, elle est bel et bien discutée, mais dans des cercles restreints et élitistes (rappelons-nous de Mme de Montespan ou encore de Pompadour!). Enfermée dans des visions moralistes et religieuses où la discrétion était cardinale, aucune visibilité ne lui est donnée. En 2023, la sexualité des femmes n’est plus terre inconnue. Mais cela ne fut possible qu’à l’issue d’un long processus de reconnaissance, durant lequel les femmes ont dû se battre pour s’affirmer. Alors à qui et à quoi devons-nous cette libération ? Retraçons ce combat, cette révolution.
La « révolution sexuelle »
En 1948, le scientifique Alfred Kinsey publie des rapports sur la sexualité des hommes et des femmes dans lesquels il déconstruit les clichés et normes jusqu’alors instaurés. Pour la première fois, véritablement, un homme s’attaque au fameux sujet tabou : les femmes. Les rapports Kinsey révèlent que les femmes expérimentent elles aussi la sexualité : elles prennent du plaisir ! Plaisir jusqu’alors nié, impensable aux yeux de la société. Alors, petit à petit, les questions liées à la sexualité féminine s’immiscent dans les consciences et prennent de l’importance. Le véritable tournant s’opère dans les années1960, durant lesquelles on parle presque de révolution des mœurs. D’abord aux États-Unis, avec la dépénalisation de la pilule contraceptive, puis en Europe, avec les nombreuses manifestations pour la reconnaissance du plaisir sexuel féminin. Les femmes, jusqu’alors silencieuses, haussent le ton, se révoltent et prennent part à ce que l’on nommera la « révolution sexuelle ». Face à la société patriarcale qui leur a dicté pendant des siècles ce qu’elles pouvaient faire de leur corps, elles s’affranchissent pas à pas, notamment du devoir maternel absolu. Au-delà du bouleversement des morales, un grand combat législatif prend place afin d’éliminer les discriminations, accroître la liberté des femmes et promouvoir l’égalité des sexes. Des discussions acharnées prennent place, notamment sur le droit à la contraception et à l’avortement, nécessaires à la libération de la sexualité féminine. À l’issue de longs combats, les victoires s’accumulent, laissant place à l’espoir d’une égalité et une liberté totale de la sexualité.
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant »
Simone de Beauvoir
Les révolutions sociales et scientifiques
Alors que la plus grande part de mérite revient évidemment aux femmes dans cette révolution sexuelle, il est important de reconnaître le contexte favorable dans lequel cette libération a été possible. Le XXe siècle est une époque qui a connu des révolutions sur tous les plans : industriel, politique, économique et social. Ces changements sont nombreux et cherchent à renverser l’ordre établi en changeant en profondeur les structures jusqu’alors ancrées. En Europe, le monde politique et économique se libère, permettant des réflexions sur l’ordre des choses et la place de chacun et chacune dans la société. Le désir de se dissocier de l’ancien temps crée une atmosphère d’émancipation. Mai 68 fut le clou du spectacle, faisant office de coup d’accélérateur pour toutes les revendications. Ces révolutions sociales et politiques furent le facteur clé qui ont permis d’envisager un autre avenir pour les femmes, leur laissant la possibilité de prendre leur vie, leur sexualité et leur futur en main. En parallèle, ce sont également les révolutions scientifiques qui ont permis de mettre en pratique ces idées. Période de rupture avec les morales religieuses, cette évolution du monde scientifique aborde de nouveaux sujets et s’intéresse enfin aux femmes. Les méthodes de contraception et l’avortement leur permettent enfin de disposer de leur corps comme elles le souhaitent. Ainsi, les révolutions sociales, scientifiques et sexuelles se complètent, cette dernière ne pouvant être victorieuse sans les deux premières.
Le combat continue
Aujourd’hui, les femmes semblent plus libres dans leurs relations sexuelles, mais le combat n’est pas fini. Que ce soit en Occident avec les clichés de la femme libérée à abattre ou dans les pays dans lesquels la sexualité des femmes n’est pas encore considérée, rien n’est acquis. Comme l’a écrit Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » La preuve irréfutable se trouve en Iran. Les femmes, après une période de liberté, se retrouvent une fois de plus enchaînées et prisonnières d’une société religieuse patriarcale au sein de laquelle le plaisir féminin n’existe pas. Mais les femmes sont des révolutionnaires. La fièvre du XXe siècle ne s’est pas estompée et n’hésitera pas à refaire surface. Partout dans le monde le combat perdure au nom de l’espoir d’une libération totale et définitive.