Madeleine Parent est une figure du féminisme et du syndicalisme québécois, dont les luttes pour l’égalité questionnent encore aujourd’hui sur l’intersectionnalité des luttes. Ancienne étudiante de l’Université McGill, Madeleine Parent défend un féminisme spécifique au Québec : sa naissance est intimement liée aux mouvements de luttes sociales qui sont apparus au 20ème siècle. Les années 1960 voient alors apparaître une dissociation des luttes : les féministes commencent à revendiquer les droits de toutes les femmes seulement. Quel paradoxe a alors mené les mouvements féministes à se différencier des autres mouvements de lutte sociale ? Madeleine Parent exprime-t-elle ce lien difficile à ignorer entre égalité des classes et égalité des genres ? Lutter pour l’égalité, est-ce lutter pour tout le monde ?
Une vie
Madeleine Parent a lutté pour l’égalité des classes et des genres, sans jamais réellement associer ces luttes. Au cours de sa vie, elle milite au sein d’organisations ouvrières, dont les Ouvriers Unis du Textile d’Amérique (OUTA), tout en participant à des grèves. Elle est arrêtée car elle est accusée d’être une communiste russe. En parallèle, elle vit son évolution féministe. Peu après l’université, elle rencontre l’organisatrice syndicale Léa Roback aux côtés de qui elle milite pour le suffrage féminin au Québec. Après 1955, pendant son exil à Ottawa, elle est membre fondatrice du Comité d’action pour le statut de la femme (NAC), au sein duquel elle représente le Québec et défend les droits des femmes autochtones et lutte pour l’égalité salariale.
« Les mouvements féministes et syndicalistes, à la recherche de justice sociale, ne défendent pourtant pas tout à fait les mêmes intérêts »
Le visage des inégalités
Fondamentalement, lutte ouvrière et lutte féministe à ce moment revendiquaient se battre pour une même valeur : l’égalité. Au Québec particulièrement, les mouvements féministes nés dans les années 60 tels que la Fédération des femmes du Québec (FFQ) ou le Front de libération des femmes (FLF) s’inscrivent dans un fort désir de l’époque de développer le tissu associatif québécois et de faire vivre la démocratie. Les mouvements féministes et syndicalistes, à la recherche de justice sociale, ne défendent pourtant pas tout à fait les mêmes intérêts. Les luttes se rejoignent et s’entremêlent, mais tandis que les conséquences des inégalités et des discriminations semblent se ressembler, il est important de considérer les différences de contextes. De nombreuses féministes au Québec considéraient que les discriminations sexistes perduraient à cause de l’ignorance des autorités politiques du caractère inégalitaire de la société. Tandis que les injustices sociales sont déterminées par la structure capitaliste de la société, avec une hiérarchie pyramidale au bas de laquelle les classes les moins aisées sont victimes du système, le patriarcat a une structure bien différente. Il ne s’agit pas d’une hiérarchie pyramidale, mais de seulement deux groupes, un dominant et un dominé, et les discriminations se retrouvent dans toutes les sphères où ces deux groupes sont présents. Ainsi, si Madeleine Parent recherchait l’égalité des différents groupes opprimés, ses revendications n’étaient pas les mêmes en fonction des groupes qu’elle défendait. L’intersectionnalité est une notion centrale qu’il faut absolument prendre en compte pour toutes les luttes, mais il est également important de reconnaître que toutes les discriminations contre lesquelles Madeleine Parent luttait étaient implantées dans des contextes bien différents. Nous n’atteignons pas tous·tes l’égalité et la liberté en empruntant le même escalier.