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Délier la langue par l’inconscient

Les bienfaits de l’atelier d’écriture automatique.

Alexandre Gontier | Le Délit

Par curiosité, j’ai décidé de me joindre à un atelier de poésie organisé parle Collectif de poésie francophone de McGill, il y a de cela deux semaines. Je souhaitais trouver un espace où écrire en français et échanger avec d’autres étudiants francophones sur l’écriture depuis longtemps. J’ai eu l’occasion pour la première fois d’accéder au Building 21, au 651 rue Sherbrooke, un espace parfait pour tenter une pareille expérience. Des sièges sont disposés un peu partout dans une pièce chaleureuse. Sous nos yeux, nous pouvons voir un tableau blanc recouvert d’écriture, fruit de recherche des occupants du Building 21.
Le Collectif proposait de s’exercer à l’écriture automatique : un exercice que je n’avais jamais tenté, développé par les surréalistes du 20e siècle et perfectionné par l’Oulipo dans les années 1960. Il s’agit de devancer toute tentative de construction de phrases bien faites et rationnelles, pour laisser libre court à son inconscient et se laisser surprendre par des métaphores peu conventionnelles. De cet exercice émerge un nouveau langage qui déconcerte par sa bizarrerie, mais qui, par sa non-construction, permet une exploration nouvelle de la langue.

« De cet exercice émerge un nouveau langage qui déconcerte par sa bizarrerie, mais qui par sa non-construction permet une exploration nouvelle de la langue »

Après plusieurs périodes, de quatre, huit, puis douze minutes, heureusement entrecoupées de pauses, je laisse reposer ma main qui me brûle douloureusement. L’écriture automatique doit être rapide pour être efficace, aux dépens de mon poignet droit. Nous sommes ensuite invités à récolter ce qui nous semble intéressant, à le combiner, le laisser intact, ou le remodeler : nous avons le champ libre. Nous échangeons d’abord sur l’exercice lui-même, puis nous partageons nos textes. Surprises, éclats de rire, applaudissements… Rien n’est pareil, tout sonne nouveau à nos oreilles. Des combinaisons surprennent par leur beauté, d’autres par leur humour.

« La peau se transforme en roche, Vénus n’a jamais reçu de fleurs et les écureuils font des siennes. » Ce soir-là, plusieurs crocodiles se sont mêlés à nos poèmes, quelques mentions de viandes variées : jambon, poulet, bifteck bien grillé… L’inconscient nous met l’eau à la bouche. Pour ma part, j’étais fort surprise de voir le nombre de fois où le mot « rire » est apparu dans mon exercice. Ce dernier m’a permis d’entrevoir la liberté du poète et les possibilités infinies dans l’écriture, alors que tout nous semble parfois fait et refait. Je vous laisse désormais mon texte en exemple et vous encourage non seulement à essayer chez vous (vous n’avez besoin que d’une feuille, d’un crayon, et d’un flot inconscient de mots), mais aussi à vous joindre aux prochains ateliers de poésie du Collectif de poésie francophone de McGill ou même d’assister à leur micro-ouvert le mercredi 29 mars !

« Tout à l’heure je t’ai vu ouvrir la bouche et remercier ton dieu de ne pas t’avoir battu et oublié dans les tréfonds de ta villa. 

Au bord du précipice, on s’en fout 

Tu ne saurais pas saisir l’opportunité de trépasser
Tu piétinerais d’impatience devant tant de beauté
Et réclamerais des fraises 

Force-toi à bien mâcher sans nausée médicamenteuse
Moi je perds mes dents de devant et derrière
Et chante comme le géant à l’œil unique et crevé
Car Ulysse a fait un beau voyage. »


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