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Braquage familial et marivaudage s’invitent au cinéma

L’Innocent de Louis Garrel : « De la légèreté, nous voulons de la légèreté ! »

Emmanuelle Firman

Après Les Deux Amis (2015), L’homme fidèle (2018) et La croisade (2021), Louis Garrel, acteur et réalisateur français, se tourne désormais vers la figure de la mère dans son nouveau film L’Innocent. Le film, en diptyque, présente dans un premier temps une chronique familiale dans laquelle une mère bouleverse la tranquillité de ses proches en se mariant avec un ex-détenu, et dans un second temps, un film d’action burlesque, qui entraîne toute la famille dans le braquage d’un camion transportant du caviar iranien. Il a par ailleurs été récompensé aux César, en recevant le prix du meilleur scénario et le prix de la meilleure actrice dans un second rôle pour Noémie Merlant.

Le film s’ouvre sur Sylvie, animatrice d’ateliers de théâtre en prison, qui rencontre Michel, un détenu, avec qui elle se marie en détention. Abel, son fils, ayant du mal à accepter ce mariage, avertit sa mère sur les dangers
de ce dernier. En effet, Sylvie a la fâcheuse tendance de tomber amoureuse de détenus, sans jamais se méfier de leur passé criminel. L’enfance d’Abel a été rythmée par les perquisitions à domicile, causées par la ribambelle d’ex- maris de sa mère retombés dans leurs mauvaises habitudes. Il le dit lui-même : il souhaiterait jouer son rôle de fils, et non de père ou de frère de sa mère. Et pourtant, Sylvie est amoureuse. Qui pourrait gâcher le bonheur de cette femme qui fait aveuglement confiance et se donne entièrement à l’homme qu’elle aime ?

« Le réalisateur nous propose ainsi une chronique familiale, autant qu’un film d’action loufoque »

Même si Abel s’inquiète pour sa mère, il préfère s’embarquer dans un braquage pour aider Michel plutôt que de briser son bonheur et choisit de ne pas lui révèler les activités criminelles de son conjoint. Selon moi, le titre du film caractérise parfaitement le personnage d’Abel. Certes, il se laisse entraîner dans une affaire criminelle, mais son geste, bien qu’illégal et coupable aux yeux de la loi, nous paraît noble, tendre et innocent. Sa mère,
lors du mariage de son fils en prison (à la suite du braquage), parle même de générosité.

Comment représenter une relation mère-fils sans risquer de tomber dans le pathos, dans des lieux communs déjà mille fois exploités ou encore dans la mise à nu totale de soi ? Louis Garrel nous propose quelque chose de différent et simple à la fois. Il fait ici le pari de la légèreté et réussit avec brio. L’histoire est bâtie sur un socle autobiographique, celle de sa mère, Brigitte Sy, qui comme Sylvie, s’est mariée avec un ex-détenu. Le réalisateur nous propose ainsi une chronique familiale, autant qu’un film d’action loufoque. Le style cinématographique est assez classique et sobre, ce qui sert le récit, mais Louis Garrel joue aussi avec les codes du film policier. On retrouve des effets d’iris qui imitent les jumelles, un écran divisé ou des plans subjectifs pour montrer la filature, ou le sentiment d’être suivi, et surtout une musique à suspense digne des plus grands films d’action, mais sans jamais verser dans la caricature. Louis Garrel lie également braquage et marivaudage : lors d’une scène, Abel, et sa meilleure amie, Clémence, doivent jouer une querelle d’amoureux pour distraire le chauffeur, ce qui tourne rapidement à des aveux touchants. 

Le quatuor d’acteurs composé de Louis Garrel (Abel), Noémie Merlant (Clémence), Anouk Grinberg (Sylvie) et Roschdy Zem (Michel) fonctionne à merveille. Nous sommes bercés par de la musique des années 80, notamment par Une autre histoire de Gérard Blanc ou Nuit magique de Catherine Lara, qui nous inviterait presque à un karaoké. Elle accompagne à merveille le personnage de Sylvie lors de ses déclarations d’amour à Michel ou à son fils, ainsi que sa joie de vivre et sa spontanéité. La trame sonore contribue également à la légèreté du film en accompagnant la trajectoire des différents personnages.

Que réclamer de plus dans la grisaille de notre mois de mars ?


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