Le Délit s’est entretenu avec l’humoriste Radi autour d’un verre, au café Olimpico dans le Mile End. Ce fut l’occasion de rencontrer cet artiste aux multiples nationalités, épanoui dans sa carrière et dans sa nouvelle terre d’accueil : le Québec. Cet été, il lançait la tournée de son premier spectacle Radi 99 à travers toute la province. Il est l’incarnation des immigrés français qui décident de s’installer au Canada et qui ne peuvent plus partir après avoir goûté à la culture et à l’art de vivre québécois.
Suivre ses désirs
Ce qui frappe lorsque l’on rencontre Radi, c’est sa bonne humeur et son côté très chaleureux. Dès le début de notre conversation, le tutoiement est de mise. Si son nom complet et administratif est Mohamed Abdelmoumen, « dans la vie de tous les jours et sur scène, c’est Radi », nous explique-t-il. Ce diminutif que portait son grand-père n’a pas été accepté par la mairie à sa naissance, ce qui n’empêche pas ses amis et sa famille de l’appeler par celui-ci. Radi est né au nord de la France, à Armentières, près de la frontière avec la Belgique. Interrogé sur l’origine de son intérêt pour une carrière dans l’humour, Radi indique que cela commence de la même façon pour beaucoup dans le milieu comique : « Depuis tout petit, dès qu’il y avait la possibilité de faire une blague, on la faisait », explique-t-il, avant d’ajouter que « c’est en voyant des humoristes faire des sketchs à la télé que l’on se dit que cela peut être un métier ».
« Cela te prend une dose de folie et de naïveté pour te lancer dans un projet de vie comme ça »
Radi ne se pose pas mille questions avant de se lancer dans un projet. Le risque d’une vie d’artiste incertaine ne lui a jamais fait peur. Pour lui, si on se pose trop de questions, on ne fait rien dans la vie. C’est plus tard que l’on se rend compte, une fois lancé, de la difficulté de faire sa place. Il raconte avoir connu au début « beaucoup de bas et pas beaucoup de hauts » et témoigne avoir vécu des difficultés car « même quand on a beaucoup de talent, il y a des règles à respecter, des techniques que tu n’as pas nécessairement quand tu commences » ; « cela te prend une dose de folie et de naïveté pour te lancer dans un projet de vie comme ça ».
Certes, de la folie il n’en manque pas, car après cinq années de début de carrière à l’insu de ses parents à Paris, où il prétendait faire ses études pour intégrer une école de commerce, il a décidé de tout quitter pour partir en Pologne, pays d’origine de son ex-compagne. Il venait alors d’avoir sa première fille, et voulait se consacrer à fonder une famille en ouvrant un restaurant là-bas. Toutefois, il n’a jamais perdu de vue son rêve. Il nous confie qu’il se disait alors qu’il « [reviendrait] un jour à l’humour, mais [qu’il ne savait] pas que cela allait prendre quinze ans ».
« Enfant du monde »
Après avoir vécu une « rupture difficile », il avoue avoir « remis sa vie en question » avant de se consacrer pour de bon à sa carrière artistique. Retourner à Paris n’était pas une option. Radi dévoile avoir fait preuve d’ego, car tous ses anciens camarades étaient devenus des stars et « recommencer au bas de l’échelle » implique de « se faire juger ». Montréal est apparu comme une évidence pour sa scène artistique florissante. « Tous les humoristes français viennent passer des mois à Montréal pour travailler leur stand up », déclare-t-il. Sa décision de s’installer à Montréal était déjà prise quand l’épidémie de Covid a frappé. À la question de l’impact de la crise sanitaire sur sa carrière, il répond : « La pandémie m’a aidé car cela m’a mis dans un contexte où tout le monde avait des difficultés », lui laissant le temps de préparer ses sketchs.
On ne peut s’empêcher de déceler une pointe d’accent québécois dans les mots employés par Radi. Cela fait déjà trois ans qu’il habite à Montréal et il a pleinement embrassé la culture. Le confinement qu’il a passé au Québec ne l’a pas fait regretter son choix. Au contraire, malgré les restrictions, il est « tombé amoureux ».
Quand on a des origines marocaines, qu’on est né en France, qu’on a vécu en Pologne pendant près de dix ans, et que l’on se sent maintenant chez soi au Canada, on peut penser que c’est difficile de répondre à la question « D’où viens-tu ? » Pas pour Radi, qui affirme ne « jamais [avoir] été attaché à quelque pays que ce soit ». Il dit se considérer « comme un enfant du monde », avant de compléter : « Partout où je suis, j’essaie de prendre ma place. » Il a connu depuis toujours ce sentiment d’appartenance à plusieurs nationalités simultanées quand il passait ses vacances au Maroc dans son enfance. « Sentimentalement, je suis attaché à tous ces pays », continue- t‑il, chacun lui ayant apporté des rencontres et des expériences lui ayant permis de devenir qui il est aujourd’hui et d’avoir trouvé son bonheur. Possédant déjà la double nationalité franco-marocaine, il prévoit demander la nationalité canadienne d’ici quelques années, confirmant sa volonté de s’installer définitivement ici.
En rodage à travers le Québec
99 est un chiffre que Radi tient à cœur. C’est pourquoi il décide de nommer Radi 99 son premier spectacle, dans lequel il s’inspire de l’histoire de sa vie pour faire rire son public. Par exemple :« J’ai commencé l’humour en 99 », lance-t-il. À ce moment-là, il se présentait dans des café-théâtres et sur des scènes ouvertes à Paris. C’est aussi durant ces années-là qu’il a pu travailler des textes avec les célèbres humoristes Eric et Ramzy. Le regard de Radi s’illumine quand il repense à cette expérience : « À l’époque, c’était des vraies big stars », nous rappelle-t-il. S’il trouvait encore que le stand up était « trop moderne » pour lui, cela ne l’a pas empêché de rêver un jour se prêter à cet art. Cette forme de spectacle consiste en un monologue comique dans lequel l’humoriste est seul, sans décor, ni accessoire et livre ses expériences au public qu’il doit faire rire.
« Partout où je suis, j’essaie de prendre ma place »
Le spectacle raconte donc ses débuts artistiques en France, son coup de foudre pour le Québec, mais il donne aussi ses opinions sur des thèmes sociétaux comme « le sens des priorités des scientifiques », « la fin du monde qui pourrait arriver n’importe quand » ou « le réchauffement climatique ». Dans un numéro, Radi compare la Terre à une location : « Une civilisation extraterrestre qui loue des planètes à pleins de gens, et c’est juste qu’on a oublié qu’on était des locataires. » Faire passer des messages par ses spectacles, c’est « sa petite manière [à lui, ndlr] de réveiller les consciences », tout en faisant rire.
Le spectacle Radi 99 se tiendra à Montréal les 30 septembre, 28 octobre, 18 novembre, et 16 décembre au Terminal Comédie Club.