Je ne vous apprends rien en disant que la culture universitaire accorde une importance particulière à la consommation d’alcool. Pour ceux ayant participé aux initiations de la Faculté des arts, connues sous le nom de Arts Frosh, vous vous souviendrez sûrement de la première activité : le bar crawl. Durant cette activité, destinée à faire découvrir aux nouveaux arrivants quelques bars du centre-ville, j’ai été conviée à un jeu à boire où il fallait consommer sa bière le plus rapide- ment possible. Pour mon groupe, nous avons eu droit à un message de la part d’une membre de l’équipe d’orientation, nous informant que chug est une pratique que nous ferons beaucoup lors de nos années à l’université. De façon plus générale, on peut aussi penser aux nombreux événements universitaires ayant lieu dans des boîtes de nuit, et ce, dès la rentrée. Même si cette culture de la consommation peut paraître inoffensive à première vue, elle peut en réalité masquer des signes d’alcoolisme chez les étudiants. Mon but n’est pas de diaboliser l’alcool, mais plutôt de rappeler les conséquences de cette substance bien trop normalisée dans notre société.
Le début de mon parcours universitaire, comme bien d’autres étudiants, a été ainsi marqué par ces initiations. On nous a vendu cet événement comme une opportunité pour tisser des liens et vivre des expériences inoubliables avec les membres de notre nouvelle université. Pourtant, ce que j’en retiens personnellement, l’essentiel de cette semaine était plutôt consacré à la consommation d’alcool, une grande déception pour ceux qui ne boivent pas.
Pourquoi boire ?
Ce n’est pas pour rien que l’alcool est la substance de choix dans les événements sociaux : c’est le lubrifiant social idéal. La plupart des gens qui en consomment utilisent l’alcool pour se dégêner et avoir plus de facilité à socialiser avec les personnes qui les entourent. Selon Jade*, diplômée de McGill, le problème est qu’ « à force d’utiliser l’alcool pour rencontrer de nouvelles personnes, les deux facteurs semblent devenir indissociables ». L’ancienne étudiante en droit a arrêté de boire après avoir gradué. Elle témoigne que ses soirées ont drastiquement changé depuis : elle est bien moins excitée à l’idée de sortir avec ses amis maintenant qu’elle ne consomme plus d’alcool. Selon le National Institute of Health, les effets de l’alcool sur les fonctions cérébrales et le corps rendent tout ce que l’on fait bien plus amusant, en réduisant l’anxiété sociale et l’inhibition, et en déclenchant la libération de dopamine, un neurotransmetteur associé au plaisir.
Pourquoi est-ce problématique ?
L’âge légal pour boire de l’alcool au Québec, soit 18 ans, le rend accessible à la majorité des universitaires. Combinez l’accessibilité, l’envie de vouloir se faire des amis facilement et les sorties fréquentes, et vous avez la recette parfaite pour créer un étudiant qui boit bien plus qu’il ne le devrait. Ceci génère un effet de groupe : puisque tout le monde dans son entourage consomme, reconnaître quand ses propres habitudes de consommation ont atteint une ampleur dangereuse devient plus difficile. Cette consommation est normalisée au point où une personne qui ne boit pas se fera souvent questionner sur les raisons derrière ce choix, ce qui peut la faire sentir mal à l’aise ou exclue. Selon le National Institute of Health, les étudiants ont tendance à surestimer la fréquence à laquelle leurs camarades consomment. Ils se comparent donc à leurs pairs et rationalisent leur propre consommation d’alcool comme étant « normale », parce qu’elle correspond à celle de la culture dominante.
On ne peut parler de l’alcool sans parler de tolérance. Lorsqu’on consomme beaucoup, notre tolérance à la substance augmente, ce qui nous pousse à consommer davantage pour ressentir l’effet désiré. Selon le Alcohol Rehab Guide, dans les dernières décennies, les étudiants universitaires ont commencé à boire plus d’alcool fort que de bière, toujours dans le but de ressentir les effets de l’alcool plus rapidement, et plus intensément. Ceci passe souvent inaperçu, jusqu’à ce que cela devienne un véritable problème.
Une manière efficace d’évaluer si l’alcool prend trop d’ampleur dans sa vie est de se questionner sur ses habitudes : Ma consommation a‑t- elle déjà nui à mes relations avec mes proches ? Suis-je incapable de passer une bonne soirée sans avoir consommé ? Est-ce que je priorise l’alcool au détriment de ce qui me tenait à cœur auparavant, comme mon succès académique ou mes passe-temps ?
Et avec modération ?
Contrairement à ce que l’on peut croire, même la consommation d’alcool avec modération peut avoir des conséquences négatives sur la santé. Mis à part le risque de dépendance, selon le National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism, la consommation d’alcool altère les fonctions cognitives, affectant la mémoire, la prise de décision et les capacités de résolution de problèmes. Elle perturbe aussi le sommeil, augmente le temps de réaction et la coordination, et peut contribuer au développement de problèmes de santé mentale.
Il est donc essentiel d’être conscient des conséquences potentielles de la consommation (abusive et modérée) d’alcool, et d’être en mesure de reconnaître quand ses propres habitudes ont dépassé les limites. Lors de la formation obligatoire pour les initiations (sur MyCourses), l’Université a conseillé de ne pas boire une grande quantité d’alcool trop rapidement, mais cela ne suffit pas. Selon moi, il faut surtout faire de la prévention et informer les étudiants sur les conséquences de la consommation d’alcool, aussi minime soit-elle.