Le vendredi 29 septembre dernier, à 14h au parc Jeanne-Mance, plus d’un millier de personnes, en grande majorité des étudiants, ont entonné des chants aux thèmes désormais familiers : « Et 1, et 2, et 3 degrés, c’est un crime contre l’humanité ! » La Semaine de la Rage Climatique, organisée par le collectif du même nom dans les villes de Québec, Sherbrooke et Montréal, s’est achevée avec succès avec la manifestation de la Rage Climatique, qui a su rassembler la jeunesse pendant plus de trois heures à travers les rues de Montréal. Le Délit s’est rendu sur place pour vous rendre compte du déroulé de la manifestation.
Un écologisme radical ?
L’événement était marqué par des revendications écologiques radicales. Rage Climatique affirme, sur son site Internet, que la semaine avait pour but de « mettre en avant une écologie radicale, anti-oppressive, anticoloniale et anticapitaliste ». Fini l”« éco-anxiété », les organisateurs de la marche ont appelé à transformer la peur du bouleversement climatique en « écofureur ». Cette colère idéologique se retrouvait dans les cortèges, notamment par la présence de plusieurs groupes anarchistes et communistes, comme Fightback. Le Délit s’est entretenu avec plusieurs manifestants, dont Justin, jeune militant indépendant, qui nous a expliqué ses motivations : « Le système économique dans lequel on vit nous mène droit dans le mur. La logique d’accumulation continue est en train de détruire la planète et de tous nous tuer. C’est aux riches de payer pour la crise qu’ils ont créée. » Les sensibilités politiques variaient, mais elles étaient réunies vendredi autour du combat climatique. Pour Joanie, manifestante du Front commun pour la transition énergétique, il s’agit de la meilleure stratégie : « L’important, c’est de multiplier les tactiques et d’être ensemble, au-delà des idéologies de chacun. »
La jeunesse (mais pas que) au rendez-vous
Hormis les groupes activistes, beaucoup de petits groupes d’étudiants du secondaire ou d’université étaient présents, participant à l’atmosphère gaie et bon enfant du cortège. Avant 15h, la foule réunie autour de la statue George-Étienne Cartier s’adonnait à la danse, aux chants et à la discussion. Côté pancartes, les militants allaient du plus direct « Capitalisme = Cancer de la planète (tdlr) » au plus décalé « La Terre devient plus chaude que Timothée Chalamet ».
Les motivations étaient également variées, entre lutte idéologique et revendications locales. Ludovic, étudiant originaire de Rouyn- Noranda, l’une des villes les plus polluées dans l’air du Canada, nous a raconté son combat : « J’allais à l’école à côté de la fonderie Horne. Chaque mercredi, une alarme sonnait et on devait se confiner et fermer les fenêtres en prévention d’une fuite de produits toxiques. […] J’ai envie, un jour, de pouvoir revenir fonder ma propre famille sans avoir peur de mettre en danger la vie de mes enfants. » Rappelons que la fonderie Horne rejette des tonnes de contaminants chimiques, dont l’arsenic, sur Rouyn-Noranda, si bien que la population de la ville court un risque accru de cancer du poumon.
Il reste néanmoins à préciser que les étudiants n’étaient pas seuls. Nous avons pu échanger avec Catherine et Isabelle, du groupe Mères au front : « On marche, on travaille avec les jeunes pour l’environnement. Les jeunes sont possiblement plus intéressés par le combat ; c’est leur avenir, ils ont peur et je les comprends. Mais leurs parents sont là aussi ! » Mères au front est un groupe activiste spécialement dédié aux adultes révoltés face à la crise climatique. Le combat rassemble, à travers les générations.
Que faire de la convergence des luttes anticapitalistes et écologistes ? Est-elle inévitable, ou contingente à l’inaction des gouvernements ? La question reste ouverte. Pour les manifestants que nous avons interrogés, l’insuffisance des politiques environnementales canadiennes était claire. L’urgence climatique inquiète, à mesure que ses effets se font ressentir par les Québecois : des records absolus de température ont encore été battus en ce mois de septembre ( jusqu’à 35,8 °C à Waskaganish, au Nord-du-Québec). Au-delà des considérations idéologiques, cette manifestation a ainsi permis aux Montréalais engagés d’exprimer leur désir de réaction politique ferme et imminente, à l’échelle de la province, et du Canada.