Pour aller voir Courville, présentée du 12 septembre au 15 octobre au Théâtre du Nouveau Monde, il faut laisser derrière soi ses attentes d’un théâtre classique de Molière. On plonge plutôt dans un univers grandeur nature, avec des marionnettes géantes, des jeux de lumière et un enchaînement audacieux de décors dignes du grand écran !
Courville se démarque par ses personnages principaux qui ne sont pas des comédiens, mais des marionnettes à taille humaine. Leurs voix sont portées par le talent d’un seul interprète, Olivier Normand, tandis que trois marionnettistes habillés
de noir manient habilement les personnages. La cohésion entre les mouvements et les répliques permet de comprendre facilement les conversations entre les personnages : l’acteur offre des tons de voix et des accents propres à chacun, correspondant au langage corporel des pantins. La finesse du jeu des accents québécois et anglophone reflète d’ailleurs pertinemment notre société bilingue.
La pièce dresse le portrait de Simon, un garçon en proie à la phase sombre de l’adolescence, dans la petite ville de Courville. La sexualité, la cohabitation avec sa mère et son oncle qu’il déteste et les traumatismes de l’enfance sont les pistes d’exploration du spectacle. Ce n’est pas tant l’originalité de l’histoire que l’ingéniosité des décors qui rend la pièce mémorable. Le metteur en scène, Robert Lepage, et le directeur de création, Steve Blanchet, ont réussi un coup de maître : proposer une dizaine de tableaux différents, en utilisant la structure d’une maison à deux étages. Le plafond du sous-sol se « baissait » pour devenir le sol d’un nouveau décor. L’ambiance est construite pour recréer des situations au plus proche de leur réalité, avec les contraintes du théâtre. Par exemple, la piscine est représentée par une projection mouvementée d’eau, avec des effets de vaguelettes et un nageur qui fait ses longueurs.
Courville offre beaucoup de talents combinés sur un seul projet, et il aurait été bon de susciter plus d’empathie pour le personnage de Simon. Il semble que ces thèmes de l’adolescence ont déjà été explorés à de nombreuses reprises, et qu’ils ne sont pas assez approfondis pour justifier les trois heures d’attention demandées au spectateur. L’audace de la mise en scène de la pièce est toutefois à saluer.