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Cléo Berger se révèle au grand jour

La chanteuse raconte les plaisirs et les défis de lancer sa carrière solo.

M. Blackburn

C’est vendredi après-midi, quelques heures après le lancement de son premier simple « S’il veut de moi », que Le Délit a rencontré Cléo Berger, dans toute son élégance, au fond d’un café du Mile-End. Déjà submergée de réactions positives, l’artiste a décrit l’excitation à l’aube d’une grande aventure.

Le Délit (LD) : Comment te sens- tu en ce jour où tu te dévoiles au monde ?

Cléo Berger (CB) : Pour moi ce n’est pas une course qui commence, mais un marathon essoufflant qui se termine ; une quantité énorme de péripéties qui ont mené à… une chanson. Je me sens rassurée que ce soit fini. Ne plus pouvoir toucher à la chanson, la voir enfin accessible, c’est entrer en relation avec le public. J’attends ce moment depuis des années. Ça n’a pas toujours été rose ; beaucoup d’étapes ont été influencées par la disponibilité de mon partenaire, mon plus grand collaborateur, ce qui implique des moments de productivité et de ralentissement puisqu’on travaille de façon très reliée. On a des goûts similaires, on se complète et on se comprend musicalement. C’est pourquoi, en travaillant ensemble, les étapes s’achevaient en étant sur la même longueur d’onde. C’était vraiment important pour arriver à mon but.

LD : Et quel était ce « but » ?

CB : Me révéler. J’ai découvert la scène très jeune avec mon ancien groupe. On a connu un succès de bouche à oreille qui nous a permis de jouer en concert et en festival pendant des années, sans enregistrer quoi que ce soit. Nous étions quatre filles punk rock qui voulaient dénoncer. J’étais au chant, où j’amenais ma rage d’incomprise qui se cherchait, qui revendiquait par la chanson. Maintenant, quatre ans après notre séparation, il y a encore cette revendication dans ma musique. Sauf que je suis devenue capable de rassembler tous les morceaux dispersés de ma personnalité. J’ai gagné la maturité de savoir faire fonctionner ensemble des côtés contradictoires de qui je suis.

M. Blackburn

LD : Est-ce qu’on te sent plus heureuse en t’écoutant ?

CB : Je me considère une personne très tourmentée, mais il y a une paix à savoir le montrer honnêtement dans l’art. Si je suis heureuse, c’est dans cette « mission » que je me donne. J’aimerais être capable de faire sourire, même si j’écris à propos des bas-fonds d’une réflexion plutôt sombre. « S’il veut de moi » raconte une désillusion face à l’amour ; je chante que je ne crois plus à l’amour, pourtant je veux que ceux et celles qui m’écoutent soient invité·e·s dans un espoir naïf. J’essaie de rendre tout ça dansant. On réunit l’auditoire sur un plancher de danse, mais aussi dans des idées qui s’opposent et jouent ensemble.

LD : Ta chanson a une esthétique qu’on reconnaît aussi sur tes réseaux sociaux. En quoi cette image de Cléo Berger participe-t-elle à ce travail de révélation ?

CB : Cette esthétique, cette façon de s’habiller, ce style, c’est une nostalgie pour quelque chose qui se perd selon moi ; une vision de l’élégance. Je ne me présente pas en suivant une époque précise, mais la recherche des esthétiques qui survivent au temps. Malgré tout, ma vision de l’art est façonnée par les années 1960 et 1970. Les œuvres de ces décennies, que ce soit au cinéma, en musique ou sur la scène, montrent une humanité qui nous a quitté·e·s, selon moi. C’est aussi un imaginaire que j’aime récupérer pour situer ma musique dans un espace qui se ressent comme un rêve.

« On réunit l’auditoire sur un plancher de danse, mais aussi dans des idées qui s’opposent et jouent ensemble »

LD : Les autres formes artistiques que tu mentionnes ont- elles une influence sur ta relation avec la musique ?

CB : C’est partiellement en hommage au film Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda que j’ai choisi mon nom d’artiste. C’est un de mes films préférés parce que j’y reconnais plusieurs de mes obsessions : la relation entre l’artiste et son art, le temps qui s’écoule sans contrôle, et le rapport au mystère. J’ai choisi de travailler dans des domaines artistiques en espérant dédier ma vie à ces questions. Le cinéma et le théâtre sont les milieux dans lesquels j’ai passé la majorité de mon temps depuis la séparation de mon ancien groupe. Depuis ces années passées au sein d’équipes de production, j’apprends à apprécier l’aspect technique de la création.

LD : Comment cet amour de la technique s’est-il manifesté dans la production de « S’il veut de moi » ?

CB : Ça m’a ouvert à apprivoiser le processus de production et d’enregistrement. C’était un aspect de la création musicale avec lequel je n’étais pas familière et que je ne voulais pas forcer. Il m’est arrivé plusieurs fois de repousser un enregistrement parce que je n’étais pas dans la bonne énergie. Les émotions que je veux exprimer nécessitent une voix qui ne se forme pas toujours au bon moment. 

« Ne plus pouvoir toucher à la chanson, la voir enfin accessible, c’est entrer en relation avec le public »

Rose Duguay

LD : Et comment créer les « conditions idéales » ?

CB : La scène ! C’est le seul en- droit, avec l’énergie que fournit le public, où la voix et l’émotion se coordonnent parfaitement. Le corps le sait. C’est pour cette raison que le retour sur scène est la chose que j’attends le plus. J’ai hâte, mais je ne sais pas encore quel genre de public j’aurai cette fois-ci. Reste à voir !

« S’il veut de moi » est disponible sur Spotify, Apple Music et toutes les autres plateformes d’écoute musicale.


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