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Quand l’encre a sêché…

Fragments de souvenirs d’une inconnue.

Margaux Thomas | Le Délit

Il existe une pratique délicate qui se perd parfois dans le tumulte numérique de notre ère moderne : l’envoi de cartes postales.

Ces cartes entament un voyage subtil entre l’écriture et la découverte, entre celui qui envoie et celui qui reçoit. L’acte de choisir une carte postale représente une tentative de capturer une parcelle d’émotion, un souvenir, un paysage, qui d’une manière ou d’une autre, raconte une histoire. Les étagères poussiéreuses des boutiques de cartes postales deviennent des fenêtres sur des cultures inconnues, et parfois réconfortantes.

Écrire une carte postale est tout un art : peser ses mots, ceux qui se poseront sur le papier et voyageront jusqu’à leur destinataire. Ce n’est pas une simple transmission d’information, mais une façon de partager une expérience, de tisser un lien entre deux personnes séparées par la distance, en attendant une réponse sans jamais savoir si elle à été livrée, ou perdue.

En recevant une carte postale, les images et les mots se mêlent pour créer un souvenir palpable, cartonné, une connexion physique avec un lieu lointain. Chaque carte postale est une promesse de présence, un morceau de papier qui dit : « Même à des kilomètres, je pense à toi. » La carte en tant que telle importe peu, c’est la valeur sous-jacente de l’attention qui compte, lorsque l’on pourrait aujourd’hui envoyer un message instantané qui se perdrait tout autant dans le flux constant de données. Écrivons, envoyons, recevons.

Margaux Thomas | Le Délit

Celles jamais reçues

C’est ici que j’aimerais mettre en avant des cartes postales qui n’ont jamais été reçues, des souvenirs jamais partagés, et des mots jamais dévoilés, bref, des histoires perdues que j’aimerais que l’on retrouve, dont on se souvienne.

Parmi les cartes postales égarées que j’ai récupérées, certaines ont été envoyées à une mère, un fils, un grand-père ou encore à un amour. Elles ont donné des nouvelles en temps de guerre en Pologne, en Italie, en France, au Québec, aux États-Unis et bien d’autres régions du monde. Parmi elles, il y a ces sept cartes envoyées par « Aunt Mimi » à Miss Hilda Hellmich. Elles datent toutes de 1941 et ont été retrouvées chez un antiquaire à New York, il y a quelques semaines.

En cherchant son nom sur Internet, je suis tombée sur une certaine Emily Hilda Hellmich Hofhine, qui aurait été âgée de 41 ans lorsque ces cartes postales ont été écrites, et qui, comme l’indiquent également les tampons de ses cartes, vient de la ville de Salt Lake City dans l’Utah. Hilda Hellmich aurait eu dix petits-enfants et dix-neuf arrières petits enfants. Elle est décédée en 1981. Aunt Mimi quant à elle, semblerait être plus âgée que Hilda, mais nous ne saurons jamais quel âge elle avait lorsqu’elle a écrit.

Margaux Thomas | Le Délit

La plus ancienne de ces sept cartes date du 25 juin 1941, et la plus récente du 5 novembre 1941. Dans la première carte, Aunt Mimi demande « Comment va maman ? Répondez-moi bientôt », et elle continuera d’écrire « Répondez-moi bientôt » ou « Donnez-moi des nouvelles s’il vous plaît » dans toutes les cartes qui suivront. Aunt Mimi s’addressera a Miss Hilda Hellmich, qui, au fur et à mesure des cartes, devient « Hulda, » puis « Helda ». L’envoi de certaines cartes est espacé de seulement deux, parfois cinq jours. Tout cela laisse penser qu’Aunt Mimi a des problèmes de mémoire, et qu’elle n’a peut-être jamais reçu de réponse de la part de cette Hilda. Peut-être que son adresse a changé, sans qu’elle ne soit au courant. Peut-être qu’Hilda, surnommée la « cowgirl » par Aunt Mimi, n’a jamais reçu ces cartes, et c’est pour cela qu’elles se sont retrouvées chez un antiquaire.

Toutes ces questions sans réponses nous laissent libres d’imaginer la vie de ces deux femmes appartenant à une époque passée. Nous laisser toucher du bout des doigts un fragment de vie sans pouvoir le saisir complètement, c’est tout le mystère des cartes postales.


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