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Voyage dans le militantisme écologique français

Critique d’Une année difficile d’Eric Toledano et Olivier Nakache.

Rose Chedid | Le Délit

Images de catastrophes naturelles, de réfugiés, écologiques, rapports alarmants du GIEC : tous les moyens semblent avoir été employés par le militantisme écologique pour sensibiliser la population à passer à l’action contre le réchauffement climatique. La surdose d’informations en a peut-être rendu plus d’un insensible. Et si la conscience pouvait s’éveiller entre deux rires et trois larmes, en étant spectateur de notre propre société ?

Une année difficile, réalisé par Eric Toledano et Olivier Nakache, est un film français qui traite de la surconsommation, de l’endettement et de l’activisme écologique, et qui nous rappelle la finalité du cercle vicieux de la consommation : la mort lente et douloureuse de notre planète. Le talent des réalisateurs réside dans le ton du récit : l’humour !

Consuméristes perdus à la recherche d’activisme profitable

Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen) se rencontrent dans un groupe de soutien pour personnes surendettées. Le premier est contraint de dormir au bureau et le deuxième se fait saisir sa maison par l’État français : ils n’ont pas d’argent, plus grand-chose à perdre, et des tas de dettes à rembourser. Attirés par des bières et croustilles gratuites à un événement organisé par des jeunes militants du groupe écologiste Objectif Terre, ils se retrouvent à rejoindre le mouvement et leurs actions, bien plus par intérêt que par conviction. En organisant des blocages de magasins lors du Black Friday et en barrant des grands axes routiers à Paris, le mouvement veut perturber l’ordre du quotidien pour réveiller les citoyens. Bien qu’Albert et Bruno – rebaptisés des surnoms activistes Poussin et Lexo – profitent de chaque coup pour se faire de l’argent, leur conscience s’éveille, et par le fait même, celle du spectateur aussi.

« Le rire et l’empathie véhiculent un message d’engagement plus fort que n’importe quel discours d’effroi »

Éveiller les consciences par le rire

Les réalisateurs ont fait un choix fort quant à leurs personnages principaux : deux consuméristes surendettés qui se moquent du réchauffement climatique, étant eux-mêmes dans un état de survie immédiat. Le personnage candide de Jonathan Cohen, naïf et hilarant, se marie parfaitement avec celui plus calculateur et perspicace de Pio Marmaï. On les suit dans leur prise de conscience écologique, alors qu’ils réalisent que s’engager pour la planète, c’est bien plus que recevoir des surnoms ridicules, participer à des séances de câlins, manger des légumes crus et s’asseoir par terre chez soi parce qu’on refuse de « consommer » un canapé. C’est aussi un moyen de contrôler son anxiété écologique et de s’entourer d’une équipe soudée avec qui bâtir un projet pour le futur. La cohabitation entre Albert et Bruno et les activistes écologiques rebelles est une représentation juste de notre société : certains critiquent ceux qui n’en font pas assez pour le climat, et d’autres jugent ceux qui en font trop avec des ricanements (les « écolos »!). L’humour subtil des réalisateurs se mêle à leur empathie pour tous les personnages. Tout est sujet à être gentiment moqué : les surnoms que les écologistes se donnent – comme Cactus et Quinoa – et les situations embarrassantes dans lesquelles se retrouvent les deux trentenaires aux poches vides. Le film permet à tous de rire d’eux-mêmes et de leurs positions sur la cause climatique, pour finalement s’ouvrir à l’autre et voir que ce n’est qu’en s’unissant qu’on pourra pousser les gouvernements à agir et changer les consciences.

« Le rire et l’empathie véhiculent un message d’engagement plus fort que n’importe quel discours d’effroi »

Une année difficile est un film qui donne envie d’être vivant, de faire des erreurs, de s’engager, de trouver l’amour, et surtout, de se rappeler que le rire et l’empathie véhiculent un message d’engagement plus fort que n’importe quel discours d’effroi.


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