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Hommage à nos travailleurs essentiels

La pièce Diggers pour débuter en beauté le Mois de l’histoire des Noir·e·s.

Andree Lanthier

Le 1er février, Le Délit a eu la chance d’assister à la première mondiale de la pièce Diggers de Donna-Michelle St. Bernard. La représentation marque le début de la 53e saison du Théâtre Black Theatre Workshop (BTW) et souligne le lancement du Mois de l’histoire des Noir·e·s.

« Diggers est une histoire saisissante qui offre au public un moment collectif de réflexion et de compassion »

Cette pièce, réalisée en coproduction avec le Prairie Theatre Exchange met en scène trois fossoyeurs noirs qui travaillent à l’extérieur de leur village. Successivement exclus, fatigués ou pleins d’espoirs, les trois ouvriers n’ont aucun autre choix que de continuer à creuser. Nous sommes alors invités à questionner le rôle des travailleurs, essentiels dans nos sociétés, de reconnaître leur travail acharné et d’admirer leur résilience. Ce sont en effet des individus qui ont un rôle crucial, mais trop souvent oubliés. L’absence d’indication sur le lieu précis ou l’époque (bien que cela semble se dérouler avant les années 2000) apporte un aspect universel à cette situation : peu importe où et quand, ces travailleurs ignorés sont partout autour de nous. Comme l’écrit Dian Marie Bridge, directrice artistique du Théâtre BTW, « Diggers est une histoire saisissante qui offre au public un moment collectif de réflexion et de compassion ». Posons le décor : Abdul (Chance Jones) et Solomon (Christian Paul) travaillent dans leur cimetière depuis un moment. C’est alors que Bai (Jahlani Gilbert-Knorren), personnage plus jeune, plus naïf et plus innocent, les rejoint. Alors, une maladie frappe la ville, rendant leur travail encore plus difficile. Ils se voient submergés par des montagnes de corps, leur propre pauvreté et le manque de sommeil. Leur charge de travail augmente alors que le soutien de la communauté diminue. C’est sous des pleurs, des rires et des lueurs d’espoirs que le public suit le quotidien difficile de ces trois hommes, séparés du reste de la ville par un mur qui tombe petit à petit en ruine. 

En parlant de décor – littéralement, cette fois-ci – il faut dire que Courtney Moses Orbin les a bien pensés. L’absence de scène surélevée permet une réelle connexion entre les acteurs et le public. Au milieu de la pièce, une zone délimitée par une petite clôture blanche. À l’intérieur, des copeaux de bois recouvrent le sol, permettant à nos trois personnages de creuser et d’enterrer les corps. On y retrouve également un patio sur lequel les pelles sont rangées et où les trois hommes se réfugient lorsqu’il pleut. Dans un coin, une vieille pelleteuse abandonnée rappelle au public que les machines ne font pas tout. Cette atmosphère immersive est maintenue tout au long de la pièce : les personnages entrent et sortent de la « scène » en passant par les gradins. Au final, cette clôture ne sépare pas l’audience des acteurs, mais bien les travailleurs de la ville. Le dernier lien qu’ils parviennent à maintenir avec la communauté de la ville s’illustre par la « tante » Sheila (Warona Setshwaelo), qui leur rend visite avec des paniers de provisions. 

Cette pièce, dirigée par Pulga Muchochoma, montre de façon juste et remarquable la manière dont nous réagissons en situation de crise, ainsi que l’importance de la solidarité entre les communautés. Cela permet au BTW de poursuivre leur philosophie. Cette compagnie de théâtre se dédie à l’œuvre de la communauté noire au Canada depuis plus de 50 ans en réalisant chaque année une pièce ayant pour but d’éduquer et de divertir leur public, permettant un rapprochement culturel et offrant une meilleure représentation des artistes et des auteur·e·s canadien·ne·s noir·e·s.

Finalement, nos applaudissements sont grandement mérités.

La pièce Diggers se tient au Centre Segal des arts de la scène jusqu’au 17 février 2024. Pour plus d’information, vous pouvez visiter leur site web.


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