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Quand l’épouvante côtoie l’absurde

Une aventure déjantée au cœur des Laurentides.

Clément Veysset | Le Délit

Le rideau s’ouvre sur un personnage d’horreur mystérieux au visage masqué. Ses premiers mots sont les suivants : « La seule différence entre la réalité et la fiction, c’est que la fiction doit faire sens. » Avec cette citation, l’auteur François Ruel-Côté et le metteur en scène Cédrik Lapratte-Roy annoncent directement la couleur de leur nouvelle pièce : Terrain Glissant.

Cette pièce absurde aux allures de suspense nordique psychologique relate l’aventure en huis clos de cinq amis partis en escapade hivernale dans un chalet à quelques heures de Montréal. Seulement, tout ne se passe pas comme prévu pour le groupe : dès leur rencontre avec le propriétaire Guillaume, venu leur annoncer quelques règles impératives à respecter au chalet, la soirée dégénère. 

Les personnages découvrent avec stupéfaction qu’un homme loge dans le grenier de leur chalet. Cet homme est nul autre que l’auteur américain Blake Sniper, surnommé le maître de l’horreur, soupçonné d’avoir tué sa femme. Les personnages apprennent peu après que des êtres étranges peuplent la forêt qui entoure le chalet, des créatures attirées par la peur des humains. C’est alors que l’un des personnages se volatilise et ses amis se retrouvent catapultés au sein d’une étrange enquête pour élucider sa disparition. Tout au long de la pièce, les personnages tentent de donner un sens à ce qui leur arrive, brouillant la frontière entre la réalité et la fiction. Si l’ambiance à l’intérieur du chalet donne à rire, à la nuit tombée, celle dans la forêt suscite l’angoisse. Ce que l’on retient de la pièce, ce sont des acteurs brillants, qui parviennent à nous faire passer du rire aux frissons avec brio. Les effets sonores et l’éclairage sont spectaculaires : le noir complet, les flashs lumineux, et la musique siniste nous plongent dans un monde effroyable et nous tient en haleine tout au long du spectacle. Dès que les lumières se rallument, les personnages enchaînent des blagues d’un humour bien décalé, qui nous font vite oublier l’ambiance angoissante des minutes précédentes. 

« Nous sommes plongés dans le roman d’horreur du mystérieux scénariste vivant dans le grenier du chalet »

La pièce se rythme au fil des « chapitres de l’épouvante », dont les titres sont annoncés à chaque rebondissement. Nous sommes plongés dans le roman d’horreur du mystérieux scénariste vivant dans le grenier du chalet. Les protagonistes en viennent eux-même à se demander s’ils ne sont pas devenus les personnages du nouveau roman de l’énigmatique écrivain. 

Après une fin tragique, toute forme de réalisme est abandonnée lorsque chaque personnage ressuscite et relate sa version des faits. Tout cela peut donner le tournis. Si une première partie de mon cerveau crie à l’absurde, la deuxième se retrouve complètement immergée dans l’histoire.

Enfin, tout au long de la pièce, une voix hors-scène nous pose des questions philosophiques absurdes : « Si un arbre tombe dans la forêt, mais que personne n’est là pour l’entendre, l’arbre est-il vivant ? » Cette pièce atypique essaie-t-elle de transmettre un message plus profond ? Je ne saurais dire, mais elle a certainement le don de nous bouleverser. 

J’ai également apprécié les références culturelles québécoises tout au long de l’histoire. En filigrane, on y découvre la présence de critiques sociales et politiques. La pièce dénonce en effet le manque de connaissances de la population urbaine sur les parcs nationaux environnants, ainsi que le projet d’y créer un « nouveau Montréal ». 

Lorsque la lumière se rallume sur la salle bondée et que les applaudissements se tarissent, j’écoute les discussions de mes voisins. Ils semblent avoir trouvé la pièce saugrenue et difficile à résumer, mais tous paraissent conquis. Si certains spectateurs ont beaucoup ri, d’autres ont eu davantage peur. Une chose est sûre, nous avons tous été traversés par une palette d’émotions.


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