Le 1er février 2024 a marqué le lancement du Mois de l’histoire des Noir·e·s, et bien que celui-ci existe depuis 1978, il n’est célébré à McGill que depuis 2017. Cette année, Le Délit a décidé de lui dédier son édition spéciale, ainsi qu’à tous·tes les étudiant·e·s noir·e·s du campus. Le journalisme s’intègre indéniablement dans la structure raciale de la société québécoise, ayant une part d’influence sur la hiérarchisation raciale et les inégalités. Nous rapportons les histoires des autres, nous sommes engagé·e·s pour l’équité et déterminé·e·s à lutter contre les oppressions, mais nos identités ne peuvent pas, pour autant, disparaître de nos mots. Le manque de diversité dans le milieu du journalisme doit donc être questionné, car il participe à la perpétuation des inégalités sociales et structurelles de la société canadienne.
Selon une enquête menée par l’Association canadienne des journalistes (ACJ) en 2022 et rapportée par Radio-Canada, 78% des journalistes canadien·ne·s sont blanc·he·s. De surcroît, parmi dix salles de rédactions interrogées, huit ne comptaient aucun·e journaliste noir·e ou autochtone. De telles proportions dans le milieu du journalisme impacte nécessairement le type de nouvelles et de discours mis de l’avant, en plus de limiter la compréhension et l’interprétation de certaines dynamiques raciales dans la société canadienne.
« Tout est une question de race », car les institutions canadiennes ont été bâties sur les ruines du génocide culturel et des massacres des peuples autochtones, puis l’esclavage et l’exploitation des personnes noir·e·s. Si nous voulons comprendre les fonctionnements politique, culturel, institutionnel et économique de la société canadienne dans le but de partager avec exactitude toutes les nouvelles que nous traitons, nous ne pouvons pas nous abstenir de prendre en compte ces éléments dans les dynamiques de pouvoir. Si les structures ne changent pas, alors il est de notre devoir de promouvoir l’inclusion des journalistes noir·e·s, de questionner notre fonctionnement, notre structure, et de mettre en place des démarches actives pour faire de nos journaux des espaces qui ne reproduisent pas des schémas d’oppression, et qui osent aller à contre-courant pour apporter un peu de changement à l’ordre de notre société. Lutter pour la diversité et l’inclusion des journalistes noir·e·s est absolument nécessaire, car tous les discours se nourrissent en partie des mots diffusés par les médias. Enfin, nous croyons en la création et la valorisation de nouvelles plateformes qui favorisent la diffusion des expériences et pensées des étudiant·e·s noir·e·s, afin de proposer des alternatives qui soient des sources de pouvoir et d’émancipation.
Pour cette édition spéciale, nous avons ainsi eu la chance de collaborer avec le Réseau des
étudiant·e·s Noir·e·s de McGill (Black Students Network), une association étudiante dont l’existence est vitale au sein d’une université comptant seulement 4,6% d’étudiant·e·s noir·e·s dans sa population. Cette collaboration permet notamment au Délit d’accueillir la participation d’étudiant·e·s noir·e·s qui ont partagé avec nous leur talent et leur perspective unique. Nos pages arborent notamment des contributions artistiques tout aussi magnifiques que pertinentes. Notre couverture est l’œuvre de la talentueuse Océane Nzeyimana, étudiante en
première année, qui réalise des collages que vous pouvez retrouver sur son compte Instagram @ohciseaux. La dernière page accueille quant à elle les photographies et le texte de Harantxa Jean, qui propose des interprétations de peintures ou de photographies connues afin de questionner les représentations de la beauté féminine et de s’en réapproprier les codes.Avec ces collaborations, notre journal bénéficie de regards qui méritent d’être mis de l’avant bien au-delà des limites du mois de février. Nous dédions alors cette édition à tous·tes les étudiant·es noir·e·s de l’Université McGill. Le Mois de l’histoire des Noir·e·s est une occasion de célébrer les accomplissements, mais aussi de se rappeler des inégalités profondes et structurelles auxquelles les personnes noires font face dans leur quotidien. Néanmoins, ce mois est aussi loin d’être une fin en soi. La lutte contre le racisme systémique est un combat constant, qui dépasse largement les pages de notre journal.