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L’écoblanchiment : manque de transparence

Le marketing à l’ère du développement durable.

Clément Veysset | Le Délit

En longeant les étalages des magasins, à première vue, de nombreux produits semblent être écoresponsables. Mais sur les indications des emballages se succèdent les termes flous, ainsi que les images et les étiquettes trompeuses. Pensons notamment à l’usage excessif du vert sur certaines bouteilles de shampooing ou de nettoyant chimique, ou encore de l’expression « carboneutre », d’ailleurs reprise maladroitement par la compagnie pétrolière BP pour qualifier son huile moteur. Bien souvent, ces étiquettes exagèrent les gestes véritablement menés par les entreprises pour amoindrir l’impact de leurs produits sur l’environnement, voire les inventer de toute pièce. Ces pratiques mensongères ne sont autres que l’écoblanchiment ou, sous sa traduction anglaise plus populaire, le greenwashing. Ce terme est employé pour la première fois en 1986 par un activiste écologiste américain, Jay Westerveld, dans le cadre de critiques à l’égard de certaines compagnies hôtelières aux États-Unis. Depuis les années 2000, les pratiques de cette nature se répandent rapidement, et le mot greenwashing gagne en popularité. 

Plus de transparence 

Le phénomène d’écoblanchiment est apparu lorsque les entreprises ont compris l’attrait de certains consommateurs pour les produits écoresponsables. Les équipes de marketing se sont ruées sur l’occasion, afin de mettre en avant, souvent de façon démesurée, leurs initiatives écologiques et d’ainsi attirer une nouvelle clientèle. Un des cas les plus fréquents pour les entreprises consiste à se présenter dans l’ensemble comme faible émettrice de carbone, alors que seule une infime partie de leurs services ont une empreinte carbone moindre. 

« Le greenwashing est né de cette envie en marketing de toujours vanter les mérites de son entreprise », rapporte en entrevue Valérie Vedrines, fondatrice et présidente du conseil d’administration de Masse Critique, un organisme à but non-lucratif accompagnant l’industrie de la communication vers des pratiques durables et responsables. « Si certaines entreprises mènent de grandes initiatives [en matière d’environnement, ndlr], d’autres réalisent de toutes petites actions et en disent tout de même beaucoup », ajoute-t-elle. D’après une étude menée par le cabinet britannique d’audit Deloitte, 57% des consommateurs ne croient finalement plus aux déclarations environnementales des entreprises en raison de leur omniprésence et du peu d’information qui les accompagne. Un désir de transparence se fait alors de plus en plus ressentir. Toutefois, au Canada, les législations encadrent assez mal ces allégations environnementales. 

« Les entreprises ont compris l’attrait de certains consommateurs pour les produits écoresponsables »

Un déficit juridique 

« Ici, nous pouvons à peu près dire n’importe quoi. Cela donne lieu à des promesses démesurées de la part des entreprises », déplore Valérie. « Par exemple, des entreprises vendant des produits à emballage recyclable peuvent ainsi affirmer que ceux-ci sont bons pour l’environnement ». Le problème ? Les lois canadiennes et québécoises ne légifèrent pas de façon spécifique l’écoblanchiment et comportent de grandes lacunes. L’organisme Masse Critique milite auprès du gouvernement pour que des lois efficaces contre l’écoblanchiment voient le jour. « Ce qui serait important, ce serait de légiférer certains mots », déclare Valérie Vedrines. « Quand des entreprises se proclament carboneutres, il devrait y avoir une signification concrète et légale qui se rattache à un tel terme. Sans cela, le mot ne veut plus rien dire. » Véronique indique qu’« il serait également intéressant en marketing de légiférer le contexte de nos messages. […] Pensons aux SUV qui, dans les publicités, sont souvent présentés en nature ». En France par exemple, cela ne serait pas permis. Selon Valérie, ce n’est plus qu’une question de temps avant que ces législations fassent leur entrée dans le droit canadien. 

Vers plus de sobriété 

Si certaines entreprises joignent le geste à la parole et fabriquent des produits de manière plus écologique, « acheter plus d’un produit puisque celui-ci s’avère avoir un impact moindre sur l’environnement n’est pas la solution », rappelle Valérie. Remettre en question nos habitudes de consommation demeure impératif. Éviter la surconsommation est une responsabilité qui incombe aussi bien aux consommateurs qu’aux employés en marketing. « Nous, les marketeurs, sommes un rouage de cette surconsommation », explique Valérie Vedrines. Une promotion judicieuse consisterait à ne publiciser que pour des produits ayant une réelle utilité, plutôt que d’inciter les personnes à munir leur garde-robe d’un énième chandail dont elles finiront par se débarrasser quelques mois plus tard. Certaines marques prennent un chemin plus radical, celui de cesser toute publicité pour leurs produits, afin de ne plus inciter à la consommation. C’est notamment le cas de Veja, une entreprise de chaussures. Une telle voie devrait-elle être étendue à l’ensemble de notre société ? Alors que la publicité figure partout, des rues aux réseaux sociaux, son existence même est peut-être à remettre en cause. 


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