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Portrait de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin

Une avancée pour les hockeyeuses professionnelles en Amérique du Nord. 

Rose Chedid | Le Délit

Le 17 mars dernier, l’équipe de Montréal de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) a affronté l’équipe de Toronto à Pittsburgh aux États-Unis, dans un match qui a culminé en un score de 2 à 1 en faveur de l’équipe de Toronto. L’équipe de Montréal a remporté 10 des 18 matchs qu’elle a joués depuis le début de la saison, et se situe en troisième place du classement de la ligue, après Toronto et Minnesota, avec 30 points. Depuis son annonce en juin 2023, la LPHF a permis aux joueuses professionnelles d’enfin retrouver une ligue en janvier 2024, et a depuis connu un succès important.

LPHF : le résultat d’un activisme féministe


La création de la LPHF est le résultat des efforts de la part de l’Association des joueuses professionnelles de hockey (PWHPA). La PWHPA est un syndicat professionnel représentant les hockeyeuses faisant aujourd’hui partie de la LPHF. Il a été formé en 2019, suite à la dissolution de la Ligue canadienne de hockey féminin (CWHL), une des deux ligues majeures de hockey féminin en Amérique du Nord avec la Fédération première de hockey (FPH).

Alors que la CWHL s’était arrêtée en raison de difficultés financières, ses joueuses ont créé la PWHPA, refusant d’intégrer la FPH en raison des salaires inadéquats. En effet, en 2019, plus de 200
joueuses professionnelles et membres de la PWHPA ont annoncé leur boycott de la saison de hockey avenante, réclamant une ligue unie et une durabilité financière pour ses joueuses. Dans un communiqué, celles-ci ont affirmé qu’elles ne joueraient dans aucune ligue professionnelle tant qu’elles n’auraient pas accès aux « ressources que le hockey professionnel demande et mérite (tdlr) ».

La LPHF a donc remplacé la CWHL, et a également absorbé la FPH en 2023 qui, malgré les hausses de salaires, était en manque de financement. Suite à cela, en juin 2023, une convention collective a été signée par les membres de la PWHPA, majoritairement des joueuses issues des deux anciennes ligues, permettant ainsi la mise en place d’une unique ligue professionnelle féminine nord-américaine, la LPHF. Celle-ci représente maintenant le paysage uni du hockey féminin, auparavant divisé entre la CWHL et la FPH.

« La LPHF représente maintenant le paysage uni du hockey féminin, auparavant divisé entre la CWHL et la FPH »

Fonctionnement et diffusion
La ligue compte 157 joueuses provenant de 12 pays différents, dont 90 Canadiennes et comporte six équipes : trois équipes canadiennes (Montréal, Toronto et Ottawa) et trois équipes américaines (Boston, Minneapolis Saint-Paul et New York). Toutefois, les matchs ne se jouent pas seulement dans ces villes, ils peuvent aussi prendre place dans les villes environnantes et dans les arénas de la LNH (Ligue nationale de hockey) ou encore celles de ligues mineures et juniors. Les noms et les logos des équipes sont jusqu’à ce jour en suspens et ne semblent pas être une priorité pour l’administration. Pour l’instant, les chandails des joueuses ont seulement des couleurs distinctives et le nom de leur ville respective.

Durant cette première saison, l’équipe de Montréal jouera 24 matchs au total, dont 16 qui seront diffusés sur les chaînes RDS et RDS2. C’est notamment sur ces chaînes qu’une équipe de diffusion entièrement féminine couvre pour la première fois la saison complète d’une ligue de sport.

La partie du 20 avril entre Montréal et Toronto, qui était initialement à l’Auditorium de Verdun a été relocalisée au mythique Centre Bell, témoignant du grand succès qu’a eu la ligue depuis le début de la première saison. Les billets saisonniers ont tous été vendus et les prochains matchs à l’Auditorium de Verdun sont déjà complets. Jusqu’à maintenant, le nombre record de spectateurs a été de 19 925 à l’aréna Scotiabank de Toronto. L’équipe de Montréal souhaite atteindre et même dépasser cette participation au Centre Bell qui a la capacité d’accueillir 21 105 spectateurs.

Bien qu’elle soit nouvelle dans le paysage du hockey professionnel nord-américain, la LPHF a également pu participer à un événement culte du hockey professionnel : le Match des étoiles, en concluant celui-ci avec des trois contre trois.

« Les congés de maternité permettent notamment aux hockeyeuses d’avoir des enfants et une carrière professionnelle simultanément »

Avancées ou inégalités ?


La PWHPA se charge maintenant de protéger et d’assurer les droits des joueuses de la LPHF, et vise à offrir une alternative plus durable et stable aux deux ligues dissoutes. Le syndicat garantit notamment des salaires plus élevés et stables. En effet, la CWHL qui était exclusivement financée par des donateurs privés, versait à ses joueuses des salaires entre 2 000 et 10 000 dollars canadiens par année. La FPH, pour sa part, était la première ligue de hockey féminine à verser à ses joueuses un salaire raisonnable. Pour la saison 2015–2016, la ligue avait fixé un salaire minimum de 10 000 dollars canadiens, et un plafond de 270 000 dollars canadiens par quipe. En 2016–2017, ce salaire a été divisé par deux en raison de restrictions budgétaires, mais a drastiquement remonté en 2023 avec l’établissement d’un plafond de 1,5 million de dollars par équipe, une hausse de salaire historique dans le hockey féminin. Quant à elle, la LPHF offre à ses joueuses un salaire minimum d’au moins 47 000 dollars canadiens par an, et exige qu’un maximum de neuf joueuses par équipe toucheront ce salaire minimum. Les joueuses les plus payées pourraient toucher plus de 109 000
dollars canadiens, bien que les salaires spécifiques ne soient pas publiés. Ce nouveau salaire permettrait aux joueuses de se concentrer sur leur carrière sportive, sans avoir à compléter leur revenu avec des emplois externes. 

Plusieurs droits qui n’étaient pas garantis par les ligues précédant la LPHF sont maintenant offerts aux joueuses de la nouvelle ligue, notamment une assurance santé stable, un plan de retraite, des bonus et des congés de maternité. Ces derniers permettent notamment aux hockeyeuses d’avoir des enfants et une carrière professionnelle simultanément, servant à déstigmatiser la grossesse chez les athlètes.

Il est cependant important de noter que les inégalités perdurent, et que comparativement à leur homologue masculin, la Ligue nationale de hockey (LNH), les salaires des joueuses restent insuffisants. Le salaire débutant pour un joueur de la LNH est de plus d’un million de dollars canadiens, comparé au salaire minimum auquel plusieurs joueuses de la LPHF touchent. De plus, la couverture médiatique limitée du hockey féminin, tout comme la quantité minimale d’investissements dans les équipes de la LPHF font contraste à l’envergure du hockey masculin. Ces différences entre la LNH et la LPHF témoignent des inégalités systémiques qui continuent d’affecter les sportives de carrière. Il reste de l’espace pour les avancées féministes dans le hockey professionnel.


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