Le 21 juillet 2024, Joe Biden, lors d’une déclaration à la nation, annonce son retrait de la course présidentielle et sa candidature est remplacée par celle de sa vice-présidente, Kamala Harris. La décision du président de se retirer de la campagne à moins de quatre mois de l’élection est un événement sans précédent aux États-Unis, qui laisse croire à une crise interne chez les démocrates. Au contraire, il démontre plutôt la force du parti qui s’unit autour d’une cause : la protection de la démocratie aux États-Unis, comme l’explique dans une entrevue pour Le Délit Dr. Brendan Szendro, Professeur de l’Université McGill en politique comparée.
De la crise à l’unisson
« Un vulnérable point d’inflection qui fait place à de l’optimisme, à un potentiel de croissance. De façon générale, ce changement met les démocrates dans une position avantageuse » résume Professeur Szendro à propos de la situation des démocrates. « Tout ceci était une stratégie très risquée, mais le fait que le parti n’ait pas sombré dans le chaos démontre que ce plan a été soutenu par tous les membres du parti qui ont dû s’unir derrière Kamala Harris. Si le changement de candidat représentait un moment de crise plutôt que de rassemblement pour le parti, il y aurait certainement eu des voix dissidentes et nous n’aurions pas vu le parti se rassembler aussi rapidement derrière Kamala. »
« Les sondages démontrent une baisse marquée en popularité après le retrait des troupes américaines de l’Afghanistan. Sa popularité a lentement commencé à remonter jusqu’à ce que le conflit à Gaza prenne son ampleur à la fin de l’année 2023. C’est vraiment ces deux évènements qui sont perçus comme des échecs, et qui ont été dommageables à sa réputation »
Professeur Szendro
Si le Parti démocrate n’est pas en crise, pourquoi donc changer de candidat si peu de temps avant les élections du 5 novembre 2024 ? Biden, en raison de son impopularité, démontrée dans des sondages, n’était pas un bon candidat pour les démocrates ce qui, selon le parti, tel qu’expliqué dans l’annonce de Biden du 21 juillet, aurait mis la sécurité de la démocratie aux États-Unis à risque. En effet, le Projet 2025 de Trump pourrait nuire à la démocratie, par exemple, le projet viserait entre autres à couper le financement de chaînes médiatiques publiques ce qui nuirait à l’accès à des nouvelles objectives, mettant en cause la démocratie américaine. Il a aussi insciter l’insurrection du Capitol après avoir perdu l’élection de 2020.
Les questions sur l’état physique et mental du président ainsi que l’inflation qui ravage les classes moyennes et inférieures du pays ont souvent été nommées comme les raisons principales de l’impopularité de Biden. Cela dit, selon Professeur Szendro, c’est le manque d’habileté en relations internationales qui a le plus dérangé le peuple américain. « Les sondages démontrent une baisse marquée en popularité après le retrait des troupes américaines de l’Afghanistan. Sa popularité a lentement commencé à remonter jusqu’à ce que le conflit à Gaza prenne son ampleur à la fin de l’année 2023. C’est vraiment ces deux évènements qui sont perçus comme des échecs, et qui ont été dommageables à sa réputation », dit Professeur Szendro. « C’est ensuite après sa faible performance lors du débat contre Trump que le parti l’a fortement encouragé à se retirer de la course », ajoute-t-il.
Le Parti démocrate utilise la menace à la démocratie pour justifier le changement de candidat comme il est dit dans l’annonce de Biden du 21 juillet, sur le site Internet des démocrates et dans la première vidéo de campagne de Harris. Le message cible des démocrates, pour cette élection, est qu’une défaite pour leur parti pourrait être la fin de la démocratie aux États-Unis et c’est le rassemblement du parti derrière ce message qui démontre, encore une fois, l’unisson du parti, plutôt qu’une situation de crise. Professeur Szendro fait référence à une partie du discours donné par Biden annonçant son retrait pour illustrer la force du message et du Parti démocrate.
« Biden a communiqué quelques messages clés très poignants, entre autres quand il a dit dans son adresse du 21 juillet qu’il estime son bureau, mais qu’il estime son pays plus et que la démocratie du pays est plus importante que ses ambitions personnelles. C’est là que le Parti démocrate, à travers le discours à Biden, se positionne réellement comme le parti qui suit le principe de légalité et qui, potentiellement, respecte la démocratie plus que l’autre parti. Ceci, évidemment, parle beaucoup à l’électorat Américain. »
Une candidate pour la démocratie
Kamala Harris, étant la vice-présidente et ayant la popularité nécessaire, prend donc le rôle de candidate à la présidence pour l’élection 2024, ce qui donne un avantage aux démocrates alors que le camp opposé avait, jusqu’à présent, organisé une élection contre Biden. Et malgré les critiques qui décrient un manque d’action de la part de Harris, elle représente une candidature beaucoup plus intéressante pour les Américains selon le Professeur Szendro. Elle est plus jeune, plus de gauche, plus apte à contrer Trump lors d’un débat et pourrait inspirer plus de confiance envers l’électorat en matière de relations internationales.
L’annonce de la candidature de Kamala donne une nouvelle vague d’énergie pour le Parti démocrate et lorsque Harris et Trump débattront, le contraste entre les deux sera remarquable ce qui sera très intéressant.
Harris semble aussi être moins indulgente envers les actions d’Israël, ce qui a été démontré par son absence au Congrès lors de la visite du premier ministre Israélien. Cela pourrait attirer certains électeurs qui en veulent à Biden de soutenir le camp israélien. D’autre part, elle pourrait aussi attirer les Américains qui sont plus de gauche et les plus jeunes, affirme Professeur Szendro.
« Elle a une bien meilleure chance d’attirer les jeunes électeurs : elle est beaucoup plus jeune que Biden et que Trump, et donc le Parti démocrate a beaucoup de raisons d’être optimiste en ce moment. »
Malgré les avantages apportés par le changement de candidature, rien n’est gagné. Les sondages démontrent une course à la présidence qui reste très serrée : Harris a une maigre avance sur Trump, qui reste un candidat très populaire.
Aller de l’avant
Avec l’annonce du candidat à la Vice-Présidence, Tim Walz, le Parti démocrate s’attend à voir leur taux de popularité augmenter. En plus d’assurer une victoire démocrate dans l’Etat du Minnesota, historiquement démocrate et dont il est l’actuel gouverneur, Tim Waltz est présenté comme celui qui va pouvoir aller chercher du soutien auprès des électeurs Blancs et des régions rurales, qui ont par le passé majoritairement voté pour Trump. Il pourra aussi rallier les électeurs plus centristes alors que Harris rallient davantage les électeurs de gauche.
Malgré les avantages apportés par le changement de candidature, rien n’est gagné. Les sondages démontrent une course à la présidence qui reste très serrée : Harris a une maigre avance sur Trump, qui reste un candidat très populaire. Cela dit, la tentative d’assassinat du 10 juillet et la Convention nationale républicaine du 15 juillet dernier, ont peu servi à augmenter la popularité à Trump qui reste assez stable. De son côté, Harris a amassé plus de 370 millions de dollars de financement en un seul mois ce qui représente la plus grosse somme amassée par un candidat à ce stade de la course.
« D’une façon surprenante, nous avons seulement vu une maigre augmentation de la popularité de Trump dans les sondages après la tentative d’assassinat et la Convention nationale républicaine, ce qui est remarquable et démontre que nous vivons une élection avec des candidats historiquement très impopulaires. Le changement de candidat vers Kamala Harris est donc avantageux pour les démocrates, mais il leur reste encore une énorme tâche devant eux pour gagner l’élection », dit Professeur Szendro.
Le Parti démocrate est donc présentement en position favorable, ce qui suscite, à trois mois des élections présidentielles, un optimisme croissant au sein du parti. Selon les démocrates, une victoire en novembre correspondrait à une victoire pour la démocratie américaine tout entière.