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Nos Belles-Soeurs au grand écran

Une adaptation cinématographique haute en couleurs.

Eileen Davidson

La renom de la pièce Les Belles Sœurs de Michel Tremblay n’est plus à prouver. Depuis sa première représentation sur scène en 1968, elle a eu droit à huit reprises au théâtre en sol québécois et est désormais traduite en plus de 30 langues. Cette première adaptation au cinéma, dirigée par René-Richard Cyr, est ponctuée d’une trame sonore signée Daniel Bélanger. Les deux artistes se retrouvent ici au grand écran, après une première collaboration sur scène en 2010. L’adaptation musicale des Belles-Sœurs orchestrée par le duo avait d’ailleurs récompensé René-Richard Cyr du Félix du metteur en scène de l’année.

Une ambiance éclatée

C’est un second souffle qui semble animer la pièce : les chansons de Daniel Bélanger renouvellent les monologues dramatiques, les chorégraphies ajoutent une dimension éclatée qui s’harmonise à merveille au sein d’une ambiance où règne la démesure, et les couleurs chatoyantes des costumes et des décors offrent un véritable plaisir aux sens. Au cœur de ce superspectacle musical, l’expertise de René-Richard Cyr au théâtre lui bénéficie considérablement.

Le récit demeure inchangé ; Germaine Lauzon, ménagère, est l’heureuse élue du concours Gold Star. Désormais propriétaire d’un million de timbres-primes, elle rassemble ses sœurs et ses voisines à son domicile, où elles s’appliquent toutes à coller cette quantité industrielle de timbres. Au cours de la soirée, la jalousie des femmes envers Germaine s’intensifie, et les secrets de chacune sont dévoilés.

Des comédiennes à la hauteur de nos attentes

La distribution du film a d’ailleurs fort probablement un rôle à jouer dans l’engouement qu’il a suscité : déjà trois millions de dollars au box-office québécois. Ce sont des comédiennes chouchous du public québécois qui incarnent Nos Belles-Sœurs. Lors des séquences plus dramatiques, l’écran capte toutes les subtilités et l’expertise des actrices. Le jeu demeure néanmoins caricatural par moments ; si au théâtre, l’exagération est la bienvenue, au cinéma, elle contribue encore davantage à une adaptation pour le moins extravagante. René-Richard Cyr peine ici à se dissocier du rôle de metteur en scène – qui, rappelons-le, demeure fondamentalement différent de celui de réalisateur.

Au cœur de ce superspectacle musical, l’expertise de René-Richard Cyr au théâtre lui bénéficie considérablement.

Véronic Dicaire vole la vedette dans le rôle de Pierrette, la sœur cadette de Germaine. Les prouesses vocales de Dicaire surpassent largement celles de ses collègues, malgré leurs efforts, qu’on souligne tout de même. Seule Debbie Lynch-White parvient à l’accoter, tout en douceur et sensibilité. De même, si dans la pièce originale, le personnage de Pierrette est entouré d’une aura de mystère avant de faire irruption parmi les convives, elle nous est ici d’emblée introduite avec tous ses vices. Que ce soit pour faire briller encore davantage Véronic Dicaire, dont la présence à l’écran est sensationnelle, ou alors pour tenter de s’éloigner de l’unité de lieu qui caractérise le théâtre, cette décision nuit néanmoins au suspense relié à l’introduction du personnage.

Une déception de taille pour moi est probablement le personnage incarné par Valérie Blais : Lisette de Courval. Force d’admettre que dans cette adaptation, elle s’avère un personnage superficiel, et sous-développé, qui tient davantage lieu de comic relief que d’une véritable critique de l’hypocrisie de la classe moyenne. Peut-être que la performance caricaturale, mais ô combien désopilante de Valérie Blais, fut l’énième victime du montage, dont les coupes saccadées nuisent d’ailleurs à plusieurs numéros musicaux.

Un visionnement agréable

C’est lors de ces performances musicales que l’esthétique kitsch du film atteint son paroxysme ; un excès pleinement assumé, et réussi. Cette orgie de couleurs nuit toutefois cruellement à l’affiche promotionnelle du film, où la distribution stellaire du film détonne au sein de ce montage amateur, qui conviendrait davantage à une troupe de théâtre d’âge préscolaire.

Nos Belles Soeurs s’avère une adaptation cinématographique haute en couleurs et en extravagance, qui rassemble tous les attributs plaisants d’une comédie musicale : Michel Tremblay qui sape sa soupe, ça c’est du cinéma.


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