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#bratsummer

Que du bien associé à la tendance de l’été ?

Stu Doré

Tout l’été, du moins pour ceux·celles dit·e·s « chroniquement en ligne » comme moi, nous avons été bombardé·e·s de contenu mettant en avant le nouveau concept du Brat Summer. L’expression qui se traduit en français comme « l’été des pestes (tdlr) » est le fruit du nouvel album de la chanteuse britannique Charli XCX, disponible sur les plateformes d’écoute depuis le début du mois de juin. Depuis, Internet s’est emparé du titre Brat et en a fait son hymne pour l’été, voyant se décupler le nombre de publications utilisant le vert néon caractéristique de l’album, créant dans cet élan l’expression virale de notre été 2024. Mais qu’est-ce qu’implique la philosophie du Brat Summer, et est-ce que son impact sur la jeunesse peut être vu comme positif ? Y a‑t-il plus de négatif à mettre en avant une telle idéologie, et est-il possible que cette tendance ait été poussée trop loin ?

Historique du Brat Summer

Tout commence le 7 juin dernier, avec le lancement de l’album Brat de la chanteuse pop Charli XCX. Dès lors, les fils d’actualité d’Instagram et Tiktok ont connu une vague déferlante de publications en lien avec l’album. Avant même sa sortie, ce sont les singles, notamment Von Dutch sorti le 29 février dernier, qui faisaient le buzz. Dès juin, avec l’entièreté de l’album désormais disponible à l’écoute, c’est d’abord la chanson Apple qui gagne en momentum sur les réseaux sociaux, grâce à la danse lui étant associée. Sur Tiktok, ce sont 1,6 millions de publications qui utilisent la chanson, devenue pour plusieurs la bande sonore du Brat Summer.

En comparaison au Hot Girl Summer

Une question que j’ai aussi jugée importante de relever quant au Brat Summer, c’est en quoi ce phénomène diffère de l’expression qui avait marqué les derniers étés, le fameux Hot Girl Summer. Selon Charli XCX, « la fille brat est une fille qui est un peu bordélique et qui aime bien faire la fête, qui fait des choses un peu débiles parfois… mais qui est aussi très honnête. » Le Hot Girl Summer, popularisé dès 2019 avec la sortie de la chanson du même titre par Megan Thee Stallion, pour sa part, se définissait comme une attitude confiante et insouciante prônée auprès des femmes, les encourageant à prioriser leur bonheur avant celui des autres. Le Hot Girl Summer valorisait également une attitude positive et inclusive en ce qui a trait à l’image corporelle et célébrait l’individualité de tous·tes et chacun·e.

« Il me semble clair que le Hot Girl Summer avait beaucoup à faire avec le physique et l’inclusion de tous les corps, alors que le Brat Summer représente plutôt une envie collective de se libérer des dogmes sociétaux et de réellement s’émanciper du regard de l’autre »

Si l’on compare ces deux mouvements, il me semble clair que le Hot Girl Summer avait beaucoup à faire avec le physique et l’inclusion de tous les corps, alors que le Brat Summer représente plutôt une envie collective de se libérer des dogmes sociétaux et de réellement s’émanciper du regard de l’autre. D’une part, on avait donc un mouvement centré sur l’acceptation de ses différences, et d’une autre, ce même esprit du je‑m’en-foutisme, mais appliqué à nos actions. Sous l’ère du Brat Summer, c’est alors sans souci de la perception de l’autre que les gestes et actions sont posés.

Et ses impacts ? 

Le Brat Summer a certainement su créer un sentiment de communauté qui transcende les barrières géographiques. À travers le monde, les jeunes se sont senti·e·s interpellé·e·s par l’envie de liberté qui sous-tend la philosophie mise en avant dans les différents morceaux de l’album. Qui plus est, l’album Brat a connu un écho retentissant au sein de la communauté queer, qui a été particulièrement interpellée par cet esprit de liberté, autant au niveau des actions qu’au niveau de l’expression personnelle. Les fans queer, souvent en quête de liberté face aux normes rigides de la société, se sont identifié·e·s au caractère rebelle et désinvolte du Brat Summer. Cet état d’esprit leur a permis de se réapproprier des espaces où ils·elles peuvent exprimer leur identité sans entraves, où la fête devient un acte de résistance et où la spontanéité devient un moyen d’affirmation de soi. 

Stu Doré

Trop loin ?

Cependant, il est essentiel de se questionner sur les potentielles dérives d’une telle philosophie. Si le Brat Summer encourage une certaine forme d’émancipation, il peut également normaliser des comportements irresponsables sous prétexte de liberté, des actions entreprises dans un esprit de « je le peux, donc je le fais ». Dans certains cas, le fait de glorifier l’insouciance et de minimiser les conséquences de certaines actions peut mener à des situations où l’on se sent autorisé·e·s à franchir certaines limites, qu’elles soient légales, morales, ou personnelles. On peut donc, sous le prétexte du Brat Summer, poser des actions qui heurtent les gens qui nous entourent ou encore nous-même. Il reste donc à méditer si notre génération est dotée de lobes frontaux assez développés pour discerner où se trouvent les limites de l’acceptable.

Un album quelque peu controversé 

Je crois également impératif de discuter des principales controverses associées à la sortie de l’album de Charli XCX. La polémique est née du soutien de Charli à la candidate présidentielle démocrate, Kamala Harris, déduit du tweet de la chanteuse britannique publié le 22 juillet, où elle écrivait « Kamala IS brat ». Rapidement, la campagne électorale de Harris a adopté le vert néon de l’album, certainement par envie d’interpeller le jeune électorat américain. Ceci dit, Charli XCX, qui ne peut d’ailleurs pas voter aux États-Unis, a reçu de nombreuses critiques en lien avec son soutien pour Harris, notamment en ce qui concerne le passé de la candidate aux élections présidentielles comme procureure en Californie, ainsi que ses opinions quant au génocide qui a actuellement lieu en Palestine. Au final, Charli a offert comme réponse que « sa musique n’est pas politique » et qu’elle espérait que ce tweet, soit « positif et léger ».

Dans la même veine, Charli a aussi été critiquée pour son amitié avec Dasha Nekrasova, co-animatrice du podcast Red Scare. Celle qui aurait d’ailleurs inspiré le morceau Mean girls a vu une vidéo d’elle faire surface, où elle habillait sa cible en carton dans un centre de tir avec une keffiyeh, dont le port est actuellement largement associé à la lutte palestinienne. Leur amitié a donc attiré l’attention des fans de la chanteuse – et avec raison – et mené à des questions quant aux prises de position politiques de Charli. 

Le titre 365 a lui aussi beaucoup fait parler. La controverse entourant cette chanson est principalement liée à son traitement explicite de la consommation de drogues, notamment de la cocaïne. En effet, les paroles font une référence directe à l’usage de cette substance, ce qui a provoqué de vives critiques de la part de certains auditeur·rice·s, choqué·e·s par une telle banalisation, voire glamourisation de l’usage de drogues dures, en particulier auprès de ses jeunes fans. Bien que certain·e·s défendent le titre, en disant qu’il reflète une réalité sombre et personnelle plutôt qu’une incitation à consommer, cette dimension de la chanson a ravivé un débat sur la responsabilité des artistes pop dans la manière dont ils abordent des sujets sensibles, comme l’usage de drogues, récréatif ou non.

Brat Summer : Bien ou pas ?

Pour conclure, le mouvement peut parfois risquer de basculer dans une glorification excessive du chaos, faisant passer au second plan des valeurs importantes telles que la bienveillance, l’esprit critique ou la responsabilité sociale. Ceci étant dit, tout comme le Hot Girl Summer a marqué une génération, il est indéniable que le Brat Summer a su incarner un souffle nouveau pour l’été 2024 et continuera certainement d’inspirer la Génération Z. Il aura su redéfinir les contours de la liberté individuelle, de choix et d’expression, dans une période post-pandémique où l’envie de légèreté et de festivité a pris une importance particulière. Le véritable défi réside alors dans la capacité de cette nouvelle tendance à trouver un équilibre entre l’expression de soi et le respect des autres et du monde qui nous entoure. Somme toute, je crois que le Brat Summer aura su être un été de fêtes, d’amitiés et de sourires, du moins en ce qui me concerne. J’espère donc qu’on gardera à l’esprit cette frivolité qui a rendu l’été 2024 tant mémorable.


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