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Étudier les changements climatiques

L’offre de cours en environnement à McGill est-elle satisfaisante ?

Eileen Davidson

À chaque nouvelle rentrée et création d’un nouvel emploi du temps pour le semestre qui s’annonce, nombreux ·ses sont ceux·celles qui remettent en question la structure de leur diplôme. Si certain·e·s décident de changer complètement de majeure ou de mineure, d’autres font le choix radical d’un retour au point de départ dans une autre faculté. Il peut aussi arriver que de nouveaux centres d’intérêt se manifestent au cours de l’été, et pourquoi pas une prise de conscience environnementale ? Prise de conscience qui pousse certain·e·s à choisir des cours apportant des réponses quant à la crise climatique, ou des solutions pour soulager leur éco-anxiété.

Dans le cadre de sa stratégie en matière de climat et de développement durable 2020–2025, l’Université McGill prévoit de développer les opportunités d’apprentissage et de recherche en environnement pour ses étudiant·e·s et son personnel enseignant. Je ferai, dans cet article, l’état des lieux des cours en environnement et de ceux qui traitent du défi climatique dans les différentes facultés et départements de McGill, afin d’évaluer l’offre que propose déjà l’Université sur ces enjeux. Aussi parviendrais-je peut-être à convaincre certain·e·s de tenter leur chance dans un cours ayant pour thème l’environnement, quel que soit leur profil étudiant, ou du moins je donnerai des pistes à ceux·celles qui cherchent à assouvir leur appétit écologique dans leur parcours universitaire à McGill.

« Il y a énormément de départements qui offrent des cours sur les sujets environnementaux à l’extérieur de l’École d’environnement »


Michelle Maillet

Être étudiant·e en environnement 

À McGill, il existe déjà six programmes de premier cycle consacrés à l’environnement offerts par l’École de l’environnement [Bieler School of Environment, ndlr] dans différentes facultés. Il est possible de prendre une majeure en environnement en étant inscrit·e à la Faculté des sciences du centre-ville ou à la Faculté des sciences agricoles et environnementales (60 à 66 crédits), sur le campus Macdonald. Par ailleurs, la Faculté des arts propose elle aussi un diplôme en environnement (54 crédits). Ces trois programmes ont en commun une base de cours obligatoire définissant les interactions entre les êtres humains et le monde vivant (ENVR 200, 201,…) à laquelle doit s’ajouter le choix d’une concentration. Différentes options sont possibles en fonction des facultés. Pour en nommer quelques-unes, on retrouve dans la Faculté des sciences les concentrations « Biodiversité et conservation » (Biodiversity and Conservation), « Production alimentaire et environnement » (Food production and Environment), et dans la Faculté des arts « Économie et environnement terrestre » (Economics and the Earth’s Environment), « Environnement et développement » (Environment and Development), etc.

La Faculté des arts et des sciences a créé son propre programme quant aux questions climatiques. Il s’agit du programme Interfacultaire en environnement (54 crédits), qui en plus des cours obligatoires similaires aux autres programmes, offre la possibilité de combiner des enseignements de différentes facultés regroupés dans des catégories thématiques comme « Écologie des populations, des communautés et des écosystèmes », « Santé humaine » ou encore « Cultures et peuples », mélangeant donc sciences empiriques et sciences humaines et sociales. N’importe quel·le étudiant·e, indépendamment de sa faculté, peut choisir d’effectuer une mineure en environnement (18 crédits) en se contentant des cours fondamentaux communs à tous les programmes en environnement. Enfin, l’École de l’environnement permet également de réaliser un diplôme en environnement (30 crédits), qui va plus loin que la simple mineure, tout en étant moins conséquent que la majeure.

« Certains des cours de cette concentration devraient être obligatoires pour tous les étudiants de Desautels »


- Alejandra, étudiante à Desautels avec une concentration en environnement

Au-delà d’une majeure ou mineure en environnement 

Bien que certain·e·s ont toujours su qu’ils dédieraient leur carrière à la lutte pour la protection de la planète, pour d’autres, ce n’est que plus tard que s’est révélée une curiosité et inquiétude nouvelle pour la cause climatique. Nous ne voulons pas tous·tes devenir des expert·e·s en matière d’environnement, mais beaucoup d’entre nous cherchons à devenir de meilleur·e·s citoyen·ne·s climatiques dans un monde où agir collectivement et à l’échelle individuelle est nécessaire à la survie de notre espèce. « Dans un contexte social, c’est quelque chose qui nous affecte tous, qu’on le veuille ou pas. Ainsi c’est toujours bien d’avoir une petite compréhension de base de ces phénomènes-là », note Michelle Maillet, conseillère du programme de premier cycle du Département de géographie. C’est pourquoi, je me suis aussi intéressée à l’offre éducative traitant du défi climatique au sein des départements de l’Université pour les étudiant·e·s qui ne participent pas à un des programmes en environnement.

Eileen Davidson

« Il y a énormément de départements qui offrent des cours sur les sujets environnementaux à l’extérieur de l’École d’environnement », m’a expliqué Michelle Maillet. Avant de continuer : « Comme par exemple en géographie, on offre plusieurs cours qui explorent la géographie physique. Dans le fond, ce sont tous les processus qui se passent à la surface ou près de la surface de la planète Terre. On a des cours sur les systèmes environnementaux, où l’on regarde l’hydrologie, les sciences climatiques. On regarde aussi l’interaction avec les systèmes humains. Par exemple, on étudie comment le climat affecte la vie dans la ville où des humains se sont établis, comment les humains, avec leurs actions, ont interagi avec ce climat-là aussi. On observe comment l’infrastructure dans nos villes a aussi un impact sur le système environnemental. » En plus du département de géographie, Michelle Maillet liste les départements de Sciences atmosphériques et océaniques (Atmospheric and Oceanic Sciences- ATOC), de Sciences de la terre et des planètes (Earth and Planetary Sciences- EPSC), Science du système terrestre (Earth System Science- ESYS), qu’elle loue pour leur grande richesse en matière d’enseignement sur les changements climatiques. Elle souligne également la création récente d’un nouveau cours, FSCI 198, intitulé Crise climatique et actions en faveur du climat (Climate Crisis and Climate Actions). Ce dernier se distingue des autres cours donnés à McGill, car : « Au lieu de regarder les impacts négatifs, il cherche à donner de l’espoir avec des solutions : qu’est-ce que les gens peuvent faire du côté politique, individuel, sociétal… » Il a vocation aussi à « inspirer les jeunes, justement très tôt dans leurs études, à vouloir poursuivre d’autres cours plus avancés pour aller chercher justement ces questions-là ». Elle souligne qu’il existe de nombreuses combinaisons possibles de cours parsemées dans les facultés qui offrent différentes approches au problème.

À la Faculté de gestion Desautels, pour les étudiant·es au baccalauréat en commerce, il est possible de choisir une concentration en gestion durable (Concentration in Managing for sustainability). Alejandra, étudiante à McGill en commerce, a choisi cette concentration, car elle a « toujours été intéressée par le développement durable, la préservation de la planète et de l’environnement et tout ce qui se rapporte à l’écologie ». Elle désirait « en apprendre plus sur ce que les entreprises sont capables de faire en matière de développement durable aujourd’hui ».

Un contenu à la hauteur des espérances ? 

Il semble que l’Université McGill offre un riche éventail de cours en matière d’environnement en mêlant différentes perspectives à travers les différentes facultés. Qu’en est-il du contenu des cours enseignés ? J’ai interrogé divers profils d’étudiant·e·s afin d’évaluer la qualité des enseignements à ce sujet. Le club Little Forests Mcgill, qui agit pour la préservation de la nature notamment en plantant des arbres en milieu urbain, m’a accueillie lors d’une de ses réunions, au cours de laquelle j’ai pu interroger plusieurs étudiantes en environnement. Globalement, toutes se sont accordées à dire que les cours qu’elles suivent sont très intéressants et à la hauteur de leurs attentes. Lauren, étudiante en troisième année, a une majeure en environnement et en développement dans la faculté des arts. Les louanges ne manquent pas pour exprimer sa gratitude envers ses professeur·e·s et leurs enseignements : « Les professeur·e·s du département sont tous très bons. On apprend beaucoup. » Elle apprécie particulièrement le côté interdisciplinaire de sa majeure. « L’année dernière, nous avons suivi le cours d’environnement 203, qui traite de l’éthique dans l’environnement. C’était super, car il y avait plus de philosophie et de réflexion. Nous devions aussi faire environnement 200, qui portait sur les systèmes (le cycle de l’eau, le cycle du carbone). Il y a donc à la fois les sciences et les sciences sociales, ce qui est vraiment unique. Que vous soyez en sciences ou en arts, vous devez faire un peu de tout », nous raconte- t‑elle. L’expertise des professeur ·e·s et leur expérience sont très enrichissantes et apportent beaucoup aux leçons en classe.

Alejandra n’a pas regretté son choix de concentration en environnement à Desautels : « J’ai trouvé la concentration très intéressante, car elle donne le point de vue de l’entreprise. J’ai senti que je pouvais apprendre beaucoup et faire la différence grâce à mes études et à ma carrière. » Elle ajoute même que « certains des cours de cette concentration devraient être obligatoires pour tous les étudiants de Desautels ». Elle déplore que le seul cours obligatoire qui s’en rapproche soit Contexte social de l’entreprise (MGCR 460 : Social Context of Business) qu’elle a « vraiment détesté » le jugeant « trop superficiel et qui n’ajoute rien de significatif à ce qu’[elle] pense être du bon sens ».

Bien qu’une majorité soit satisfaite de l’offre de cours en environnement à McGill, cela n’empêche pas quelques déconvenues ayant fait des déçu·e·s. Thomas*, dans le cadre de sa majeure en économie, a pris le cours ECON 347, qui concerne l’économie du changement climatique, et l’a regretté : « Le contenu du cours et le professeur ont été décevants. Je m’attendais à ce qu’il lie l’économie avec les problèmes environnementaux actuels en nous présentant des modèles plus complexes et aboutis. Mais au final le contenu de la classe était décousu sans vrai fil conducteur en plus d’être relativement indigeste à cause des nombreuses digressions semi-climatosceptiques du professeur. » Il ne rejette pas l’entièreté du cours, car il a trouvé certaines notions intéressantes. Toutefois, selon lui, « il faudrait revoir comment le professeur les présente ». Avant de compléter : « Je pense aussi que McGill décrit mal le cours lorsque l’on souhaite s’y inscrire. » 

« Quand j’ai commencé à être la conseillère pour le programme en durabilité, en 2019, on avait 47 étudiants. Aujourd’hui, on en a 73 »


- Michelle Maillet, conseillère du Département de géographie

Un intérêt croissant 

« Chaque année, on voit les chiffres du nombre d’étudiants qui sont inscrits dans ces programmes [traitant de la protection de l’environnement, ndlr] augmenter », remarque Michelle Maillet. Elle constate l’intérêt accru des étudiant·e·s pour ces questions, qu’elle interprète par « un désir de travailler sur les solutions ». « Quand j’ai commencé à être la conseillère pour le programme en durabilité, en 2019, on avait 47 étudiants. Aujourd’hui, on en a 73. Et chaque année, il y a toujours quelques étudiants de plus qui s’ajoutent », nous confie-t-elle. Amy Janzwood, qui enseigne le cours de sciences politiques sur la politique environnementale mondiale (POLI 350 Global Environmental Politics), a aussi remarqué cet intérêt, car sa classe est toujours en surnombre. « Je pense que le niveau de sensibilisation est déjà très élevé. Les étudiants sont très préoccupés par les questions environnementales et les vivent directement dans leur propre vie ; certains ont été directement touchés par la fumée des feux de forêt, les évacuations et toutes sortes de volatilité. Les effets de ces questions sont souvent très présents dans notre vie quotidienne ». Dans son cours, elle met en avant l’importance de l’action collective pour avoir un impact. Elle cherche à inspirer ses élèves en leur donnant des exemples de résultats positifs grâce à des mobilisations pour la justice sociale et climatique : « J’espère que les étudiants ne se sentiront pas désespérés quant à l’avenir des problèmes environnementaux à l’issue de ce cours et qu’ils comprendront mieux le problème, mais aussi les réponses possibles. »

En outre, beaucoup d’événements pour sensibiliser à la protection de l’environnement sont tenus sur le campus, comme le festival de la biodiversité organisé par le bureau de durabilité qui aura lieu fin septembre. Ainsi, même sans prendre des cours sur le sujet, les étudiant·e·s sont amené·e·s à réfléchir à l’avenir de la planète. « Je pense qu’il ne suffit pas de mettre l’emphase sur les cours, mais de vraiment s’y attaquer par tous les angles. Il y a d’autres moyens à l’extérieur des cours, de donner un peu un goût aux étudiants de s’intéresser à ces questions importantes, » nous partage Michelle Maillet. Elle nous livre une de ses philosophies : « On ne pourra jamais convaincre tout le monde, mais on peut mettre notre énergie sur la grande majorité qui est prête à vouloir se mettre au travail. Puis mettre du vent dans les voiles de ceux qui poussent en avant, de faire tout ce que l’on peut pour les encourager. »

*Nom fictif


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