Aller au contenu

SPHR rayé des clubs de l’AÉUM

Entrevue avec Dymetri Taylor, président de l’AÉUM.

Margaux Thomas | Le Délit

Le 16 septembre 2024, l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) a diffusé une déclaration de son conseil d’administration à l’ensemble de la communauté étudiante du premier cycle, au sujet du collectif Solidarité pour les droits humains des Palestiniens, récemment renommé Étudiants pour l’honneur et la résistance de la Palestine (Students for Palestinian Honour and Resistance, SPHR). Cette déclaration annonçait la décision du conseil d’administration de retirer au SPHR son statut de club de l’AÉUM, éliminant tout lien entre les deux entités. Le collectif SPHR perd donc son statut officiel, mais également son droit d’accéder au financement de l’AÉUM. Pourquoi ? Selon l’Université, l’AÉUM aurait enfreint sa propre constitution en maintenant son soutien pour le collectif.

Le Délit s’est entretenu avec Dymetri Taylor, président de l’AÉUM, pour mieux comprendre les procédures et négociations internes qui ont mené à cette décision. 

Dymetri Taylor explique que depuis le 7 octobre 2023, l’administration de l’Université a tenté à plusieurs reprises de contacter SPHR via l’AÉUM pour conclure des ententes concernant les activités du groupe. « L’AÉUM a établi que toute discussion entre l’administration de McGill et le SPHR se ferait uniquement avec l’AÉUM comme intermédiaire, en partie à cause de la confidentialité de l’identité des membres exécutifs du SPHR (tdlr) », précise Taylor. Selon lui, cependant, aucune vraie conversation ne s’est tenue entre l’Université et le collectif pro-palestine.

Il poursuit : « Au début de l’été nous en sommes arrivés à un point où l’administration avait fini de négocier. […] La vice-provost (vie étudiante et apprentissage) [Angela Campbell, ndlr] a donc envoyé un avis de défaut concernant le protocole d’entente (PE). » Un avis de défaut se réfère à une clause du PE entre l’Université et l’AÉUM, qui est invoquée notamment lorsqu’un élément du protocole n’est pas respecté, comme, par exemple, dans une situation où l’AÉUM enfreint la loi canadienne, ou québécoise, sa propre constitution, ou encore si une des parties enfreint les termes du protocole. Si la situation n’est pas rectifiée en 60 jours, deux options sont possibles. Si l’Université enfreint les termes du PE, celui-ci est automatiquement dissous. Si l’AÉUM enfreint les termes du PE, son budget est placé dans un fond fiduciaire administré par cinq représentants : deux de l’AÉUM, deux de l’Université et un représentant externe.

Une décision précipitée 

L’Université McGill précise au Délit que le 10 juillet dernier, un avis de défaut a été envoyé à l’AÉUM, informant l’association « qu’elle avait 60 jours pour remédier à la situation en rompant ses liens avec le collectif Solidarité pour les droits humains des Palestiniens, notamment en révoquant le statut de club affilié de ce dernier et en cessant de le financer ». L’Université qualifiait le discours et les actions du collectif comme « contrevenant sans équivoque aux politiques de l’Université ainsi qu’à celles de l’Association ». Plus spécifiquement, l’Université revendique le non-respect du mandat principal de l’AÉUM tel qu’il l’est décrit dans le PE, soit la représentation des intérêts de l’ensemble des étudiants et étudiantes au premier cycle de l’Université et sa responsabilité de s’assurer que tous les groupes se conforment aux modalités énoncées dans le protocole d’entente. C’était donc ce non-respect que l’Université avait identifié comme étant un cas de défaut.

« Face à cet avis, l’AÉUM avait deux options pour déterminer s’il y avait réellement un défaut », explique Taylor. « Nous pouvions emmener McGill devant les tribunaux, ou négocier. Les deux auraient coûté du temps et de l’argent, mais en calculant les risques, une procédure juridique aurait été beaucoup plus nuisible aux 24 743 étudiants membres de l’AÉUM. » C’est donc dans ce contexte que l’association étudiante a rompu tout lien avec le SPHR, bien que son équipe légale continue d’affirmer que l’avis de défaut est sans fondement. Cependant, faute de rectification de la situation de la part de l’AÉUM dans les délais appropriés (60 jours), un fond fiduciaire aurait été établi pour gérer les fonds alloués à l’AÉUM, ce que Taylor explique vouloir éviter. 

Selon Taylor, étant donné qu’aucune conversation ou action significative n’a été entreprise entre l’Université et le SPHR après l’envoi de l’avis, l’AÉUM s’est retrouvée avec des options limitées. La date limite du 8 septembre donnée à l’AÉUM pour remédier aux événements de défaut, l’absence de vraies négociations entre les trois parties, et des priorités concurrentes, laissaient seulement une fine marge de manœuvre à l’AÉUM. Taylor souligne notamment que plusieurs autres enjeux étaient prioritaires pour l’AÉUM, « notamment notre bail mensuel et notre relation avec l’Université. La question s’est posée de savoir si nous allions nous engager dans une bataille juridique avec McGill ou si nous allions accepter le défaut ». L’AÉUM a toutefois décidé de rompre ses liens avec le collectif, évitant ainsi un combat légal. Concernant la description des activités du collectif comme ayant des « comportements profondément troublants » dans l’avis émis par la vice-provost, l’AÉUM refuse d’exprimer leur accord ou leur désaccord avec une telle qualification.

Prochaines étapes

Le Délit a questionné Taylor sur les prochaines étapes pour l’AÉUM, concernant sa séparation du collectif Étudiants pour l’honneur et la résistance de la Palestine. Il explique que « l’AÉUM n’est ni en accord avec, ni en opposition à la situation [la séparation des deux groupes, ndlr], simplement c’est ce qui a été fait en fin de compte ». Il précise cependant que l’AÉUM cherche à regagner son indépendance politique en changeant certaines clauses du PE. « En ce moment, les questions incluses dans nos référendums doivent être approuvées par le bureau de la vice-provost. Nous essayons de reprendre de notre autonomie pour pouvoir faire voter la population étudiante sur n’importe quelle question, liée à la gestion de fonds de l’AÉUM, que ce soit politique ou non. » L’AÉUM affirme avoir mis en place une équipe de négociation, avoir envoyé une première version du nouveau PE à l’administration de l’Université, et attend maintenant une réponse de la part de l’Université.


Dans la même édition