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Journée nationale de la vérité et de la réconciliation

Commémoration et événements sur le campus.

Vincent Maraval | Le Délit

Le 30 septembre marque la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, un jour férié fédéral au Canada depuis quatre ans, et institué six ans après la conclusion de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (2008–2015). Cette commission avait pour objectif de poser les fondations de la réconciliation, en recueillant plus de 6 000 témoignages de survivants autochtones des pensionnats. Ces établissements avaient pour mission d’effacer la culture et les valeurs autochtones, tout en imposant une assimilation forcée des communautés autochtones à la société canadienne. Le rapport final de la commission désigne ainsi les écoles résidentielles comme des instruments ayant contribué à un génocide culturel. En ce 30 septembre, le Canada commémore ce préjudice commis par l’État canadien, et invite à une réflexion sur les effets persistants de ce chapitre de l’histoire canadienne sur les communauté autochtones.

Visite critique du campus

Dans le cadre de cette journée, plusieurs activités ont eu lieu sur le campus de McGill et dans Montréal. En matinée, la Faculté des sciences de l’éducation a organisé son annuelle « Visite critique du campus », un événement conçu pour susciter une réflexion sur les sites occupés par l’Université McGill. Afin d’introduire cet événement, plusieurs intervenants ont pris la parole devant près de 200 personnes, pour souligner l’importance de ce jour.

Celeste Pedri-Spade, vice-provost aux initiatives autochtones et membre de la Première Nation du lac des Mille Lacs, a pris la parole : « Aujourd’hui est un jour très lourd pour ma famille, ainsi que pour plusieurs membres des Premières Nations, Métis et Inuits qui ont été touchés par l’héritage des pensionnats (tdlr). » Dre Pedri-Spade a ensuite mis en avant les initiatives prises par l’Université au cours des dernières années, parmi lesquelles les 52 appels à l’action pour la vérité et la réconciliation à McGill, lancés en 2017.

L’éducation joue un rôle central lors de la Journée du chandail orange, une initiative dédiée à la commémoration des traumatismes causés par les pensionnats autochtones au Canada. Vivek Venkatesh, doyen de la Faculté des sciences de l’éducation de McGill a affirmé qu’ « il est impératif que nous commencions à nous éduquer et à éduquer les nouvelles générations d’étudiants pour mieux comprendre l’impact dévastateur des pratiques coloniales qui visent à dénigrer et à décimer la vie et l’existence même de nos communautés autochtones ».

Un étudiant autochtone de troisième année de la Faculté des sciences de l’éducation a ensuite pris la parole : « L’éducation a été utilisée comme une arme pour détruire notre peuple. Mais aujourd’hui, nous la [l’éducation, ndlr] reprenons et nous allons l’utiliser comme un outil pour sortir notre peuple de la pauvreté. »

Après cette série de discours, deux groupes d’environ 70 étudiants ont parcouru le campus pour y visiter trois sites : la maison des Premières Nations et le parcours Peel ; la bibliothèque McLennan, ainsi que le rocher Hochelaga. À chacun de ces sites, des explications sur leurs significations respectives étaient offertes.

Panel et discussions

À l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, l’École d’éducation permanente de McGill a organisé un panel intitulé « Perspectives autochtones sur la vérité et la réconciliation dans l’enseignement postsecondaire », modéré par Veldon Coburn, doyen de la Faculté de l’initiative de relations avec les Autochtones.

« L’éducation a été utilisée comme arme pour détruire notre peuple »
- Un étudiant autochotone de McGill

Les deux panélistes, Natasha MacDonald, professeure inuit à l’École d’éducation permanente de McGill, et Alicia Aragutak, récente diplômée inuit de l’École d’éducation permanente de McGill, se sont exprimées sur l’importance des institutions postsecondaires en ce qui a trait à la réconciliation. Celles-ci ont pu offrir une perspective pertinente sur la vérité et la réconciliation, fort de leurs expériences distinctes en tant que membres de la communauté inuite.

La discussion a été entamée avec une question simple, mais cruciale : comment définir la vérité et la réconciliation ? MacDonald a été la première à prendre la parole, soulignant que l’histoire des écoles résidentielles – la raison d’être de la Commission de vérité et de réconciliation – n’est pas aussi lointaine que ce que nous sommes portés à croire. Faisant part d’une anecdote personnelle, elle a raconté que sa première année d’école primaire avait eu lieu dans un externat autochtone fédéral. Elle a par la suite affirmé que l’importance « d’inuitiser » les institutions du Nunavik « émanait d’un endroit réel et proche », référant à l’expérience récente et directe de son peuple avec le projet génocidaire de l’État canadien.

Aragutak a ensuite pris la parole, relatant l’expérience de sa propre famille, confrontée au massacre des chiens de traîneau et à la réinstallation des Inuits dans l’Extrême-Arctique canadien, deux politiques dévastatrices ciblant les communautés inuites. Elle a poursuivi en précisant que la vérité était désormais révélée au grand jour, mais qu’elle demeure un sujet sensible, difficile à aborder : « Pour les personnes autochtones, c’est épuisant de raconter son histoire sans cesse, mais c’est ce qu’il faut faire pour progresser vers la réconciliation. » Cependant, elle a soutenu que même « pour nous [les personnes Inuites, ndlr], c’est difficile de s’accorder sur ce qu’implique la réconciliation », mais qu’il était rassurant de voir que les universités comme McGill créaient un espace favorisant le dialogue.

Quant au rôle des institutions postsecondaires, le consensus entre les panélistes et le modérateur s’est rapidement éclairci, et se résume par la citation de l’honorable Murray Sinclair : « c’est l’éducation qui nous a mis dans cette situation, c’est elle qui nous en sortira ». À ce sujet, Aragutak et MacDonald soulignent néanmoins l’importance de l’accès à l’éducation postsecondaire dans les communautés inuites. Selon elles, la réconciliation nécessite, entre autres, l’auto-gouvernance des communautés autochtones, et ce, à travers l’éducation. MacDonald a conclu la conversation en citant l’importance de décoloniser l’éducation « en la rendant accessible à tous les jeunes autochtones, pas seulement à ceux qui osent quitter leurs communautés ».

Est-ce suffisant ?

Malgré les initiatives prises par l’Université à l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, certains continuent de questionner ses intentions, notamment en raison de la bataille juridique l’opposant aux Mères Mohawks. Des panels et des projets comme l’Initiative de relations avec les Autochtones sont-ils suffisants pour réparer l’ampleur des torts causés par l’Université envers les communautés autochtones ? Une réponse sanctionnée par l’État colonial est-elle suffisante pour garantir aux peuples autochtones leur auto-détermination et la libération qu’ils recherchent ? La réconciliation est-elle suffisante si elle se confine au 30 septembre ? 


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