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Magasiner en confiance

Karavel, une plateforme de vente en ligne informationnelle.

Eileen Davidson | Le Délit

Nombreux sont ceux qui ont tendance à diaboliser les entreprises et le monde des affaires, les accusant de n’être qu’à la recherche de profit, souvent au détriment des considérations sociales, éthiques et environnementales. À force d’être bercés par les discours d’écoblanchiment (greenwashing), on peut les comprendre. Néanmoins, certains clichés sont à nuancer, car ce serait adopter une vision manichéenne que de ranger tous ces acteurs dans le même panier. Certaines initiatives entrepreneuriales contribuent à leur manière à la cause environnementale et poussent vers une consommation plus raisonnée en utilisant les codes de notre modèle économique et sociétal pour le faire évoluer de sorte qu’il respecte mieux l’environnement.

Le Délit s’est entretenu avec les cofondateurs de l’entreprise Karavel, Karl Godin et Timothé Bouchard. Karavel est une petite entreprise québécoise de vente en ligne de produits locaux qui encourage la transition vers un mode de vie plus vert.

Acheter local et informé

Karl et Tim sont deux amis d’enfance. Ensemble, ils ont décidé de monter leur entreprise en 2019, mettant ainsi leurs carrières professionnelles au service de leur combat environnemental. À l’origine, l’idée était de créer « un genre d’Amazon, mais local », raconte Karl. Tous les deux avaient connu des difficultés dans leur vie quotidienne, en tant que consommateurs, à se renseigner sur les produits qu’ils achetaient : « On voulait acheter plus éthiquement, plus localement, et avec plus de considération pour l’environnement. Mais on avait beaucoup de difficultés à trouver des sites qui font une agrégation de bons produits, puis qui nous donnent l’évaluation de leurs impacts avant ça », explique Tim. C’est pourquoi, ils ont décidé de créer une plateforme informationnelle de magasinage en ligne, afin d’aider le consommateur à faire des achats plus responsables en connaissance de cause. Ainsi, leur plateforme cherche à répondre aux questions suivantes : est-ce que les matières premières sont durables ? Est-ce que le produit trouve ses sources à l’autre bout de la planète ?

Le nom Karavel est dérivé de la caravelle, un navire à voiles utilisé lors des voyages de découvertes au 15e siècle. Elle était aussi utilisée pour transporter de la marchandise. Karl justifie le choix : « Honnêtement, c’est juste que phonétiquement, on aime beaucoup le son, puis ce que ça peut évoquer sans nécessairement faire allusion à l’aspect nautique ». Aussi, la plateforme Karavel accompagne le consommateur en lui donnant toutes les clés pour faire un choix éclairé et sûr. « Notre objectif, c’est d’offrir quelque chose qui soit vraiment aligné le plus possible avec nos valeurs, et celles de ceux qui ont la société, la communauté, et l’environnement en tête quand ils magasinent. Notre objectif, c’est vraiment de créer quelque chose de facile à naviguer, puis aussi d’être capable de bien présenter et mettre en valeur les produits de qualité qui sont disponibles sur le marché », poursuit Karl. Les deux cofondateurs ont fait le choix de mettre l’accent sur les produits locaux, qu’ils regroupent sur leur plateforme. Tim souligne que « même les produits locaux, souvent, on ne sait pas comment ils sont faits. On ne sait pas nécessairement quelle entreprise les a faits, ni comment ».

Sur Karavel, on retrouve une sélection de produits de soin personnel et de ménage, à savoir « des produits du quotidien » qu’on a toujours besoin d’acheter. Il ajoute que « la façon dont on réfléchit souvent, c’est de penser à tous les produits qu’on utilise au quotidien. On se lève le matin, on prend notre petit café matinal, après on prend notre douche, on a besoin de notre shampoing, etc. ». On y retrouve donc surtout des produits essentiels, c’est « un peu comme une pharmacie » suggère Karl. En effet, l’idée n’est pas d’encourager la surconsommation ou les achats inutiles. 

Impact communautaire

Pour choisir les produits qu’ils mettront sur leur plateforme, Tim et Karl font non seulement attention à leur provenance, mais aussi à leurs caractéristiques environnementales. Les produits locaux permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par le transport de marchandises. Ils essayent le plus possible de sélectionner des produits sans emballages comme les shampoings solides ou avec des emballages réutilisables, compostables. Ils font également attention à leurs ingrédients et leur empreinte écologique. Karl donne l’exemple de la crème solaire disponible sur la plateforme à la fois en forme solide et en forme liquide, dont la composition n’a pas d’impact négatif sur les coraux dans les océans. Enfin, les produits ayant reçu des certifications environnementales ou sociales, ou effectuant de la compensation carbone sont également priorisés. 

Karavel est une entreprise qui s’engage pour la communauté, et qui n’est pas seulement intéressée par le profit. 1% de la valeur de chaque commande sur leur site est remis à un organisme environnemental. Par ailleurs, le 28 mai dernier, à l’occasion de la journée de l’hygiène menstruelle, l’entreprise a annoncé donner l’entièreté des bénéfices bruts reçus au cours de l’année de 2024 avec la vente de produits d’hygiène féminine à l’association Dignité mensuelle, qui en fournit gratuitement. « En renonçant aux bénéfices bruts, nous visons à combattre la précarité menstruelle tout en encourageant une discussion sur les enjeux éthiques associés au profit et aux produits menstruels », avaient-ils écrit sur leur site. Selon eux, « le sexe ne devrait pas avoir d’incidence sur le coût de la vie » et « l’accès aux produits d’hygiène féminine est souvent trop coûteux ».

« L’objectif, c’est aussi d’être réaliste dans ce que le monde est capable de faire, et de transitionner ce fardeau-là de l’individu vers les entreprises »

- Karl Godin, cofondateur de Karavel

Écologie réaliste

Tim souligne que de nombreuses entreprises cherchent aussi à avoir un impact communautaire positif, en proposant des collectes de déchets par exemple. Tim et Karl prévoient également de soutenir les artistes locaux en leur permettant d’illustrer les cartes de livraison de Karavel, livraisons qui sont neutres en carbone grâce à Shopify Planet, une application qui compense les émissions émises lors du transport maritime des marchandises en soutenant les technologies d’élimination du carbone. Ce genre d’actions permet de faire face à un certain complexe en tant qu’entreprise en ligne qui se veut environnementale, comme l’admet Tim : « Quand on est une boutique en ligne, c’est difficile d’être complètement écolo. Il y a quand même tout le coût environnemental lié à l’envoi. » Voilà pourquoi ils priorisent les produits qui n’ont pas un gros volume et qui n’ont pas besoin d’être transportés. Ils s’assurent aussi de rester dans la gamme des produits essentiels et de « bien informer notre clientèle pour ne pas encourager non plus la surconsommation ».

Tim et Karl partagent une philosophie réaliste de l’écologie. Leur objectif est d’accompagner leur clientèle vers des habitudes de consommation plus durables sans leur demander un changement radical de mode de vie. « C’est difficile d’être écologique à 100% », constate Karl. Il ajoute : « On a chacun nos fardeaux, on a chacun nos raisons d’agir d’une certaine façon. Nos clients, et nous-mêmes, on est tous un peu paresseux jusqu’à un certain point. Être 100% écologique, on pourrait le faire. Ce n’est pas impossible, mais ça a un impact sur notre santé mentale. Quand tu prends cette charge-là en tant qu’individu, ça devient vraiment difficile. » L’engagement de Karavel cherche à soulager la responsabilité de l’action individuelle en la rendant plus facile. « L’objectif, c’est aussi d’être réaliste dans ce que le monde est capable de faire, et de transitionner ce fardeau-là de l’individu vers les entreprises », conclut-il. Parfois, s’adapter au système économique de notre société nécessite de favoriser des changements progressifs qui à long terme auront un impact significatif sur la réduction de nos émissions de dioxyde de carbone. Tim conclut lui aussi : « C’est un petit peu ça notre mentalité pour l’ensemble des produits où parfois, on doit faire des petits sacrifices [en vendant certains produits non réutilisables, ndlr] pour essayer d’aller chercher plus de gens, faire grossir notre communauté. Mais c’est aussi une manière de transférer plus de gens vers des habitudes qui sont plus vertes. » 

Aujourd’hui, Karavel se lance dans un nouveau chapitre et va étendre ses ventes sur des produits de qualité en se concentrant un peu moins sur l’aspect environnemental. L’entreprise garde toutefois sa ligne directrice étant de garder une transparence complète sur les produits qu’elle promeut afin de continuer à permettre l’achat informé.


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