Le documentaire Yintah, réalisé par Jennifer Wickham et Michael Toledano, est bien plus qu’un reportage : c’est une œuvre puissante qui plonge au cœur de la résistance autochtone des Wet’suwet’en en Colombie-Britannique. Filmé sur une période de 10 ans, le documentaire retrace la lutte menée pour protéger leurs terres ancestrales contre l’intrusion brutale des oléoducs et des machines, face à l’indifférence d’un État motivé par le profit. Chez les Wet suwet’en, le territoire n’est pas une carte à ratisser ni une surface à conquérir. La terre est vivante, vibrante. Elle est l’âme des ancêtres, la mémoire des générations passées, et la promesse des générations à venir. Yintah brille par sa capacité à capturer la beauté sauvage du territoire canadien. Les plans aériens offrent une vue à couper le souffle des paysages que la communauté lutte pour préserver. Ces images mettent en exergue l’absurdité du projet d’oléoduc de Trans Mountain, une intrusion brutale dans un espace d’une pureté rare. Les réalisateurs montrent sans artifice ce que les Wet’suwet’en tentent de protéger : une terre dont ils ne sont pas les propriétaires, mais les gardiens.
Les images poignantes de cette lutte révèlent une vérité dérangeante : nous sommes les occupants permanents de terres qui ne nous appartiennent pas. Yintah est un assemblage minutieux de moments clés, captés dans une démarche de cinéma direct. Chaque image est soigneusement choisie pour refléter la réalité brute de la réoccupation du territoire par les Wet’suwet’en, illustrant à la fois la résistance de la communauté et la violence de l’État. On ressent la colère, la tristesse, mais aussi la résilience qui brûle dans chaque regard, chaque geste.
La musique s’entrelace avec les images, jouant un rôle crucial dans la construction émotionnelle du film. Des chants traditionnels rappellent l’histoire millénaire qui se déroule sous nos yeux. On voit les femmes Wet’suweten, gardiennes du territoire, debout face aux agents armés de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), tenant tête avec un calme et une dignité qui font honte à ceux qui se tiennent de l’autre côté. Elles chantent d’une voix brisée, dans un acte de résistance pacifique, et refusent de se taire, même lorsqu’on leur passe les menottes aux poignets. Mais le véritable cœur du film réside dans son message : une dénonciation de l’injustice coloniale persistante au Canada. Ce qui rend Yintah particulièrement puissant, c’est son refus de sombrer dans le pathétique. La douleur est présente, mais elle est portée avec dignité. Le rire semble parfois être la seule réponse possible à l’ironie de la situation, qui culmine lorsqu’un policier scie un panneau de bois portant l’inscription « Réconciliation ». Un geste aussi absurde que symbolique, qui résume toute la duplicité des politiques gouvernementales. Le gouvernement Trudeau parle de réconciliation, de respect des droits autochtones, mais ses actions révèlent un autre visage, celui de la force brute et de l’exploitation.
Et puis, il y a la fin. Un appel vibrant depuis l’écran, qui incite à agir, à se rallier à la cause. À ne pas oublier cette résistance des Wet’suwet’en, cette solidarité qui, bien que freinée par le confinement, continue de réclamer notre attention. Parce que Yintah n’est pas un film que l’on regarde passivement. Il vous interpelle, vous secoue, vous transforme en témoin, en acteur potentiel d’une lutte qui est loin d’être terminée.
Yintah sera disponible sur la plateforme de visionnement Netflix dès le 18 octobre.