Ce mardi 1er octobre, les candidats à la vice-présidence des États-Unis, le gouverneur du Minnesota Tim Walz pour les démocrates et le sénateur James David (J.D.) Vance de l’Ohio pour les Républicains, se sont affrontés dans un débat télévisé dans l’ensemble cordial, au cours duquel ils ont abordé une variété de sujets clivants, incluant l’avortement, l’immigration, la violence armée et le système de santé. À seulement 35 jours des élections, il est difficile de déterminer l’impact concret du débat sur la course électorale aux États-Unis. Comme le souligne Julien Rivière, vice-président de l’association étudiante Democrats @McGill : « La plupart des électeurs se concentrent sur les candidats à la présidence […]. Le débat des vice-présidents a certainement joué un rôle dans l’éducation des électeurs sur les positions de chaque candidat, mais en fin de compte, il a rarement un impact réel (tdlr). » Cette année pourrait toutefois faire exception selon Leonard Moore, ancien professeur d’histoire à l’Université McGill et spécialiste de l’histoire politique des États-Unis : « Chaque étape de la campagne est cruciale dans le contexte actuel. Même si le débat ne change que 5 000 voix dans un État, celles-ci peuvent être déterminantes. »
L’immigration, l’avortement et l’élection de 2020
Tout au long du débat, J.D. Vance a pris pour cible Kamala Harris, mettant en doute sa capacité à déjà mettre en oeuvre ses objectifs actuels : « Si Kamala Harris a de si bons projets pour résoudre les problèmes de la classe moyenne, elle devrait les mettre en œuvre maintenant. Pas en demandant une promotion, mais dans le cadre du poste que le peuple américain lui a confié il y a trois ans et demi. » Vance a également tenu Harris responsable de nombreux problèmes sociétaux aux États-Unis, notamment en matière d’immigration, affirmant que le pays fait face « à une crise historique de l’immigration, parce que Kamala Harris a modifié les politiques frontalières de Donald Trump ».
De son côté, Tim Walz a défendu les politiques démocrates en matière d’accès à l’avortement et de droits des femmes. Lorsque Vance l’a accusé d’adopter une « position très radicale en faveur de l’avortement », Walz a répliqué : « Non, ce n’est pas le cas. Nous sommes pour les femmes. Nous sommes pour la liberté de faire son propre choix. » Il a également été intraitable sur la question de la violence armée aux États-Unis. En réponse à l’insinuation de J.D. Vance suggérant que la santé mentale serait à l’origine du problème, Tim Walz a déclaré que cette idée était infondée et dangereuse : « Ce n’est pas parce qu’on souffre d’un problème de santé mentale qu’on est forcément violent. […] Le vrai problème, c’est les armes. C’est juste les armes. »
Selon Leonard Moore, le moment le plus marquant du débat pour Walz est survenu à la toute fin, lorsqu’il a confronté son adversaire sur la défaite électorale de Trump en 2020, posant la question : « Est-ce que [Trump] a perdu l’élection de 2020 ? » Vance a répondu : « Tim, je me concentre sur l’avenir », ce à quoi Walz a rétorqué : « C’est une non-réponse accablante. » En refusant de répondre, J.D. Vance aurait d’après Moore permis à Walz de reprendre in extremis le dessus dans le débat.
Vance tente de redorer son image
Avant de prendre place sur la scène du débat, J.D. Vance affichait un taux d’approbation inhabituellement bas pour un colistier à l’élection présidentielle. Au cours des semaines précédant l’événement, il avait attiré l’attention du public par ses remarques incendiaires. Une vidéo de lui remettant en question l’apport à la société des femmes sans enfants, les qualifiant de « dames aux chats (tdlr) » (childless cat ladies), a fait grand bruit sur les réseaux sociaux, de même que son insinuation infondée selon laquelle les immigrants haïtiens à Springfield mangent les animaux de compagnie des habitants.
Selon un sondage réalisé par CBS auprès de 1 630 électeurs potentiels ayant regardé le débat, la popularité de J.D. Vance a grimpé de 9 points de pourcentage, passant de 40 % à 49 %. Leonard Moore souligne que Vance a su tempérer ses opinions pendant le débat. Il s’est présenté d’abord comme un père de famille, préoccupé par le bien-être des Américains de classe moyenne. Lorsqu’il a été interrogé sur la violence armée aux États-Unis, il a pris la parole en tant que parent : « On envoie nos enfants à l’école avec tellement de joie, d’espoir et de fierté. Et l’on sait, malheureusement, que beaucoup d’enfants vont être affectés par l’épidémie de la violence armée. »
Leonard Moore estime que cette façade calme et presque chaleureuse lui a permis de rendre « plus digestes » ses théories plus extrêmes, tout en réfutant de manière convaincante les critiques qu’on lui adressait. Il avance également que Vance semble envisager une candidature pour les élections de 2028 : « On a l’impression en voyant ce Vance moins radical, plus raisonnable, qu’il a l’objectif de se présenter aux élections de 2028. Il veut donner l’impression d’être l’héritier logique de l’empire que Trump a fondé. »
« De nombreux commentateurs ont noté que le ton du débat est resté très cordial, beaucoup plus que celui du débat présidentiel, et ce malgré la portée controversée des thèmes abordés »
Une performance en demi-teinte pour Walz ?
De son côté, Tim Walz se positionnait avant le débat comme un homme politique modéré, relativement peu connu du public. Avant d’être choisi comme colistier, il avait toutefois déjà attiré l’attention en qualifiant les Républicains de « bizarres » (weird), une critique ayant fait mouche dans le clan républicain. Celle-ci s’est d’abord propagée par des entrevues dans les journaux, et s’est ensuite répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux.
Cependant, son attitude lors du débat était largement moins conflictuelle. D’après Moore, « Walz n’était pas dans la confrontation. […] Je ne sais pas s’il s’agissait seulement d’une question de caractère, d’inexpérience en débat ou encore d’une stratégie pour rejoindre les électeurs indécis ». Au final, il paraissait « un peu dépassé par les événements ». Malgré une performance moins convaincante, la popularité de Walz aura elle
aussi augmenté lors du débat, passant de 52 % à 60 % selon les statistiques de CBS.
Dans un contexte politique toujours plus polarisé, de nombreux commentateurs ont noté que le ton du débat est resté très cordial, beaucoup plus que celui du débat présidentiel du 10 septembre 2024, et ce malgré la portée controversée des thèmes abordés. Les deux candidats ont échangé des poignées de main au début et à la fin de l’événement, ont évité les attaques personnelles et se sont concentrés sur leurs politiques respectives.