C’est lundi matin que ça s’est finalement fait. À Ottawa, devant la porte de Rideau Cottage, la résidence temporaire qu’occupe Justin Trudeau depuis que le 24 Sussex Drive est en construction, Trudeau a annoncé aux 41 millions de Canadiens qu’il quittait ses fonctions de premier ministre et de chef du Parti libéral du Canada. C’est après une lente agonie que le chef du gouvernement s’est finalement résigné à faire l’annonce de son départ. Pourtant, Justin Trudeau n’est pas le premier ni le dernier à prendre cette décision. Avant lui, son père avait aussi démissionné en 1982 et choisit de prendre le chemin de la retraite. Jean Chrétien a quitté les communes après que des tensions internes sont devenues trop importantes pour préserver l’intégrité de
son leadership. Dans le cas de Trudeau, c’est la démission fracassante de sa ministre des finances, ChrystiaFreeland, qui a été la goutte ayant fait déborder le vase. C’était le dernier coup de couteau que Brutus portait à César, celui qui fut fatal.
« Monsieur Trudeau, vous avez inspiré une génération entière à la politique, nous nous sommes sentis vus, entendus et représentés »
À la suite du départ de Freeland, plusieurs choses se sont bousculées sur le calendrier des communes. Premièrement, Trudeau a annoncé son choix de proroger le Parlement. En d’autres mots, le Parlement ne siégerait pas. Les comités, les périodes de questions, tout ça a été mis en pause jusqu’au 24 mars. Ne vous inquiétez pas, le pays ne cessera pas d’opérer durant cette période. Le cabinet des ministres continue de se rencontrer, Trudeau demeure notre premier ministre. Donc, pour ceux et celles, de bonne ou de mauvaise foi, qui craignaient que le Canada prenne une dérive dramatique au cours des prochains mois, il reste un capitaine à la barre du navire.
Deuxièmement, dans sa conférence de presse, le premier ministre a aussi fait l’annonce qu’une course à la chefferie sera tenue afin d’élire un nouveau chef du Parti libéral. Autrement dit, après que l’exécutif national du parti ait déterminé les règles et conditions, nous, les libéraux, nous trouverons un nouveau chef d’ici mars. Il s’agit d’un moment des plus cruciaux, puisqu’il marque la première course à la chefferie libérale depuis 2013. Ce sera donc un moment parfait pour nous rassembler en tant qu’entité politique, panser nos blessures et nous retrouver en famille pour discuter du futur du parti. Ce sera aussi l’occasion de choisir ce qui est favorable pour le futur de notre formation politique, forte de 158 ans d’histoire, et que l’on espère voir évoluer aussi gracieusement qu’auparavant.
Troisièmement, l’heure des réactions a sonné : elles ont été nombreuses. D’une part, il y a eu les antagonistes. La coutume veut qu’on salue nos opposants lorsqu’ils quittent leurs fonctions publiques, une manière de reconnaître les sacrifices familiaux et personnels auxquels un politicien s’est soustrait pour le bien du pays. C’est une simple formalité, une preuve de civisme dans une arène politique trop souvent sanguinaire.
Pourtant, certains – comme Paul St-Pierre Plamondon, Pierre Poilievre et Jagmeet Singh, à l’image de Trump – ont fait fi des traditions politiques qui maintiennent le bon entendement.
Ils ont opté pour des critiques gratuites et polarisantes envers le premier ministre sortant afin de faire de vulgaires points politiques. Ce faisant, ils nous ont prouvé une chose : que leur bassesse n’a d’égal que leur manque de savoir-vivre et de respect envers les institutions démocratiques. Dans ce genre de moment, je tente de me souvenir d’une phrase de Michelle Obama ; « quand ils s’abaissent au plus bas, nous nous élevons. (tdlr) » C’est ce que je choisis de faire aujourd’hui. Dans le futur, je les remercierai de leur service rendu le jour où ces trois charmants messieurs nous feront le plaisir de quitter la vie politique.
D’autre part, les membres du caucus libéral lui ont tous rendu hommage. Tous, sans aucune exception, les mutins comme les fidèles. À leur manière, beaucoup ont salué le travail du premier ministre dans ses fonctions de chef de gouvernement, chef de parti et finalement comme député de la circonscription de Papineau depuis 2008. En politique, de nos jours, la décence est rare, mais il est bon de voir qu’il y en a toujours.
Pour conclure sur une note plus personnelle, chers lecteurs, permettez-moi de m’adresser à celui qui m’aura tant inspiré. À cet idole qui, alors que j’avais tout juste 11 ans, m’a poussé à prendre part à la vie politique : Monsieur Trudeau, Justin, c’est avec le cœur lourd, mais le sentiment du devoir accompli que je vous dis merci. Merci d’avoir fait du Canada une place où il fait bon vivre. Avec le premier cabinet paritaire dans l’histoire du pays, vous avez commencé en force, démontrant que votre gouvernement refléterait la réalité des gens qu’il sert. C’est à vous, monsieur Trudeau, que l’on doit les avancements dans la réconciliation avec les peuples autochtones – les horreurs commises depuis la colonisation entachant toujours notre histoire nationale. On vous doit aussi la baisse de nos émissions de carbone, un enjeu de plus en plus important. On doit saluer votre travail qui a permis de sortir un million d’enfants de la pauvreté depuis 2015. Mais surtout, on a une dette envers vous, puisque vous avez su montrer à notre jeunesse que la différence n’est pas une faiblesse, mais bien la force du Canada. J’en suis la preuve. Je me souviendrai toujours de vous comme cet homme qui, avec joie, a hissé pour la première fois sur la colline parlementaire le drapeau arc-en-ciel, envoyant un message de tolérance et d’espoir à ceux qui, comme moi à l’époque, n’osaient pas parler de fierté.
Monsieur Trudeau, vous avez inspiré une génération entière à la politique, nous nous sommes sentis vus, entendus et représentés. Vous êtes la preuve que la promesse du Canada n’est pas brisée comme certains voudraient le faire croire. Au contraire, elle est vivante et pleine d’espoir. Merci pour ce que vous nous avez donné. Vous qui avez fait offrande de toutes ces années de vie en famille troquées pour des réceptions pas toujours si palpitantes ou encore cette jeunesse fougueuse par laquelle on vous reconnaît, contre quelques rides et des cheveux blancs. La vie politique est ingrate, personne n’en doute plus aujourd’hui, mais dans un monde rempli de cynisme, vous avez été pour plusieurs notre voie ensoleillée. À mon premier ministre, à mon chef, à mon Justin, je ne peux que vous serrer la main et vous dire un énorme merci.