Face à une dégradation alarmante des infrastructures, les cégeps québécois lancent un appel urgent au gouvernement provincial de François Legault. Dans le cadre des consultations prébudgétaires, la fédération des cégeps demande une enveloppe supplémentaire de 300 millions de dollars pour freiner la détérioration de leurs bâtiments. Selon un rapport de la vérificatrice générale du Québec, deux tiers des infrastructures collégiales sont aujourd’hui en mauvais ou très mauvais état, mettant en péril la qualité de l’enseignement et la sécurité des étudiants. Comment les cégeps québécois en sont-ils arrivés là ? Est-ce une question de sous-financement gouvernemental, de mauvaise gestion interne ou d’une allocation déséquilibrée des ressources ? Passés en entrevue, des témoins mettent en perspective les réalités et les enjeux d’une crise sans précédent.
Le parc immobilier des cégeps en grande difficulté
La dégradation des infrastructures collégiales au Québec est une réalité qui frappe autant les étudiants que le personnel enseignant. Guylaine Leclerc, vérificatrice générale du Québec, affirme dans son rapport que depuis cinq ans « la part des bâtiments considérés comme étant en mauvais ou en très mauvais état, selon l’indice gouvernemental, est passée de 24% en 2019–2020 à 65% en 2024-2025. » Fadi, étudiant au Cégep de Maisonneuve, fait part de ses préoccupations : « Certaines sections du collège sont en mauvais état, les salles de classe y sont anciennes, manquent de lumière et sont parfois mal équipées. Cela finit par peser sur notre apprentissage. » Ce témoignage n’est pas un cas isolé : au Cégep de La Pocatière, une résidence étudiante a été évacuée en mai 2023 en raison de moisissures causées par une infiltration d’eau. Au Cégep de Saint-Laurent, la situation est toute aussi critique : un pavillon a été fermé d’urgence en raison de risques d’effondrement. Au Cégep de Rimouski, les « fissures inquiétantes » sur les murs d’un ancien bâtiment préoccupent le personnel. La chaleur y est suffocante durant l’été, forçant les étudiants à apporter leurs propres ventilateurs. Cette liste est loin d’être exhaustive, et de nombreux autres établissements font face à des défis similaires.
La qualité de l’enseignement compromise ?
Fadi souligne que les salles rénovées de son cégep sont bien plus propices à l’apprentissage : « Quand les conditions sont idéales, on a plus envie d’apprendre. Tout est fonctionnel, et l’environnement est motivant. » En revanche, les salles plus anciennes, sans équipement adéquat, mal isolées et parfois sombres, nuisent à la concentration des élèves et à la qualité de l’enseignement dispensé, affirme Fadi. Ce constat s’étend à d’autres établissements, où les mesures provisoires, comme les cours dans des modules préfabriqués, ne permettent pas de recréer les conditions optimales pour un apprentissage efficace.
Une gestion contestée
Mario, membre de l’administration du Cégep Marie-Victorin, critique vivement la gestion financière des cégeps. Selon lui, « certains choix budgétaires relèvent davantage du gaspillage que de l’investissement utile. L’argent des taxes est dépensé abondamment sur des projets douteux, au détriment des besoins réels. » Ce témoignage met en lumière les désaccords importants sur le financement des cégeps et son utilisation, un point qui est également soulevé par la vérificatrice générale du Québec. Le rapport de cette dernière souligne que des cégeps en déficit d’espace ou en grave détérioration, comme le Cégep de Saint-Laurent ou le Cégep de Lionel-Groulx, reçoivent souvent moins de fonds que des établissements moins peuplés ou moins endommagés. Certains pointent du doigt une approche budgétaire trop centralisée ne prenant pas en compte les spécificités propres à chaque établissement. Alors que 75% des cégeps de Montréal devraient manquer de capacité d’accueil d’ici 2029 et qu’une augmentation de 20% des inscriptions est prévue d’ici 2033, le réseau collégial québécois se trouve à un tournant critique. Qu’il s’agisse de gestion interne inadéquate ou de sous-financement provincial, une certitude demeure : le réseau postsecondaire québécois doit être secouru.