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Vivre en résidence : mélange culturel ou simple colocation améliorée ?

McGill : résidences universitaires, entre diversité et repli social.

Toscane Ralaimongo

Si les étudiant·e·s en première année à l’université font souvent l’expérience de vivre loin de leurs parents, cette transition prend une dimension particulière en résidence universitaire, où la mixité culturelle et les affinités sociales s’entrelacent. Ainsi, lorsqu’ils·elles arrivent à McGill, une question majeure se pose : résidence ou colocation ? Cet éloignement de la bulle familiale offre une opportunité unique de rencontrer des personnes aux parcours, langues et habitudes de vie différents, élargissant ainsi le cercle social habituel. En 2022, 29,8 % des étudiant·e·s inscrit·e·s à McGill étaient internationaux·ales. Les résidences concentrent une grande partie de cette population en première année. Dans ce saut vers l’inconnu et face aux défis de l’intégration, la résidence étudiante peut être perçue comme un accélérateur de relations dans un cadre multiculturel souvent bien différent de ce à quoi on a été habitué auparavant. Pourtant, bien que généralement proposée par McGill pour les nouveaux·lles venu·e·s, loger dans une résidence demeure une option coûteuse et qui n’est pas systématiquement envisagée. 

Pour mieux cerner l’impact des résidences universitaires sur l’intégration sociale et la diversité culturelle à McGill, j’ai mené plusieurs entretiens avec des étudiantes ayant connu différents parcours. Parmi elles, Rosa Benoit-Levy, en première année, ainsi que Susana Baquero, Auxane Bussac, et Marguerite Lynas, toutes en troisième année, ont partagé leurs expériences dans diverses résidences. Cette enquête explore si ces lieux de vie collective tiennent leur promesse de diversité et favorisent la formation de liens sociaux durables.

La diversité en résidence, une réalité ? 

Dans les résidences universitaires de McGill, les espaces communs partagés comme les cuisines, les réfectoires ou les salles de bain sont souvent des lieux de socialisation. Ce type d’environnement favorise des interactions fréquentes et informelles entre les résident·e·s, confronté·e·s à la vie en communauté. Auxane Bussac, élève de troisième année, souligne : « En termes de vie sociale ça me paraît évident que vivre en résidence facilite la création de liens avec les autres étudiants pour la simple et bonne raison qu’on vit ensemble 24 heures sur 24 et sept jours sur sept […] il y a aussi l’esprit de communauté qui est non négligeable en résidence, être en permanence à quelques pas les uns des autres et partager une intimité de vie au quotidien ça crée des liens très forts. » 

« Les témoignages recueillis auprès de nombreux·ses étudiant·e·s montrent que l’année en résidence constitue un
tremplin important pour l’intégration sociale et l’exploration de la diversité culturelle »

Sur le site officiel du Logement étudiant de McGill, l’Université dit offrir des espaces adaptés à chacun·e (selon le coût, le bruit…) avec son slogan : « Nos résidences reflètent la diversité de la population étudiante ». Cette promesse de diversité est perçue différemment selon les expériences des résident·e·s. Dans les premières semaines, ce contexte si particulier, où l’on ne choisit pas qui sera notre voisin·e, donne l’impression de pouvoir connaître beaucoup de monde, provenant de larges horizons. Et en théorie, oui ; comme le souligne Marguerite Lynas (élève de troisième année ayant vécu à la Nouvelle Résidence) : « Quand tu vis dans la résidence c’est très sympa puisque tu as toujours l’opportunité de rencontrer des nouvelles personnes si tu veux. Cela permet de ne pas te fermer dans un groupe mais de diversifier le genre de personnes que tu vas fréquenter, et les langues que tu vas parler. » 

Cependant, en pratique, selon les caractères, langues parlées, expériences vécues… chacun·e a tendance à rester essentiellement avec des personnes de même origine ou parlant la même langue que lui·elle, comme le rapporte Auxane. Cela peut se produire plus naturellement du fait d’une culture, de références, d’habitudes, d’humour, qui peuvent amener à une entente tacite et renforcée par l’éloignement géographique du pays natal. Face à la réalité de ses liens, Auxane explique : « On a tous tendance à rester vachement avec nos pairs. […] Donc je ne dirais pas qu’on est particulièrement confronté à des interactions interculturelles, ça demande de l’effort, mais c’est clair que vivre en résidence ça facilite n’importe quel type d’interactions. »

Comme l’étudiante l’explique par la suite, rencontrer de nouvelles personnes nécessite parfois de sortir de sa zone de confort et d’aller vers les autres : « Tu peux vivre en résidence et pour autant te renfermer sur toi-même et tu feras beaucoup moins de rencontres que d’autres qui ne vivent pas en résidence, mais sont ouverts et avenants. » La résidence n’est donc pas toujours une précondition pour nouer des liens forts avec des personnes provenant du monde entier. 

« Un refuge culturel » 

Toutefois, pour certain·e·s, les similarités culturelles offrent un confort qui facilite l’adaptation et la confiance dans ce nouvel environnement. Susana Baquero, étudiante colombienne en troisième année, a trouvé un refuge culturel en partageant son étage avec une Panaméenne et une Mexicaine à l’une des Résidences supérieures : « Je me suis sentie plus à l’aise en parlant ma langue natale, je sentais que j’étais entourée de personnes qui comprenaient certaines choses dans ma culture. Ça ne veut pas dire que je ne m’entendais pas avec les autres gens de mon étage, mais ça me faisait me sentir plus proche de la maison. »

À l’inverse, au-delà d’une recherche de diversité culturelle, certaines résidences sont connues pour être dominées par une ou plusieurs nationalités, contrastant avec le slogan affiché sur le site du Logement étudiant. Par exemple, Rosa Benoit-Levy, actuellement en première année, remarque qu’à la Nouvelle Résidence : « Il n’y a pas beaucoup de diversité, dans la mesure où c’est une majorité de Français. Mais après, il y a pas mal d’Américains. Ça m’a plu, même s’il y a moins de diversité à Nouvelle Résidence que dans d’autres résidences. » 

Les témoignages recueillis auprès de nombreux·ses étudiant·e·s montrent que l’année en résidence constitue un tremplin important pour l’intégration sociale et l’exploration de la diversité culturelle. Bien qu’aucune résidence ne soit exclusivement composée d’une seule nationalité, des regroupements naturels peuvent influencer l’expérience de la diversité. Néanmoins, la structure inclusive des résidences de McGill offre à tous·tes les étudiant·e·s une opportunité d’interagir dans un cadre multiculturel, même si la pleine exploration de cette diversité dépend de la volonté individuelle de chacun·e à sortir de sa zone de confort.


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